J'avais 6 ans...L'age ou l'on s'amuse a la marelle,a la corde a sauter et a tous ces jeux insouciants qui conditionne l'adulte que l'on deviendra.Moi,mon jeu c'etait de dissimuler.Trop...J'etais trop souriante,trop facetieuse.Trop avancée aussi.Malgré moi. Lui,c'etait mon demi-frere.Le fils que mon pere avait eu 40 ans plus tot,en indochine lors de la guerre.Il est arrivé un jour,avec femme enceinte et enfants,avec en tete l'idée de rattrapper le tempsperdu avec son pere qui lui ouvrait grand les bras.Un peu trop.
Dès le 1er jour des retrouvailles,je suis gratifiée d'un enorme baiser de cinema,avec la langue,dans le secret d'une chambre d'amis.Les jours suivants,je decouvrirais l'anatomie masculine dans les plus petits details.Puis ce sera les siestes,veritables entreprise d'education sexuelle inculquée a une enfant de 6 ans.La musique vietnamienne,bien trop forte pour couvrir les rales et les soupirs.Les pastilles pour la gorge qu'il me donnait pour me faire comprendre que c'etait "notre petit secret a nous".Je n'en ai jamais remangé,meme pour des angines carabinées.Trop evocatrices ces pastilles.
Ca a duré,jusqu'a mes 9 ans.
Et puis il est parti.Il a perdu sa femme et ses 3 enfants dans un accident et,apres cela,il a vecu quelques temps a la maison,chez mes parents...Il avait ainsi son jouet a portée de main,a disposition.
Quand il est reparti chez lui en region parisienne ,j'en ai parlé a ma mere.Elle a fermé les yeux,au sens propre comme au figuré."Mais non ma cherie,allez,il faut oublier ca".Voila quels etaient les mots dune mere a son enfant torturé...Ils n'ont quasiment pas changé depuis,meme si elle a fait l'effort d'aller temoigner au commissariat.Ea je pense,eu peur des consequences.Car moi,pauvre gamine de 9 ans,j'allais jeter le discredit sur ma famille et leur causer du tort.Ce que je pensais et pense toujours,on s'en fout,pourvu que ma mere ne soit pas inquietée.
J'ai deposé plainte a 18 ans,une fois mon papa decedé car etant tres malade,je ne voulais pas rajouter a ses tourments une procedure qu'il n'aurait pu supporter.6 ans apres,j'attends toujours.Ca devrait approcher,peut etre pour le printemps m'avait dit l'expert-psychiatre que j'ai rencontré.Peut etre...Mais lui est actuellement tranquille chez lui avec sa fille et son fis qu'il peut faire sauter sur ses genoux en toute impunité et -qui sait - leur faire ecouter aussi de la musique vietnamienne.En lisant le livre d'Isabelle,je me suis reconnue dans chacune de ses pensées qui je pense sont communes a toutes victimes de l'inceste.La honte,la peur,le doute."Et si c'etait moi qui l'avait rovoqué?"Voila ce que je me suis dit pendant des années.Et c'est aussi ce que je crains lors du procès,de la part de la defense.Mon agresseur a nié,courageux.Il est atteint d'un cancer du foie et risque fort de plaider son etat de santé a la barre.Et il ressortira du tribunal aussi libre qu'il ne l'a été toutes ses années.J'aurais au moins essayé de faire tomber un de ces predateurs.Advienne que pourra.
Merci a vous de m'avoir lue...