C'est possible d'aller mieux

Témoignage Publié le 03.04.2024
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Il me demandait d'arrêter et a dit : "t'es pas drôle..."

Mon père m'a attouchée deux fois quand j'avais 12 ans. Je me souviens surtout de la 2e fois. Il commençait par un massage, puis il descendait vers mes cuisses. La 2e fois, j'ai refusé le massage parce que je ne voulais pas qu'il me touche à nouveau en bas, mais il l'a quand même fait. Il est à nouveau descendu entre mes cuisses et a caressé ma vulve. J'avais l'impression de voir la scène de haut, j'ai dissocié. J'essayais de serré les cuisses pour l'empêcher d'y accéder, je n'arrivais à rien faire de plus. Il me demandait d'arrêter et a dit : "t'es pas drôle..." Après ça, je faisais pipi au lit. Ma mère trouvait ça bizarre, mais elle n'a sûrement pas voulu comprendre. C'était trop violent. Mais je crois que peut-être, elle s'en doutait. Ensuite, j'ai oublié.

Parce que je vivais toujours avec lui que je n'avais pas le choix. J'avais des flashbacks, mais je les ignorais. J'essayais de me convaincre que j'avais tout inventé parce que je lui en voulais d'être méchant avec moi (c'était un homme violent et terrifiant). Je ne voulais pas y croire, je le refoulais. Les flashbacks sont devenus de plus en plus courants et j'ai fini par l'accepter. C'était une délivrance parce que, dans le fond, j'avais toujours su. Et je me disais pour la première fois que ma souffrance était réelle et légitime.

J'ai commencé à en parler à quelques amis mais j'ai vite compris que c'était des choses qui ne se disaient pas. Les gens étaient mal à l'aise. Un ex m'a même demandé de ne plus en parler la 1e fois que je lui ai confié, parce que c'était trop violent pour lui. Mais j'ai réussi à avancer. J'en ai parlé avec deux psychologues. Mais c'est surtout plus tard, à la vingtaine, que je me suis sentie prête à entamer une vraie guérison. J'ai écouté le podcast "il était une nuit" et j'ai pleuré, tellement pleuré. J'avais l'impression de revivre les violences une deuxième fois. Toute trace de doute avait enfin disparu pour de bon. C'était l'acceptation finale, la confrontation à la réalité. C'était profondément violent. Depuis, je vais mieux.

Après ces attouchements, je me suis faite violée une fois et attoucher une autre fois. J'ai eu des conduites à risque. Je me suis retrouvée à coucher avec un homme car trop bourré, mes gestes se sont dissociés de ma (non) volonté. Et j'ai finalement cru que mon corps ne m'appertenait plus. Alors je ne disais plus non, parce que j'entendais la voix de mon père me dire "tu n'es pas drôle" (avec la culpabilité qui va avec) et que de toute façon, on ne m'écoutait pas. J'ai cru de plus pouvoir être capable de faire l'amour sans angoisse, sans me sentir sale ou coupable d'un coup, sans hyperventiler de panique, sans pleurer.

Mais je vais mieux. Tellement mieux. Et je me sens tellement forte. Parfois, je culpabilise, parce que je me suis faite attouchée deux fois par mon père alors que pour certaines personnes, il s'agit de viols qui durent des années. J'ai l'impression d'être une chouineuse, d'en faire tout un plat. Mais jamais je ne penserais ça d'une autre victime, j'essaye d'apprendre à m'accorder la même bienveillance. Parfois, je suis en colère. J'ai l'impression que ça a compliqué tellement de choses dans ma vie. Mais je vais bien et c'est tout ce qui compte. Je doutais que ce soit possible, mais ça l'est.


 

Nous en parlons
D
dido
Publié le 30.04.2024
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