Je m'appelle N. et j'ai eu 25 ans il y a quelques jours. Je suis une victime d'inceste par mon père. J'avais entre 6 et 11 ans.
Je ne rentrerai pas dans les détails dans ce message, mais aujourd'hui, je suis professeur de français, et je vois des enfants évoluer chaque jour, dans plein de milieux différents. J'écris pour eux, et pour leur futur.
Il y a quelques années, j'aurais aimé entendre ou lire quelqu'un qui me dise, qui me crie, qui me jure que l'on finit par s'en sortir. Parce qu'aujourd'hui, je peux le dire : je m'en suis sortie. Alors ce n'est pas tout rose et par moment, des souvenirs me reviennent, violents, désagréables, des sensations dégoûtantes, des pensées négatives, de la colère, de la culpabilité... Mais ce ne sont que de courts moments au milieu de tant de scènes de vie longues et heureuses durant lesquelles j'arrive enfin à être qui je dois être et à profiter vraiment. Que l'on porte plainte ou non, que notre famille nous croie ou non, il faut parler pour nous mêmes. Parce qu'il y aura forcément quelqu'un qui nous croira. Et c'est là que la guérison commencera.
J'aimerais témoigner, pour que les personnes qui doivent survivre à cela m'entendent ou me lisent. Parce que le chemin vaut la peine d'être parcouru même s'il est long, semé de ravins dangereux, de créatures venimeuses et de ronces. Le bout du tunnel est proche et donne sur un soleil chaleureux et brillant. On mérite cette belle vie, douce et chantante, et on finit par la vivre tôt ou tard, que ce soit à 25 ans, à 40 ou à 65 ans. Voilà pourquoi je voulais écrire ce message. Parce que même si on trimballera toute notre vie un bagage lourd qu'on n'a pas réclamé, on finit par devenir plus fort un jour, et donc à moins le sentir peser sur nos épaules. On s'en sort. J'aurais voulu que N. 6 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans le sache et l'entende.
Prenez soin de vous,