Conséquences sur ma vie

Témoignage Publié le 21.11.2021

J'ai été victime de mon frère vers mes 10 ans je pense, peut être 11, car je n'arrive pas à dater les faits.

Mon frère était grand, formé comme un adulte, donc j'estime qu'il devait avoir 16-17 ans, et moi j'ai 6 ans d'écart avec lui. Il m'enfermait dans le cabinet de toilette de la chambre que je partageais avec ma petite soeur de 2 ans plus jeune. Il me parlait doucement, gentillement, il me sussurait que je devais baisser ma culotte et lui faisait de même. Il m'embrassait sur la bouche et me demandait d'embrasser son sexe en érection. Je ne voulais pas, il m'impressionnait, il ne sentait pas bon, il était gros. Alors il appuyait sur ma tête pour que je le fasse de force. Il me caressait le sexe de petite fille que j'étais, me l'embrassait. Je n'aimais pas être nue devant lui, j'étais très mal à l'aise. Il me répétait pour me rassurer qu'il me faisait ça parce qu'il m'aimait et qu'il ne le faisait pas aux autres pas qu'il ne les aimait pas.

Cela s'est passé plusieurs fois et j'étais terrorisée quand je le sentais dans mon dos me pousser gentillement vers le cabinet de toilette. Il me parlait beaucoup d'amour, amour que je ne recevais pas beaucoup de mes parents qui passaient leur temps à se crier dessus. Je devais déjà tout faire pour ne pas être à l'origine d'une de leurs engueulades qui duraient longtemps et m'appeuraient. Une fois, ma mère m'a dit que je devais dormir dans sa chambre, mon autre frère n'étant pas là et mon lit servant pour un autre enfant occasionnellement à la maison. Je ne me rappelle pas qui, ni pourquoi moi. Il a fallu que je traverse tout le couloir de l'étage, mon frère ayant la dernière chambre à gauche. Ce couloir a été une torture qui m'est restée toute ma vie. Il m'est impossible de me lever et traverser un restaurant pour aller aux toilettes, j'ai cette impression d'être observée, déshabillée, je n'arrive pas à marcher correctement, je trébuche, je transpire, je suis sur le qui-vive, et bien des fois j'ai préféré rester à ma place avec mon envie pressante.

À l âge de 52 ans, mon corps m'a dit stop après 42 ans sans rien comprendre ni même me douter qu'il pouvait y avoir un rapport entre les faits. On a découvert tout d'abord une polyarthrite rhumatoïde en 2013 puis des douleurs plus diffuses sont apparues, lancinantes, douloureuses,sans explication médicale. Je ne pouvais plus marcher, me lever, j'étais épuisée, j'avais perdu le sommeil, perdu le moral et tout cela m'a amené à perdre mon travail. Je suis handicapée, je suis beaucoup à la maison. J'ai entamé une psychothérapie en 2014 que je poursuis encore. Les images me reviennent petit à petit avec les sensations que j'avais vécu au moment des faits, mais totalement enfouies dans un recoin de mon cerveau où je n'avais pas accès. Je pense avoir remis le puzzle en ordre avec les souffrances et les images et les peurs. Je suis facilement recluse chez moi bien que je fasse des progrès.

Je me rends compte que mes enfants sont touchés dans leur vie par mes doutes. Mon fils vient de m annoncer qu'il ne savait pas gérer la colère qu'il a en lui. Je lui parle de la colère que j'avais enfouie au fond de moi et qui sort petit à petit de moi. Elle m'a rongée et mon fils si sensible a récupéré cette colère sans savoir la gérer. J'ai 60 ans maintenant et j'avance plus sereinement avec des moments de calme intérieur suivi de moments où je perds totalement pied, avec cette envie de disparaître pour ne plus être triste, douloureuse, anéantie. J'ai des traitements lourds, et je cherche la meilleure façon d'être soulagée de mes douleurs. Je n'ai plus personne de ma famille d'origine auprès de moi. Il ne faut pas que je remue la merde. Par contre j'ai la famille que j'ai constituée, 3 enfants que j'ai eu avec un mari qui est parti quand les enfants étaient petits, un conjoint qui m'épaule depuis 20 ans, ses deux enfants, les conjoints de tous ces enfants et 7 petits enfants. Cette famille je l'aime, elle me ressemble et je les aiment tous si fort. Voilà pour mon parcours. Je suis une survivante !