Expertise Psychologique psychiatrique lors d'une plainte

Témoignage Publié le 18.10.2023
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Avant toute chose, sincèrement du fond du coeur, je vous invite à prendre UN AVOCAT PENALISTE si vous souhaitez porter plainte. Faites vous accompagner et SOUTENIR.

J'ai porté plainte à 22 ans pour inceste en tant que mineure et malgré le soutien de ma thérapeute de l'époque, je me sentais complètement perdue. Tenter de survivre entre les études et ce chaos d'inceste qui m'explosait à la figure et à celles de mes proches, était un exploit. Je n'ai pas pensé à prendre un avocat (les policiers ne me l'ont pas conseillé non plus) (enfin j'y ai pensé mais je n'ai pas osé, pas la force et l'absence de soutien autour de moi) et le brouillard parsemait mon esprit. Déjà porter plainte relevait du miracle. Il faut du temps pour que les choses se posent. Beaucoup de temps.

J'ai aujourd'hui 34 ans et je me sens bien plus enracinée et plus alerte à propos de ma vie et de mes choix. J'y vois de plus en plus clair. Mais au moment où vous découvrez l'enfer du pot aux roses, au moment où vous êtes le plus vulnérable : faites vous soutenir par des personnes qui connaissent bien la loi , qui pourront vous donner de nombreuses explications, répondre à vos peurs et qui pourront éventuellement vous protéger. Donc oui, prenez un avocat c'est important.

 Voici la lettre que je viens à l'instant de poster à l'experte-psychologue qui m'avait reçue au sein de son cabinet en 2017. J'ai passé 20 heures à l'écrire, croyez-moi elle est puissante ! 6 années après et oui, je l'ai fait. J'ai failli me suicider après cet entretien et je voulais partager à cette personne l'envers du décor. Et aussi, de tout coeur, soutenir toutes les personnes qui traversent ce genre de procédure.

Lorsque vous portez plainte pour abus sexuels, la police peut vous proposer ce genre d'expertise qui permet de « savoir si oui ou non, vous avez été abusée ». Je mets des guillemets car très honnêtement, je ne comprends pas que l'on repose ce genre de diagnostic sur un rendez-vous de quelques heures (3 heures en ce qui me concernait) auprès d'un parfait inconnu, tout psychologue ou psychiatre qu'il soit.

Je souhaite vous partager ce courrier car je me dis que certaines personnes pourront s'y reconnaître et j'espère qu'elles se sentiront moins seules. Egalement, sachez à quoi vous attendre lors de ces procédures judiciaires : soyez droit dans vos bottes, soutenus par un psy et des amis si vous le pouvez (un psy surtout!!) et tenez bon ! Evidemment toutes les experts psy ne se comportent pas ainsi, cependant, je trouve que les victimes de violence sexuelle en France sont roulées dans la boue une deuxième fois par les instances judiciaires et mon exemple pourra peut-être permettre à certains d'en comprendre la raison et surtout de s'y préparer ! Merci à vous pour votre lecture !

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Tous les noms et prénoms des personnes apparaissant au cours de ce récit de vie ont été modifiés et inventés, sauf le mien Géraldine. Tous les noms de lieux, les dates, ont été modifiés. Certaines informations également, afin de préserver l'anonymat de toutes les personnes impliquées dans cette histoire. Toutes les modifications sont typographiées en gras. Toutes ressemblances avec des faits réels, des personnages existants ou ayant existé, serait purement fortuite.

Géraldine F.
Coordonnées postales, téléphoniques et informatiques

A Nice, le Lundi 7 Août 2022

Bonjour Madame Olivier, Je suis Géraldine F et nous nous sommes rencontrées en 2017 au sein de votre cabinet audois. J'avais 23 ans et j'étais étudiante. En novembre 2014, j'avais porté plainte contre mon oncle, chirurgien orthodontiste, pour agressions sexuelles durant mon enfance ainsi que mon adolescence. Le lieutenant Blairot en charge de l'affaire (mon oncle habitant dans son département), m'avait suggérée une expertise psychiatrique auprès de vous. J'avais accepté et je considérais cet entretien comme une étape décisive quant à l'avenir de ma plainte. De ce que j'en avais compris, votre rôle était d'évaluer si j'avais été agressée sexuellement et en ce cas, si mon oncle en était l'agresseur.

Au début de notre échange, vous m'avez dit que comme j'avais une soeur, trois frères, un chat, un grand jardin et que j'avais eu le loisir de partir en vacances chaque année, j'avais eu somme toute une enfance heureuse. Ayant eu peur de vous contrarier, il me semble avoir acquiescé, n'en pensant pas un mot. Alors évidemment, des ingrédients autrement plus essentiels que ceux que vous avez évoqué, sont nécessaires au bon développement de l'enfant. Comme le respect de son intégrité physique par exemple.

Le point de bascule de cet interrogatoire est arrivé en milieu de parcours. Je vous mentionnais que je m'étais remémorée mes souvenirs de viols durant ma thérapie auprès de Capucine Landeau psycho-praticienne audoise et infirmière de formation initiale. C'est alors que vous vous êtes levée brusquement et avez commencé à tempêter. « Ah, vraiment, je n'ai aucune confiance en ce genre de personnes qui se disent psychothérapeutes alors qu'elles n'ont pas suivi l'enseignement officiel en faculté de psychologie ou de médecine. » Vous étiez très en colère. Et j'eus soudainement peur que mes souvenirs rapportés deviennent alors caducs. J'ai trouvé votre comportement très déplacé à mon égard et non professionnel. Le partage de vos opinions n'avait pas sa place dans ce cadre-là. De plus, mon oncle était chirurgien orthodontiste. Dans ma vérité personnelle, il m'a violée. Alors que vaut une posture bardée de diplôme ?

Ma sœur avait également été victime d'inceste enfant, par notre oncle. Elle en avait fait la déclaration auprès du lieutenant Blairot en 2017, lors de son audition. Je vous ai raconté que ma sœur suivait aussi une thérapie en 2014, auprès d'un psychiatre. Ce à quoi, durant votre accès de colère, vous avez ajouté « Heureusement que votre sœur a été suivi par un psychiatre et a vécu les mêmes choses que vous. » Cette phrase, je vous la rends. Elle est ignoble. Sachez, qu'il n'y a aucune réjouissance à avoir quant aux souffrances qu'a endurées ma sœur enfant, quand bien même, cela viendrait attester de la véracité de mes propos. Du reste, vous sous-entendez que contrairement à moi, ma sœur est digne de confiance car elle a été suivie par un médecin psychiatre, qui a suivi des études institutionnelles médicales. En clamant haut et fort que ma psychothérapeute ne vaut rien - celle qui me suit depuis trois années - vous auriez pu entacher la relation que j'avais noué avec elle et rendre vaine la thérapie que j'avais entrepris depuis tout ce temps. De plus, en agissant de la sorte, vous brisez toute possibilité de confiance entre vous et moi pour la suite de l'entretien.

J'étais seule face à vous dans cette pièce, en situation d'extrême vulnérabilité. Et j'avais le sentiment d'être à votre merci, face à la posture d'autorité que vous aviez revêtue. Je trouvais cette évaluation totalement faussée. Ma thérapeute ne m'avait jamais insinué quoique ce soit durant mes séances de thérapie. Il me semble vous avoir rapporté que c'était grâce à ma sœur que ma mémoire traumatique avait pu se réveiller.. En effet, c'est elle qui la première, avait posé le terme d'inceste, durant nos échanges en 2014. * A la fin de l'entretien, vous m'avez répété et ce, à plusieurs reprises et de manière moralisatrice, que mon oncle irait en prison si la plainte allait jusqu'au bout. Qu'il irait en prison durant plusieurs années et que je devais bien en prendre conscience et bien réfléchir à la véracité de ma plainte. Je ne crois pas que c'était là votre rôle de me tenir de pareils propos. Je pense que celui-ci échouait aux policiers chargés de l'affaire et garant de l'autorité judiciaire. Vous, en revanche êtes médecin psychiatre, et il me semble que votre rôle n'était pas de faire preuve d'autorité ni de pouvoir envers moi. L'idée que mon oncle croupisse en prison par ma propre responsabilité m'était à l'époque intolérable. Et je n'avais qu'une envie pour que cessent la culpabilité et la honte que je ressentais : renier ma parole. En effet, et c'est fondamental, la culpabilité et la honte sont le lot de TOUTES les victimes d'inceste et de violences sexuelles.

Je suis fière de ne pas avoir récusé mes propos et de ne pas m'être effondrée face à vous. * Vous m'aviez également dit que vous m'enverriez le compte-rendu de cette expertise par mail. Je l'attends toujours. Deux semaines après l'entretien, vous m'avez cependant écrit, pour me dire que vous n'aviez pas trouvé le nom de ma thérapeute sur le répertoire nationale des infirmières. Sous-entendu, qu'elle m'avait menti. Décidément, quel acharnement ! Alors de une, j'ai fait mes recherches et si je me rappelle bien, les infirmières ne sont plus enregistrées sur ce répertoire si elles ont été diplômées avant 1995 ou 2000. Ce qui est le cas pour Madame Landeau. De deux, mais quel est votre métier au juste ? Vous avez en face de vous une jeune personne qui entreprend une démarche judiciaire à l'encontre de son oncle pour agressions sexuelles lorsqu'elle était une enfant. Son oncle qui est tout de même chirurgien orthodontiste - c'est à dire qu'il incarne une posture d'autorité en charge de personnes vulnérables. Sa sœur déclare partager cette douloureuse histoire. Et vous, au lieu de lui poser des questions sur ses relations avec les membres de sa famille, ses amis, l'école et j'en passe, vous vous acharnez sur sa psychothérapeute. Psy, qui n'a rien à voir avec l'histoire ! C'est affligeant. Je me demande si vous étiez là pour tenter de circonscrire un tant soit peu mon histoire ou pour me mettre des bâtons dans les roues.

A défaut d'être entendue, j'assistais bien malgré moi à une gué-guerre entre psys. J'avais le sentiment que vous en faisiez une histoire toute personnelle. * En sortant de chez vous, j'ai fixé pendant un long moment les voitures qui défilaient le long du grand boulevard. Je n'avais alors qu'une seule idée en tête : mourir. Je devais me jeter sous les roues d'une voiture. Je devais mourir car à cause de moi, mon oncle allait aller en prison. Vous me l'aviez bien assez seriné. J'étais un monstre pour avoir agi de la sorte. La culpabilité en moi, la honte surtout, me dictaient une mort instantanée. J'ai alors invoqué au plus profond de moi, une aide d'urgence. Et cette aide providentielle a alors jailli du fond de mes tripes : la colère. Mon oncle m'avait violé. J'étais une enfant innocente. Il avait aussi violé ma sœur enfant, toute aussi innocente que moi. C'était lui le monstre. Certainement pas moi. J'ai également ressenti une colère immense à votre encontre et à la manière dont s'était déroulé ce simulacre d'expertise psychiatrique. Une colère en pensant à toutes les personnes qui doivent subir ce genre d'interrogatoire, qui doivent se justifier des préjudices subis auprès d'instances policières et judiciaires rigides et sourdes à leurs détresses. J'ai tout à fait conscience qu'il y a des personnes qui affabulent le fait d'avoir été violé.

Malgré cela, l'écrasante majorité des personnes se disant victimes d'inceste le sont réellement. En attestent les chiffres de l'association Face à l'Inceste (anciennement Aivi) : un français sur dix a été victime d'inceste en 2020 (et encore, pour eux ce chiffre est sous-estimé). Le sujet est je trouve d'une importance capitale, que ce soit pour tous les enfants qui subissent cet enfer silencieux, que pour tous les adultes qui l'ont vécu et qui cherchent à se raccommoder. Il est temps que la honte et la culpabilité changent de camp. L'inceste tue. La violence institutionnelle aussi. Cet entretien m'a presque coûté la vie, Madame Olivier. Cependant, grâce à cette montée salvatrice de colère, je n'ai plus jamais permis à personne de remettre en question ou de minimiser mon vécu et de me faire ressentir de la honte vis-à-vis de celui-ci. J'ai constaté que vous étiez toujours en activité. Je vous envoie donc ce courrier, en espérant que mon témoignage vous permettra d'interroger vos pratiques. Géraldine F.