J'écris de Montréal au Canada, où je vis depuis plus de 8 ans, pays où la soi-disant protection des enfants règne en maître ! (sic) Je tiens à témoigner pour ma fille chérie qui a 7 ans aujourd'hui.Ce témoignage est destiné aux mères qui luttent comme moi pour leurs enfants, qui souffrent devant tant d'impuissance à faire exercer la justice, simplement parcequ'un enfant refuse de mettre des mots sur des douleurs ancrées profondément. Des mots qui font mal et qui font peur, peur de dénoncer l'être cher, le coupable qui a su manipuler et détruire tant de beauté, de pureté et d'innocence.
Son père et moi nous sommes séparés alors qu'elle avait 7 mois. Il y a un an et demi, ma fille a commencé à démontrer des troubles comportementaux : énurésie, dépression avec envie de mourir, autodévaluation, perte de confiance en elle, troubles dans ses relations avec ses amis, rivalité et jalousie manifeste vis à vis de moi, comportements exibitionnistes envers les hommes et désir de toucher les seins ou le sexe d'autres personnes.
Depuis sa plus tendre enfance, j'avais dû composer avec le caractère plutôt colérique et difficile de ma fille, qui ne se manifestait apparemment pas chez son père. Dès la première année de séparation, il arrivait qu'elle revienne de chez lui (qui en avait la garde 5 jours toutes les 2 semaines) avec des bleus et des irritations au niveau des parties génitales, mais sans lésions apparentes ; j'en concluais alors à de la négligence et au manque d'hygiène. Dans un même temps, des poèmes à caractère incestueux, des dessins à trait sexuel et des photos de ma fille nue avaient été envoyés par son père à moi-même et à son entourage.
Après des bleus à répétition et un premier constat effectué chez le médecin, je me suis décidée à me rendre dans un hôpital spécialisé pour enfants. Le médecin qui l'a oscultée a estimé necéssaire d'avertir à la Direction de la protection de la jeunesse, organisme gouvernemental qui gère les cas d'enfants vitimes de violence et de sévices sexuels.
Après 8 mois de justice, d'expertise psycho-légale puis de contre-expertise, les conclusions tombaient : son père avait un humour mal placé certes, un tempéramment immature et irréfléchi mais ne démontrait aucun trouble psychologique grâve. Il était donc parfaitement apte à gérer la garde l'enfant. Le dossier était clos et ce ne devait être plus qu'un mauvais souvenir.
5 ans plus tard, devant la difficulté à gérer seule les troubles de comportement qui s'accentuaient de jour en jour, j'ai emmené ma fille consulter une psychologue. Après 4 mois et demi de thérapie, la psychologue me convoquait d'urgence pour m'annoncer qu'elle était convaincue (après supervision de son dossier) que ma fille était victime d'abus sexuels.
Ma fille était alors durant 2 nuits encore chez père avant de revenir à la maison. 2 jours de torture, où on ne sait que croire, où on se repasse le film des dernières années maintes et maintes fois, dans le désespoir total et l'impuissance, oscillant entre souffrance et incrédulité.
En quelques semaines, je suis parvenue à faire suspendre temporairement les droits d'accès de son père, le temps qu'une expertise soit menée. Ouf, elle était en sécurité pour l'instant !
Il y a toutefois un probléme puisque ma fille refuse de parler, et n'agit en scéance de thérapie que par dessins, sons, comportement de regression et jeux de léchage à caractère animal. Après beaucoup de patience et de délicatesse, elle me dit que papa est sévère avec elle, qu'il l'oblige à faire des choses... dès que j'insiste pour en savoir un peu plus, elle se rétracte et dit qu'il lui donne seulement des fessées, qu'il l'oblige à mettre la table et ranger sa chambre (on a vu pire !).
Je parviens finalement à savoir qu'elle a des embêtements la nuit, que papa vient dans son lit et qu'il l'oblige à toucher des “objets”, qui sont tièdes, durs et mous, que c'est beurk dégoutant, mais qu'elle ne parvient jamais à nommer. Elle ne dira ces mots qu'à moi, pauvre témoin sans crédibilité puisque je suis sa mère, et qu'à priori, les mères sont des menteuses qui cherchent la plupart du temps la vengeance en obtenant la garde complète de leurs enfants sans raison valable (sic).
Après 7 mois de procédures, de nouvelle expertise psycho-légale, d'entretiens pénibles avec la police, la Direction de la protection de jeunesse, les examens médicaux inutiles, après des tests psychologiques rédibitoires et obsolètes (les résultats se trouvant sur internet) et des frais financiers conséquents, le verdict tombe une nouvelle fois : il n'y rien contre son père, il va pouvoir reprendre ses droits de garde, et ce essentiellement dû au fait qu'elle n'a pas verbalisé les faits au psychologe expert. Comme a dit le juge : “il y a quelqu'un qui fabule dans cette salle, c'est ou Monsieur ou Madame, à nous de trouver qui.“ Il semble bien alors qu'il s'agisse de nous, ma fille et moi-même, qui fabulions... !
Nous en sommes là aujourd'hui, avec une avocate qui doute de moi et du rapport de la psychologue de ma fille au bénéfice du rapport d'un expert qu'elle a fait nommer (...), prête à laisser tomber cette cause trop difficile semble-t-il à défendre. Seule à me débattre sur cette terre d'accueil qui était pourtant prometteuse, j'oscille entre le découragement certains jours, l'épuisement, le doute parfois qui s'installe sournoisement pour mieux nous laminer quand les forces nous abandonnent.
Et puis ce besoin de justice et de vérité plus fort que tout, la volonté de combat coûte que coûte qui nous remet sur les rails jusqu'au nouveau coup dur. Nous allons aller en contre-expertise, je n'accepterai pas un verdict meurtrier. J'envisage toutes les solutions pour protéger ma fille et j'irai au bout du monde si il faut pour ne pas qu'elle continue à vivre ce que j'ignore encore en grande partie, mais que je refuse de toutes les cellules de mon corps.
Je sauverai ma chair et mon sang, je le ferai aussi pour toute ces petites filles (et plus grandes) qui n'ont pu et qui ne peuvent pas, aujourd'hui encore, être protégées par leur mère.
Je me bat pour la vérité et la justice, et je fais tout ce qui est en mon pouvoir. Après avoir fait preuve maintes fois de tolérance et de compréhension parcequ'il me semblait important que ma fille connaisse son père, parcequ'il me parraissait inimagnable de lui retirer ses droits de garde si il n'y avait pas de preuves formelles de sa culpabilité, j'estime que j'ai fait aujourd'hui mon purgatoire, et que la compassion à atteint ses limites. Je me bat aujourd'hui pour sauver ma fille.
Je souhaite bon courage à tous ceux et celles qui, partout dans le monde, vivent des tranches de vie difficiles, et restons avec l'idée que de chaque épreuve, nous sortons grandis...
France ou Canada, même combat
Témoignage
Publié le 17.12.2006