J'ai le souvenir d'un homme proche de mes parents me disant bonjour en me faisant un baiser sur la joue comme un homme le ferait à l'amour de sa vie: tendrement. Une hantise qu'il rentre dans la salle de bain ou la chambre, lorsque je logeait chez ce couple. J'était petite, sans notion de la sexualité et pourtant je sentais quelque chose d'anormal.
Ensuite, plus de souvenir de mon enfance.
Quelques années plus tard, mon père m'annonce que cette personne est incarcérée pour faits de pédophilie. L'année passée, ma mère -schyzophrène- me dit, alors que je n'ai jamais abordé ce sujet avec elle, en plein milieu d'un silence, que cet homme "m'a fait beaucoup de mal, qu'elle nous a surpris, qu'elle en a parlé à mon père mais qu'on l'a empêché d'agir"... Délir ou moment de lucidité ? Depuis, cet incident, je creuse les méandres de ma mémoire et ne me souviens de rien. C'est insupportable. Savoir, même la pire des choses me permettrait d'avancer. Malgré la thérapie je ne me souviens de rien et pourtant JE VEUX SAVOIR - JE VEUX SAVOIR. Je n'arrive pas à en parler avec mes parents : nous ne sommes pas en bons termes. Comment ouvrir les bons tiroirs ? Pourquoi ces évènements affectent ma mémoire à ce point : oubli de gestes faits dans la journée, oubli des acquis, des connaissances (français, vocabulaire, culture), amnésie quand au RDV pris, ... Je me sens amoindrie et bête ; c'est insuportable.