L'instrument
de la découverte de la sexualité de mon frère
Je me décide ce soir. Je me mets face à mon ordinateur et je tente d'écrire ce qui est en moi. Aujourd'hui je suis prisonnière de mes émotions. Je suis prisonnière de ma peur. Je suis prisonnière de mon secret. Mon corps ne cesse de me demander de crier. Mon corps ne cesse de me demander de parler. Mon cœur en a réellement le besoin et l'envie mais mon cerveau lutte pour que je me taise. Hélas pour moi, c'est lui qui gagne. Alors, je me tais. Pour se venger, mon corps me fait mal. Il me fait mal de partout. J'ai mal au dos, j'ai mal au torse, j'ai mal aux pieds, aux bras, à la tête. Tous les jours une nouvelle partie de moi se manifeste.
Je ne peux pas parler... Alors j'essaie d'écrire. Je ne sais pas où cela va me mener. Je vais laisser parler mon cœur. Je vais laisser parler mon âme. J'aimerai que mon histoire serve à d'autres. J'aimerais que mon histoire brise des tabous.
Je pense que certains vont être déçus... Rien de trash... Tiens, c'est étrange, je me prends en flagrant délit de minimisation des faits, ce qui me cause encore et toujours préjudice dans la reconnaissance de ma souffrance. Il est fort probable que je sois dans l'incapacité de tout écrire d'une traite. Que je fasse des allers et retours dans la chronologie. Je ne sais même pas par quoi commencer. Le début ? J'ai bien des difficultés à tirer sur le fil et à trouver le début de la bobine.
Mes souvenirs sont très flous. Des images me reviennent inlassablement, par flash. Les sensations physiques me hantent quand je m'endors le soir ou à des moments improbables au détour d'une image, d'une odeur, d'un effleurement, d'un mot, d'une série TV. Ces souvenirs fracassent à chaque instant ma joie de vivre. Ils me replongent inévitablement dans le passé, dans le noir, dans un trou béant sans fond. Je ne suis jamais en paix.
Lors de mon premier souvenir, j'ai, je pense, 3-4 ans. Je situe mon âge en fonction des lieux que j'occupe et de leur configuration. En fait, c'est comme si mes yeux étaient sortis de mon corps et que j'assistais à la scène. Que vois-je ? Je me vois nue avec un homme. C'est un stagiaire que mes parents accueillent à la maison pour apprendre le métier d'agriculteur. Mes souvenirs s'arrêtent là. Que s'est-il passé vraiment ? Je l'ignore en fait. Je sais que mes parents étaient partis en réunion et qu'ils m'avaient confiée à sa garde. Pourquoi me suis-je retrouvée dans son lit ? Pourquoi étais-je nue ? J'en n'en ai aucune idée...
A mon deuxième souvenir j'ai 8 ans. Je sais que c'est avant que mes parents rénovent leur maison en 1981. Je suis née en 1973. Mathématiquement, j'ai donc avant 8 ans. Dans ce souvenir, je me vois. En fait, c'est comme si mes yeux étaient sortis de mon corps et que j'assistais à la scène. Que vois-je ? Je me vois d'abord jouer avec mon frère. Nous faisons du catch ! Mon frère a 6 ans de plus que moi. Il a donc environ 14 ans. Le début de son adolescence. Puis, je me vois immobilisée. Lui, assis sur moi me chevauchant ses deux genoux posés sur mes bras. Je ne peux pas bouger. Il me chatouille. Je ris. Je hurle de rire. Tout va bien.
J'ai un autre souvenir, fugace celui-ci. Je suis sur un matelas, ou sur un tapis où je suis nue avec mon frère dans la même pièce que dans le souvenir précédent.
Dans le souvenir d'après, les travaux de construction des chambres sont achevés. D’une chambre commune à toute la famille, nous sommes réparties en trois chambres : mes parents, mes deux sœurs ensemble et mon frère et moi. Je vais partager la même chambre avec mon frère pendant cinq ou six ans. Nos lits sont installés parallèlement, le mien jouxte la porte d'entrée. Une table de nuit les sépare. C'est le soir, je me suis dépêchée d'aller me coucher avant tout le monde. Je sens ma peur. C'est étrange comment j'ai oublié certains faits mais comment la sensation de peur reste palpable. Même maintenant, l'angoisse m'envahit. Ce soir-là, je suis recroquevillée sur moi-même, les couvertures levées très haut sur mon visage. La lumière est éteinte. J'essaie de dormir, mais j'en suis incapable car j'ai peur. Je ne sais pas pourquoi je sais que cela aura lieu ce soir, encore. Comment le savais-je ? Etait-ce parce qu'on était un samedi et c'était toujours le samedi ou parce que j'avais interprété des signaux pendant la journée ? La porte s'ouvre. Les battements de mon cœur s'accélèrent. J'ai les yeux fermés. Mes oreilles sont en alerte. Elles suivent le bruit de ses pas qui contourne mon lit sur la moquette. Je les perçois mieux que si j'avais les yeux ouverts. Je sens l'air qui se déplace autour de moi. Il allume sa lumière de chevet. Les ressorts couinent. Il s'assoie sur son lit. Puis, j'entends les bruissements des vêtements qu'il enlève. Je lui tourne le dos, j'ai toujours les yeux fermés. J'essaie d'avoir une respiration apaisée alors qu'elle est tout sauf apaisée pour lui donner l'illusion que je dors.
Il se glisse sous ses draps. Quelques minutes s'écoulent, puis il murmure : « je sais que tu ne dors pas » ! La gravité de sa voix m'aurait presque fait sursauter s'il n'avait pas fallu que je fasse semblant de dormir. Je ne réponds pas. Je fais celle qui dort, qui n'entend rien, pour lui donner tort. Le silence est pesant. Je suis concentrée sur le rythme de ma respiration pour qu'il soit le plus régulier et le plus naturel possible. Il répète : « Je sais que tu ne dors pas !" Il rajoute : « Viens !". A nouveau : « Viens ! » Je ne sais pas combien il a répété cette injonction. Je suis restée silencieuse comme mortifiée le plus longtemps possible. Au bout d'une période indéfinie, je lui dis « non, je ne veux pas ! ». Je sais que je l'ai répété plusieurs fois. Là, il me répond « Je te promets, c'est la dernière fois ! ». Est-ce cette phrase qui m'a décidée ? Je ne sais pas. Je sais que je me suis levée et je suis allée sur son lit en sachant pertinemment ce qui m'attendait et ce n'était pas une partie de catch. Je savais également que ce n'étaiT pas la dernière fois. Comme je n'ai pas de souvenirs entre ces deux réminiscences, je pense qu'il a du se passer beaucoup de fois qui ont créé le climat de peur dans ma vie.
Ensuite que s'est-il passé sur ce lit ? Des chuchotements qui me demandent de me déshabiller... Des chuchotements qui me disent que je suis belle... Des susurrements dont je ne me rappelle plus le sens. Je vois à nouveau l'image du dessus... Je sens le souffle chaud de sa bouche sur ma peau, sur mon visage, dans mon cou. Il est entre mes jambes. Il me caresse. Il m'embrasse... Partout... Moi ? Je ferme les yeux. Je ne dis rien. J'en suis incapable. J'attends. J'attends que ça se passe. Il ne m'a pas violée physiquement puisqu’il n'y a jamais eu de pénétration, mais il a violé mon âme. J'ai le sentiment qu'il n'aurait pas pu me faire plus mal. Je ne me rappelle plus comment cet épisode s'est terminé.
Mon dernier souvenir est, me semble-t-il, plus tard ou est-ce avant ? Le temps est un problème pour recoudre les morceaux. Je crois que je suis encore plus vieille, mais je ne suis pas certaine de l'enchaînement des évènements. Nos lits ont changé de place. Ils sont toujours parallèles, mais dans l'autre sens. Je crois que mon frère n'a pas le même lit. C'est un lit deux places. Mes souvenirs sont à nouveau furtifs. Mon frère avait apporté dans notre chambre à cette époque le tourne-disque vinyl de mes parents. Il avait tendance à mettre la musique à fond sans me demander mon avis. Ce soir-là, il a effectivement mis la musique du film "Midnight express" à un niveau sonore élevé dans la chambre. Je pense que c'était pour masquer les bruits du lit à ressorts. Aujourd'hui, je ne supporte plus cette musique, moi qui l'aimait tant, avant. Je la déteste. J'ai le corps qui réagit dès que je l'entends. Elle est un facteur déclenchant mes souvenirs.
De ce soir-là, je vois à la scène tantôt du dessus comme si c'était une autre, tantôt à ma place. Nous sommes encore nus tous les deux. Il est entre mes jambes écartées. Il me demande de toucher son sexe. Je ne veux pas, cela me dégoute. Je sens son haleine sur mon visage. Il m'embrasse. Il me touche partout. Il touche mon sexe. Je finis par toucher le sien. Je sens sa dureté dans ma main, et sa moiteur à l'entrée du mien. Il n'ira pas plus loin. Enfin, je crois. Ce souvenir-là viendra me perturber jusque dans ma relation avec mon mari, lorsque nous avons commencé notre histoire. Quand nous avons commencé à nous caresser, j'ai refusé de lui toucher le sexe parce que j'avais peur de retrouver les sensations désagréables que j'ai connues avec mon frère. J'étais prête à la pénétration dès le début ; je préférais cela plutôt que de le toucher. Heureusement, mon ami a été tendre, gentil et compréhensif. Il m'a accompagnée avec sa propre main.
Peu de souvenirs. Pas de quoi en faire un plat ! En fait, il y en a trop mais aussi pas assez. J'ai la certitude qu'il y a eu plus d'évènements de ce genre, mais ma mémoire a tout effacé et c'est horrible. Les spécialistes parlent d'amnésie post-traumatique. Habituellement, on entend parler de ce phénomène lorsqu'une personne a vécu une agression d'une violence inouïe ou la guerre. J'ai parfois le sentiment d'être une sorte d'usurpatrice ou de mythomane. Je n'ai jamais eu mal. Je n'ai subi « que des caresses ». Pas de quoi fouetter un chat !
La première fois qu'un psychologue a évoqué cela devant moi, j'ai eu beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi j'étais touchée par ce phénomène. Je me rappelle que le professionnel me posait des questions assez précises sur tous les faits. Mes réponses étaient irrévocablement les même « je ne sais pas ». Pour moi c'était très déroutant. Comment pouvais-je ne pas me rappeler de tout cela ? L'absence de souvenir contribue à augmenter le trouble en moi. Les sensations sont étranges et difficilement explicables. J'ai le sentiment à la fois d'avoir tout vécu mais aussi que c'est arrivé à quelqu'un d'autre comme si j'avais été la spectatrice de mes sensations et de mes émotions.
J'ai la certitude qu'ils se sont répétés toutes les semaines pendant environ 2 à 3 ans. Mon frère me le confirmera plus tard d'ailleurs. Ce sont ces quelques réminiscences du passé qui ont semé le trouble à mon adolescence. Etait-ce réellement arrivé ou était-ce le fruit de mon imagination délirante ? J'ai tellement enfoui ces pensées que lorsqu'elles surgissaient, elles semaient le doute dans ma tête. Avais-je été une victime ou étais-je en train de sombrer dans la folie pure et simple ? Longtemps j'ai cru que les événements avaient eu lieu entre 7 et 8 ans. J'ai interrogé ma mère récemment sur la date d'emménagement dans les nouvelles chambres. Elle m'a dit que c'était en 1982-1983. Cela a sonné comme une claque pour moi mais en même temps cela a éclairci quelques incohérences entre les images de mes souvenirs et ce que mon intellect me soufflait. Dans mes souvenirs visuels, mon frère était plus grand que s'il n'avait que 13 ans. Un autre événement a semé le trouble, c'est le changement de lit de mon frère. Pourquoi a-t-il changé de lit en baissant de qualité ? Avec maman, nous sommes remontées dans le passé de la vie familiale. La seule explication que nous avons retenue est la venue de notre grand-mère maternelle qui a séjourné dans la chambre de mes sœurs. Nous lui avons prêté un lit de meilleure qualité. Mon frère a donc hérité d'un vieux lit à ressort venant du grenier. Maman dit que ces faits ont eu lieu en 2005. Je prends une claque. En 2005, j'avais 12 ans et mon frère 17. Je prends conscience que les violences que j'ai subies ont duré beaucoup plus longtemps que ce que je pensais initialement. Cela change beaucoup de choses dans le regard que je porte sur les événements et sur la pseudo naïveté de mon frère. A l'instant où j'ai pris conscience de cela, une vague de colère est remontée de mon vendre jusque dans mes joues. Je me suis sentie rougir. Mes dents se sont serrées de rage.
Il n'est jamais venu dans mon lit. C'est toujours moi qui suis allée dans le sien. Ce détail est important dans le regard que je pose sur moi et dans mon questionnement interne, dans ma réparation. Longtemps, j'ai estimé que si j'y allais c'est que j'y trouvais mon compte. Il y a même une psychologue que j'ai consultée qui m'a amenée à imaginer que j'y prenais du plaisir. Elle pensait que tant que je n'avais pas admis cela, je ne pourrais pas guérir. J'ai admis. Je ne suis pas guérie. Aujourd'hui, je me dis que cette idée est absurde. J'avais tout simplement peur. Mon frère me terrorisait... Mais d'un autre côté, dans l'histoire de mon enfance, on peut penser que je récoltais une certaine satisfaction dans la mesure où pour une fois quelqu'un m'accordait une certaine place, quelqu'un faisait attention à moi. Mal, c'est certain, mais l'intérêt était réel même si je n'étais qu'un défouloir à la sexualité naissante et débridée d'un ado a qui on n'a pas appris l'interdit fondamental qu'est l'inceste.
Pourquoi n'ai-je rien dit ? En fait je n'en sais rien ! Je ne me rappelle pas avoir subi de chantage de sa part. En fait, je pense maintenant que le chantage n'était pas verbalisé mais il était totalement implicite. Je crois que cela ne m'est pas venu à l'esprit. C'était comme ça et puis voilà. Il m'a fallu des années pour comprendre ce qu'il m'était arrivé. Je crois également qu'un concours de circonstances m'a empêchée de passer de l'ombre à la lumière. Je crois que longtemps je n'ai pas compris le problème. La relation homme/femme à la maison était basée sur un rapport de dominant/dominé entre mes parents. Maman étant dominée, je pense après coup que ma relation avec mon frère s'est inscrite dans ce schéma.
En fait, je ne sais plus non plus réellement si tous ces faits sont remontés à la surface après avoir sombré dans l'oubli ou au contraire s'ils sont demeurés à fleur de peau. Une de mes sœurs, Christine -celle qui a 7 ans de plus que moi-, m'a offert un livre à Noël « Et si je ne me réveillais pas » de Michel Moris. C'est l'histoire de Carla, une adolescente de 17 ans qui veut tuer son père abuseur. Christine m'avait interdit de le lire avant mes 15 ans car elle pensait que j'étais trop jeune. Sans rire, quelle idée d'offrir un livre à une ado et lui interdire de le lire ! Comme tout ado, j'ai bravé l'interdit et je l'ai lu à 13 ans. Ce livre a été un poignard dans mon cœur. Même si mon histoire est différente de celle de l'héroïne, j'ai eu le sentiment de ne plus être seule, que d'autres pouvaient avoir vécu la même chose et que c'était grave. Je comprenais mieux ce qui m'était arrivée. Après cette lecture, j'ai traversé une période de doutes où mes souvenirs fugaces ont taquiné ma conscience. Ils étaient tellement fragiles qu'ils me faisaient douter de leur véracité. Était-ce de vrais souvenirs ou des souvenirs que je m'étais inventés pour m'inventer une vie plus trépidante, où j'étais une triste héroïne.
Lorsque je suis entrée au collège, j'ai perdu pied. De ma petite école à taille humaine, le collège m'est apparu ténébreux et froid. Les professeurs me faisaient peur. Leur autorité, leurs savoirs m'angoissaient. Je me suis peu à peu repliée sur moi-même en salle de classe et mes notes ont chuté. Les professeurs ne me voyaient pas. Je ne faisais pas de vague, pas de bruit. J'ai néanmoins pris du plaisir aux cours de sciences naturelles. La professeure était chaleureuse et son regard était bienveillant. Avec elle, j'étais présente, participative, engagée en classe. A la maison, je donne le change. Je suis en apparence une jeune adolescente très souriante, vive et spontanée. Ma sœur aînée Estelle est partie faire ses études loin. Elle était ma confidente. Enfin, quand je dis confidente, je lui faisais des petites confidences, de celles dont je n'avais pas honte. En fait, je lui parle de ma vie du collège, je lui parle du garçon dont je suis amoureuse en secret. Cependant, je ne lui parle pas du drame qui se joue en moi. Au final, je quitte le collège pour aller dans une école où nous pouvons faire des stages. Je pars à la semaine car je suis interne. Là-bas, je me lie d'amitié avec d'autres filles. Certaines ont vécu des drames similaires que je juge à l'époque beaucoup plus difficiles que le mien. Cette comparaison m'empêche de me confier. Elles, elles ont été violées. Moi, ce n'était que des caresses. Les caresses cela ne fait pas mal...
Scolairement parlant, cette école me révèle à moi-même. Je prends de l'assurance. Je suis la plus jeune. Je deviens rapidement le leader de classe. J'aide les autres et cela me permet de mémoriser mes cours plus vite. Mes notes sont excellentes et je prends du plaisir à apprendre. Mes enseignants ne sont que des femmes.
Un samedi de février, alors que j'ai 13 ans ½, ma vie et celle de ma famille basculent. Ma sœur Estelle, mon frère et sa copine heurtent un camion en revenant d'être allé souhaiter les 80 ans de ma grand-mère. Ce jour est gravé de manière indélébile.
Je suis dans le grenier familial en train d'étendre le linge lorsque le téléphone retentit. Puis j'entends ma mère qui crie. Elle appelle mon père en criant que mon frère et ma sœur ont eu un accident. Je dévale les escaliers. Nous montons dans notre voiture et nous partons. Lorsque nous arrivons sur les lieux de l'accident, un pompier fait la circulation et demande à mon père de partir. Papa dit « ce sont mes enfants dans l'accident ». Je lis dans le regard du pompier une telle douleur et telle compassion que je sens immédiatement que c'est grave. Papa se gare. Nous descendons de la voiture. Je me rappelle c'était une Renault 16 blanche. La 4 L de ma sœur est en travers de la nationale, emboutie. Plus loin devant, une bétaillère est à l'arrêt, emboutie elle aussi. Avec maman, nous contournons l'auto par la gauche. Un pompier me bloque de son corps et me dit : « petite, tu n'as rien à faire ici ! ». Je lui réponds avec brutalité et en me dégageant d'un coup d'épaule « Si c'est ma sœur ! ». Je m'installe devant la voiture, du tas de taule. Elle n'a plus de pare brise. La carcasse est défaite. Maman dit au policier présent « ce n'est pas ma fille ». Peut-être essayait-elle de se convaincre elle-même quand je lui ai répondu froidement « Si, maman, c'est Estelle ». J'avais reconnu le pull d'Estelle, le pull blanc qu'elle s'était tricotée elle-même et que j'aimais tant.
Après être restée là à fixer le corps de ma sœur dans la voiture, le masque à gaz mangeant tout son visage, le spectacle est devenu insupportable. Je suis partie en courant. J'ai bousculé le pompier de tout à l'heure et je me suis dirigée vers la voiture. J'ai ouvert la portière et je me suis allongée sur le siège arrière et enfin je me suis mise à pleurer. Je suis restée là seule pendant de longues minutes. Je me suis peu à peu redressée et je me suis installée pour observer la scène. J'ai vu les pompiers, les gendarmes qui s'affèrent à sauver ma sœur. J'ai vu mes parents ravagés par l'horreur, par la peur et la tristesse. Et surtout, j'ai vu mon frère... Il était là dans la scène, totalement hagard, à errer. Des personnes venaient lui parler. Soudain son visage s'est tourné vers la voiture et il m'a regardée. Dans ses yeux, j'ai vu qu'il ne me reconnaissait pas. Il semblait ne pas comprendre pourquoi j'étais là. Son regard est rentré dans mon cœur avec une telle violence qu'une boule de colère s'est formée en moi. J'aurais voulu sortir de l'automobile pour courir le voir et le secouer de toutes mes forces pour le forcer à me regarder dans les yeux. J'avais envie de lui crier « comment peux-tu m'oublier après ce que tu m'as fait mon salaud ? ». Malgré cette colère immense, je suis restée là, pantoise, à ruminer. Je me suis allongée à nouveau et je me suis remise à pleurer sur le sort de ma sœur, sur celui de mes parents mais surtout sur mon propre sort.
Plus tard, mes parents me ramènent à la maison. Dans la voiture, ils parlent beaucoup. Je ne comprends pas grand chose aux mots qu'ils utilisent. Ils parlent de plaie délabrante au visage, de coma... Je ne sais pas ce que c'est tout ça, alors j'écoute. Je perçois que c'est grave même si je ne mesure pas la hauteur de cette gravité et surtout que cet accident va me plonger dans une solitude vertigineuse. Arrivés à notre domicile, papa et maman appelle ma sœur Christine pour l'informer des événements. Ils lui demandent de rejoindre la maison familiale pour qu'ils puissent se rendre à l'hôpital au chevet de leurs deux enfants. A leur arrivée, tout le monde pleure. Papa et maman racontent... Moi, j'écoute et je pleure. Puis papa et maman partent. Pendant ce temps-là, nous parlons de l'accident. Nous tentons de mettre du sens sur les événements. L'ami de Christine tente de détendre l'atmosphère par des blagues un peu potache. Je me rappelle qu'ils hébergeaient un homme du Honduras venu se former en France dans l'entreprise de mon beau-frère. Il était là. Mon beau frère lui a fait sentir à plein poumons de l'ammoniaque. Bien sur il a suffoqué. Qu'est-ce que nous avons ri. Stupidement, mais qu'est-ce que cela nous a soulagé.
Lorsque me parents sont enfin rentrés, leur visage est grave. Les yeux de mamans sont humides et rouges d'avoir pleuré. Nous nous installons autour de la table. Ils nous parlent d’Estelle, de Marie la copine de mon frère et de mon frère. Papa nous rassure sur l'état de Marie et de mon frère. Par contre, ils ont peu d'information sur Estelle. Ils nous racontent que le SAMU a dû s'arrêter plusieurs fois lors du transport car le cœur s'arrêtait. C'est très grave...
Le lendemain après midi, nous nous rendons tous à l'hôpital. Nous allons dans la chambre de Marie. Christine s'assoit dans le fauteuil sous la fenêtre, son ami marche dans la chambre. Moi je m'assois sur le lit. Papa et maman vont voir Estelle et les médecins. Pendant leur absence, la chambre est silencieuse. Le temps est suspendu à l'attente du verdict. Lorsque papa et maman regagnent la chambre, leur visage est défait. Les mots sont bruts : « Estelle est entre la vie et la mort ». « Les médecins l'ont plongée dans le coma pour éviter qu'elle ne souffre. Elle a un triple traumatisme crânien, les poumons perforés, des brûlures au troisième degré, son visage est brisé. Hier, l'opération a duré 7 heures ». Ces quelques mots nous plongent tous dans un océan d’abîmes. A nouveau, je n'ai pas tout compris. Je n'ose pas demander qu'on m'explique. J'ai senti que ma sœur que j'aime tant pouvait partir d'un moment à l'autre. Mon père pleure. Voir mon père fondre en larmes de cette manière est un traumatisme. Je ne veux pas qu'il soit peiné, il l'est assez. Maman tient dans ses mains un sac poubelle bleu transparent. Je devine que ce sont les effets d'Estelle qui ont été restitué à mes parents. Papa, maman et moi allons ensuite au coffre de l'hôpital. Un agent nous redonne sa montre, son collier et sa bague bleue que je convoitais tant.
Nous rentrons le soir à la maison avec mon frère. Il dit ne se rappeler de rien de ce qui c'est passé pendant l'accident. Marie dit ne pas se souvenir non plus. Lorsque nous rentrons à la maison, sur la table de la cuisine est posé le contenu de la voiture. Dans une boîte, on trouve un aimant de St Christophe, un crayon, et un sac de Treets (les M&MS de maintenant). À un moment où nous sommes seuls, mon frère s'en prend à moi de manière virulente. Il m'accuse d'avoir mangé les bonbons. Son regard est méchant, haineux. Je ne me souviens pas exactement des paroles, mais je me rappelle de ma peur. Je me suis défendue bien timidement en niant les faits dont j'étais effectivement coupable. Encore aujourd'hui, je suis assez décontenancée par ce souvenir. Comment pouvait-il se montrer si méchant avec moi en de telles circonstances ? C'est vrai que je m'étais goinfrée de ces sucreries, mais méritais-je autant de méchanceté ? Méritais-je pour autant d'être insultée ? Je n'arrive toujours pas à en comprendre le sens. Était-ce pour asseoir son pouvoir sur moi ? Pour me reprendre en main ? J'ai aussi longtemps pensé que ces Treets avaient été l'élément déclenchant de l'accident. J'émettais l'hypothèse que mon frère aurait tendu les bonbons à ma sœur qui conduisait. Déplaçant son attention sur les sucreries, elle aurait perdu le contrôle de son véhicule qui serait allé percuter la camionnette. J'ai alors pensé que la vue des bonbons pour mon frère avait déclenché un lourd sentiment de culpabilité qu'il avait préféré transférer sur moi plutôt que d'assumer lui-même ce sentiment tant c'était trop lourd à porter.
Ce même soir, alors que j'allais aux toilettes, j'ai entendu des gémissements étouffés derrière la porte qui jouxte les sanitaires. Intriguée j'ouvre délicatement la porte. Maman est là, ses yeux bleus plein de larmes. Nos regards se croisent. Aucun mot n'est prononcé. Je la regarde plonger la main dans le sac poubelle bleu qu'elle a récupéré à l'hôpital. Elle saisit le fameux pull blanc qui m'a permis d'identifier Estelle dans la voiture. En réalité, il n'est plus blanc. Il est rouge du sang qui a ruisselé du visage de ma sœur. Maman marque un temps d'arrêt en tenant le pull avec ses deux mains. Il est tout déchiqueté. Maman m'explique alors que les pompiers ont du le découper pour pouvoir assurer les gestes d'urgence. Elle pivote, se met à genou et ouvre la porte de la chaudière à bois. Après un dernier temps d'arrêt, elle jette le pull dans le feu et referme la porte. Elle se relève et prend maintenant les autres vêtements. Avec une paire de ciseaux, elle découpe le soutien gorge pour en retirer les baleines. Il a été coupé au centre et aux bretelles, mais est demeuré attaché dans le dos. Elle balance tous ces vêtements sanguinolents dans le feu. Elle prend ensuite les bottes. Estelle avait un attrait tout particulier pour les bottes cavalières. Étrangement, elles ne sont pas coupées. Par contre, elle porte les traces de brûlures sur le pied gauche. Je demande à maman ce que c'est. Maman m'explique alors qu'avec le choc, le châssis de la voiture a été déplacé. Il s'est replié sous ma sœur dégageant alors la tubulure du pot d'échappement. Je prends conscience alors que sans ses bottes, ses brûlures auraient sans nul doute été plus étendues.
La soirée se termine dans une ambiance morbide où chacun est plongé dans son chagrin. Je me rappelle être allée sur mon lit et avoir eu des pensées nauséabondes : « Et si elle meure, qu'est-ce que je vais prendre dans ses affaires ? Vais-je pouvoir récupérer sa bague bleue ? Pourrais-je aller dans la chambre de mes sœurs ? Et je pleure, je pleure honteuse d'avoir de telles pensées.
Ma sœur a pris tout l'espace de la vie familiale. Notre vie s'est calée au rythme de la santé de ma sœur. Estelle, Marie et mon frère sont devenus les rescapés qui ont vécu un tragique événement.
Et moi ? Je faisais partie du paysage familial. J'étais toujours le rayon de soleil. Je riais, je blaguais, je parlais beaucoup et j'étais pétillante. J'ai compris rapidement qu'il ne fallait pas faire de vague. Mon comportement s'est adapté à ce que je croyais qu'on attendait de moi.
Lorsque j'étais interne, mes parents m'appelaient tous les soirs pour me donner des nouvelles. J'attendais impatiemment devant les bureaux administratifs. « Elle a bougé une main. Elle a ouvert un œil. Elle était agitée aujourd'hui ». Tous les soirs après l'appel, je pleurais de joie de tant de bonnes nouvelles.
Lorsque je ne suis pas interne, j'accompagne mes parents à l'hôpital dans le service de réanimation. Ils ont droit à une heure de visite. Je suis dans la salle d'attente, pourtant je ne raterais cela pour rien au monde. Je veux être là avec eux. Lorsqu'ils sortent enfin, je les mitraille de questions. « Comment va-t-elle ? Que fait-elle ? Que disent les médecins ? » Je suis excitée. Je bouge dans tous les sens. J'exprime de la joie de manière totalement désordonnée et incohérente. C'est comme si je m'interdis de montrer ma peine et mon angoisse à mes parents. Maman a dit qu'il fallait être fort. Alors je le suis. Je suis comme un petit soldat qui lutte pour rester hors de l'eau. Personne ne voit que petit à petit je coule. Même pas moi.
Au bout d'une semaine, on me propose de la visiter. Je dis que je suis prête. Je pénètre dans le sas, une infirmière s'approche de moi et me donne des consignes. « Tu dois lui parler pour l'aider à se réveiller ». Elle me donne une tenue verte, des sur-chaussures et une charlotte verte. Mon cœur bat à la chamade. J'ai monstrueusement peur. Et puis, brutalement je renonce. J'enlève ma tenue et je quitte le sas. J'ai honte de ne pas avoir réussi. Pour elle. Alors je pleure.
Ma sœur Christine me propose une deuxième fois de rendre visite à Estelle dans le service de réanimation. Elle est réveillée de son coma. Je ne sais pas comment j'avais imaginé ce réveil, mais la réalité me bouscule. Lorsque je pénètre dans le boxe, Estelle est étendue, inerte sur le lit. L'espace est assez réduit. Juste de quoi faire le tour du lit. Il y a des machines partout. L'ambiance est glaçante. Un tuyau part de son cou. On m'expliquera plus tard que c'est une trachéotomie. Les chirurgiens ont été obligés de percer sa trachée car le visage était tellement en mauvais état qu'il ne pouvait pas supporter le poids des sondes. Estelle a le visage bandé et boursouflé. Son œil gauche est protégé par un pansement. En fait c'est l'orbite qui est protégé car l'œil a été arraché lors de l'impact en même temps que la taule labourait le visage le réduisant en rillettes. On comprend mieux les 7 heures d'opération entièrement focalisée sur le visage.
Christine approche du lit du côté droit. Elle saisit la main d'Estelle et lui dit : « Estelle, c'est Christine. Si tu m'entends serre-moi la main ». Elle répète plusieurs fois la phrase. Je suis du côté gauche. Je fixe le visage d'Estelle. Je le découvre pour la première fois. Me parents en ont tellement parlé que je me croyais prête. J'avais visualisé, je m'étais représentée les images dans ma tête. Pourtant je n'imaginais pas ça. C'est un choc que je n'étais pas prête à affronter.
Un œil s'ouvre et regarde Christine. Elle serre la main de Christine. Christine parle, raconte sa vie, son travail, son ami... dans un long monologue. Moi, je ne dis rien. Je me suis prostrée en moi. J'observe. Je suis tétanisée. Christine me dit avec douceur et bienveillance : « vas-y prends-lui la main ! Parle-lui ! » La tête d'Estelle pivote et se tourne vers moi. Son œil se met à me regarder, fixement. C'est comme si j'étais étrange, comme si elle me découvrait, comme si j'étais transparente. Son regard me fixe mais ne semble pas me voir. J'ai le sentiment qu'il cherche à percer mon âme. Je n'arrive pas à déglutir, j'ai la bouche si sèche. J'ai peur. Je ne sais pas quoi regarder, mais je ne veux pas croiser ce regard. Je suis incapable de parler, de bouger. C'est au dessus de mes forces. Je sens mes mains qui sont moites. Christine insiste : « prends-lui la main. Parle-lui comme d'habitude, cela va l'aider à se réveiller ». Je refuse. Je ne peux pas et j'en ai honte. Je finis par quitter précipitamment le box de réanimation.
Au retour, dans la voiture, ma sœur parle, m'explique. Ce que j'ai vu est trop difficile. Ensuite, j'ai refusé toutes les propositions que l'on me fera pour retourner la voir. Longtemps j'aurais des difficultés à lui parler et à me pardonner.
La convalescence d'Estelle va durer environ 1ans et 1/2. Elle va d'abord passer dans un service médical où elle subira des interventions de chirurgie esthétique pour greffer sa peau brûlée, puis pour refaire son visage défiguré et des opérations ophtalmiques pour tenter de récupérer la mobilité de sa paupière sectionnée. Puis, elle sera hospitalisée en centre de rééducation fonctionnelle où elle travaillera à retrouver toute sa mobilité mais aussi ses facultés intellectuelles. Ensuite, elle séjournera un temps chez mes parents mais ira régulièrement à l'hôpital et au centre de rééducation.
Lorsqu'Estelle revient à la maison, c'est comme le messi qui habite à la maison. Elle est comme un petit bébé qui découvre ou redécouvre la vie. Tous les yeux sont tournés vers elle. Quand je dis « tous », ce sont les yeux de mes parents, de mes oncles et tantes, mais aussi des voisins et des gens du village. Tout le monde s'intéresse et se préoccupe d'Estelle. Moi, je suis jalouse de l'intérêt que tout le monde lui porte. Lorsque les gens me voient, ils me disent uniquement « bonjour » et se détournent pour questionner mes parents à propos d'Estelle et de mon frère qui sont des survivants, des miraculés. Je suis totalement transparente.
Le téléphone familial sonne inlassablement... Je prends l'initiative alors de noter le nom des personnes qui appellent pour que lorsqu'Estelle reprendra conscience, elle puisse lire et comprendre toutes les personnes qui l'aiment et qui demandent de ses nouvelles. Par contre, je refuse de répondre au téléphone moi-même.
On peut se demander pourquoi je raconte cet événement tragique de notre vie familiale qui n'est absolument pas lié avec la violence sexuelle que j'ai subie. Connaître cet événement va nous aider à comprendre le contexte familial et comment il a impacté mon silence et mon "emprisonnement".
A cette époque, les souvenirs affluent dans ma tête. La colère grandit d'autant plus que mon frère est ignoble avec moi. J'échafaude des stratégies de vengeance dans ma tête. J'ai souvent l'envie de détruire mon frère en révélant à sa petite amie ce qu'il m'a fait. J'imagine alors qu'elle rompra sa relation amoureuse le laissant seul.
Mes parents, je le rappelle sont totalement préoccupés par ma sœur. De temps à autres, je les vois ou je les entends pleurer. J'entends également mon père se montrer particulièrement abject avec maman. Il lui reproche de vouloir le détruire alors qu'elle souffre. Elle est, je pense à l'époque, au bord de la dépression nerveuse. Mon père est totalement impuissant face à la douleur et à l'angoisse de savoir sa fille si mal, mais aussi impuissant face à la détresse de ma mère.
A cette époque, j'ai commencé à vivre ma vie d'adolescente et surtout à traverser une crise qui s'est éteinte assez vite. J'ai changé d'ami à l'école. Je me suis orientée vers les « rebelles ». J'ai commencé à fumer en cachette derrière les bâtiments, avec le sentiment de vivre enfin intensément et dans l'urgence. Je me souviens bien des parties de rigolade lorsque nous courrions pour nous cacher après avoir fumé. Sauf qu'un jour, j'ai été prise en flagrant délit par une enseignante. J'ai été convoquée dans le bureau de la directrice. C'était une petite femme rondouillette. Elle avait les cheveux coupés au carré. Son nez pointu et aquilin était légèrement dévié. Nous la connaissions peu mais quand elle était là, nous ne mouftions pas. Sa voix était très particulière, à la fois nasillarde et cassée. Elle me dit « assieds-toi ». Je m'exécute. Au fond de moi, j'ai peur car elle m'impressionne et j'ai surtout peur des représailles à la maison. Mais, je veux être brave. Je suis fière. Je la regarde fixement et crânement dans les yeux et je décide qu'elle ne me fera pas pleurer... Elle me dit : « tu sais que ce n'est pas bon de fumer et que c'est interdit ». Je réponds « oui ». Contre toute attente, elle prend sa voix posée et me fixe avec douceur et compassion et dit « Je sais que tu traverses une période difficile, que l'attention de tes parents est totalement portée sur ta sœur. Tu fais ça pour les faire réagir, pour qu'ils te regardent enfin ? ». A ces mots si percutants, mon cœur de midinette craque et je me mets à pleurer. J'ai oublié la fin de la conversation, mais la semaine qui a suivi, elle s'est rendue à la maison. Nous avons discuté au coin du feu. En fait, nous avons un peu discuté de moi mais beaucoup d'Estelle. Mes parents ont je pense pris conscience qu'ils m'avaient un peu oubliée dans la bataille. Ils se sont engagés à veiller davantage sur moi. Mon père en a profité pour critiquer ma mère devant la directrice. Il a reproché à ma mère d'être toujours sur mon dos, de me critiquer sans cesse. Lui est passé pour le beau chevalier blanc. Dans ces propos, il a réussi à susciter en moi la rage et la colère car dans sa manière d'agir vis-à-vis de ma mère, je voyais mon frère face à moi.
Comment aurai pu-je raconter ce qui m'était arrivé à cette époque-là ? Pouvais-je ajouter de la souffrance à mes parents ? Pouvais-je amplifier le sentiment de culpabilité de ma mère ? Pouvais-je salir l'image de mon frère, le survivant, le miraculé ? La famille était totalement en morceau à cette époque. Un de ses éléments forts était touché. Pouvais-je prendre la responsabilité de la briser encore plus ? J'ai continué à me taire.
C'est à cette époque que j'ai commencé à fuir émotionnellement mes souvenirs qui ont commencé à affluer dans ma mémoire. Le soir, quand le sommeil tardait à venir, des flashs venaient me faire frémir. J'avais l'impression d'y être encore. Les sensations étaient là. A l'identique. La peur, les frissons, les poils qui se hérissent, la sueur qui tapisse ma peau, sans oublier les larmes de solitude.
A l'école, j'avais une copine qui était épaulée par sa famille parce qu'elle avait été agressée sexuellement par son petit copain. Tout le monde était à ses côtés, y compris les professeurs. Les garçons de la classe la protégeaient. Moi, j'ai suivi le mouvement. Enfin en apparence... Au fond de moi, le sentiment d'injustice était d'une violence inouïe. J'étais également tellement jalouse : elle, elle pouvait parler. Elle, elle pouvait faire reconnaître son statut de victime et faire condamner son bourreau. Moi, je ne pouvais pas parler. Mon bourreau, c'était mon frère, le survivant.
Comme mon tabagisme a été pris en flagrant délit, j'ai arrêté. Il m'a fallu trouver une autre manière de fuir mes souvenirs, mes émotions et mes sensations. J'ai trouvé deux techniques qui ont encore court : la lecture et la nourriture.
Ma première fuite ou échappatoire a été la lecture. J'étais capable de m'enfiler 4 livres de 400 pages durant un weekend. Au début de mon adolescence, lorsque j'étais en 4ème, avec l'école nous allions à la bibliothèque municipale. Un jour, j'ai suivi le conseil d'une copine. J'ai emprunté un livre de la collection Harlequin. Ce fut comme une révélation. J'ai plongé dedans. J'ai lu le livre d'une traite. Ensuite pendant quelques heures, je n'ai pensé qu'à l'histoire. J'étais devenue la pauvre héroïne qui finalement après moultes péripéties découvrait l'amour. La quantité de livres que je pouvais emprunter est devenue vite insuffisante pour me satisfaire et étancher ma soif. Je me suis donc inscrite dans la petite bibliothèque de ma commune. Elle était toute petite, guère plus grande que ma chambre. Pourtant l'odeur qui s'en dégageait était un mélange de vieux bois, de cire et de poussière émanant de la tomette peinte. Elle n'était ouverte que le dimanche matin après la messe. Elle était associative et principalement fréquentée par les personnes âgées du village. De temps à autre, le fond était renouvelé avec des livres de la bibliothèque départementale. J'ai donc rapidement pris le rythme d'emprunter des livres chaque dimanche. Cette petite promenade dominicale m'a permis de supporter la messe dominicale jusqu'à 16-17 ans. Je prenais 5 livres, soit le maximum empruntable. Au début, j'ai lu tous les Harlequins et Nous Deux disponibles. J'en ai hélas très vite fait le tour. Alors je suis allée regarder dans d'autres éditions, et surtout j'ai commencé à attaquer de gros volumes et même des sagas romantiques. Dès que je plongeais dans une histoire, je n'arrêtais que lorsque le livre était terminé. Je commençais mon livre après le déjeuner du dimanche. Dès le repas terminé et la vaisselle faite, je me réfugiais dans ma chambre et je sautais dans l'histoire. Je n'arrêtais que si mes parents m'appelaient. Plus rien ne comptait. Après diner, j'allais me coucher assez vite et je pouvais lire toute la nuit. Et le lendemain, je recommençais. A cette époque là, les histoires que je lisais étaient invariablement des histoires d'amour. J'avais un faible tout particulier pour les histoires où l'héroïne avait été abimée par la vie et le héro était un prince charmant qui venait l'arracher à son triste sort. J'aimais lire également des histoires où les histoires de Torey L Hayden qui racontait son vécu de psychologue scolaire et notamment « L'enfant qui ne pleurait pas », comme moi.
Lorsque je fermais les livres, l'histoire habitait ma pensée pendant de longues heures. Ma mère avait l'habitude de me donner des tâches à faire, telle que ramasser les haricots verts du jardin, ou encore tondre la grande pelouse, ou encore nettoyer les placards... Etrangement, j'adorais faire ces tâches matérielles, car elles étaient pour moi l'occasion de rester dans ma torpeur anesthésiée. Je modifiais l'histoire du livre de manière à me transformer en l'héroïne. Là, mon cerveau n'avait plus de limites. Je visualisais totalement ce que j'imaginais. Comme je le disais précédemment, j'ai eu une période où j'étais fan du chanteur Georges Mickaël. Ces moments de durs labeurs physiques ont été l'occasion de devenir sa muse, son amoureuse. Je m'imaginais avoir été repérée lors d'un concert puis avoir été invitée dans sa loge et dès lors, une histoire d'amour abracadabrantesque naissait. Si toutefois, je devais interrompre mes histoires, je me débrouillais pour les reprendre là où je les avais laissées.
Maman s'inquiétait énormément du temps que je passais à lire. Elle se préoccupait de ma capacité à me renfermer dans moi-même. Elle me disait qu'il fallait que j'arrête de rêver ma vie mais que je la vive vraiment et pleinement en rencontrant d'autres jeunes de mon âge. Elle me disait aussi qu'elle aussi passait beaucoup de temps à rêver dans sa jeunesse et qu'elle était passée à côté de beaucoup de bonheur. A cette époque, je n'étais pas en capacité de comprendre ce qu'elle me disait. Je ne pensais qu'à mon plaisir de lire. J'étais comme droguée. Il me fallait ma dose de lecture pour pouvoir affronter ma vie. Cependant, je pense maintenant que sur le fond elle avait raison. Elle n'imaginait pas comment rêver était pour moi plus facile et moins douloureux que de vivre. Rêver m'empêchait de penser parce que penser était insoutenable. C'était le seul moyen que j'avais trouvé à l'époque pour contenir mon cerveau et empêcher les afflux de souvenirs fugaces, violents et insoutenables de ma mémoire traumatique. Sans cette lecture vorace, j'aurai certainement sombré. Je pense que si j'avais vécu mon adolescence aujourd'hui il aurait été probable que je m'adonne à des conduites additives à des produits psychotropes.
En parallèle, au fur et à mesure que mon corps changeait, j'ai pris du poids. J'ai toujours eu un bon coup de fourchette. En fait, je n'ai jamais su trouver le point de satiété. Il est difficile pour moi d'être à l'écoute de mon estomac. Quand je mange, j'ai besoin de me remplir, comme pour combler un vide. Le problème c'est que le trou est béant. Il faut donc en mettre beaucoup. J'ai rapidement compris et ce depuis mon enfance que ma conduite avec la nourriture était problématique. Je profitais de l'absence de mes proches pour ouvrir le placard et le réfrigérateur pour me gaver. Tout pouvait y passer : fromage, jambon, chocolat. Je veillais cependant à en laisser suffisamment pour ne pas éveiller les soupçons pour éviter les réflexions cassantes et désobligeantes de ma mère et de ma deuxième sœur. Cependant, mes rondeurs ont contribué à donner une image de moi « bonhomme » vis à vis des proches de la famille. Par exemple, je me souviens d'une tante qui était venue déjeuner à la maison, qui m'a dit « Oh elle fait plaisir à voir cette petite. On sent qu'elle est en forme ! ». Aujourd'hui encore, la nourriture est un problème. Dès que je suis seule, le sens un besoin irrépressible de manger. Une tension s'installe. Je ne pense qu'à manger. Tant que je n'ai pas comblé cette envie, je ne m'apaise pas, je ne pense qu'à ça... Je finis par céder à mon corps : je mange. J'ai essayé à plusieurs reprises de faire des régimes, mais à chaque fois, c'est pire. Plus la frustration est grande plus la chute est lourde et plus je deviens à mon tour lourde.
Je me souviens également qu'à différents moments, j'ai tenté de faire des appels que personne n'a vraiment compris. Par exemple, vers 13 ans, j'ai préparé ma confirmation avec d'autres adolescents de ma commune de ma classe d'âge. Mes parents avec d'autres parents animaient ces réunions où nous étions censés réfléchir au sens que nous donnions à la vie. Les réunions avaient lieu dans le presbytère paroissial austère et froid. Les murs étaient recouverts de tentures où gisaient des curés à la mine patibulaire issus d'un passé lointain. Ils me fichaient la frousse et rendaient les réunions si solennelles. Un jour, ils nous avaient demandé de réfléchir à quelque chose qui était beau et également à quelque chose qui était, au contraire, à nos yeux, laids. Mes copains avaient quasiment tous dit que ce qui était beau c'était les gens qui aidaient les pauvres lorsqu'ils n'avaient pas de quoi subvenir à leurs besoins et ce qui étaient laid c'était la famine en Afrique. Moi, je me suis retrouvée totalement en décalage avec eux. Pour moi ce qui était beau c'était une naissance ; ce qui était laid, c'était l'avortement. Je me rappelle avoir dit qu'à mes yeux, la seule raison qui autorisait l'avortement c'était lorsqu'une jeune fille était violentée sexuellement. Jamais nous n'avions discuté de violences sexuelles à la maison. Mes parents ne se sont pas étonnés que je puisse évoquer un tel thème. Ils ne m'ont posée aucune question. Pourtant, je les savais totalement opposés à l'avortement, y compris dans de telles circonstances, puisqu'une naissance était « un cadeau de Dieu » et que « l'enfant n'a jamais rien demandé » et qu'il est « la vie ».
Lorsque j'étais en Seconde, notre professeur de français qui était également notre professeur titulaire nous avait demandés de constituer un dossier où nous devions collecter des paroles de chanson, des photos, des extraits de livres qui nous avaient touchés. Nous n'avions aucune contrainte de thème. Nous étions totalement libres de notre choix. J'avais pris une photo en noir et blanc d'une petite fille triste avec des larmes perlées à ses paupières. Son regard était si grave qu'il m'avait terriblement émue. J'avais l'impression qu'elle était moi. J'avais également choisi un extrait du livre « Et si je ne me réveillais pas ». Dans le travail d'écriture j'avais associé le texte et l'image de la petite fille. J'avais évoqué mon dégout vis à vis de tous les prédateurs sexuels qui abusaient des petites filles. A ce travail, j'avais eu une excellente note. Lors de la rencontre parents-professeur, ce professeur de français avait évoqué la richesse et la « densité » de mon travail devant mes parents. Il avait dit que j'étais d'une grande maturité. Mon père, avait alors souri et dit que j'étais comme lui car j'avais une vie intérieure riche. Il avait entendu les compliments formulés par la professeure mais n'a aucunement été alerté par le thème de mon travail. Au retour, j'ai proposé à mes parents de lire mon écrit, ce qu'ils ont fait. Ils m'ont l'un et l'autre félicitée de ce travail. Je me rappelle que mes émotions étaient très partagées entre la joie pour les compliments et le dépit car ils n'ont pas entendu ce que je tentais désespérément de leur livrer.
Durant mon adolescence, j'ai tenté de révéler ma détresse à quelques copines en qui je projetais des liens d'amitié profonds. A chaque fois, elles m'ont écoutée... Mais j'ai toujours été tellement déçue de leur réaction. J'aurai tant aimé que quelqu'un me dise "mais c'est horrible ce que tu as vécu, tu as dû avoir si peur". A chaque fois, j'avais le sentiment que ce que j'avais vécu était peu de chose et que leur vécu à elles, leurs problèmes avec leur petit ami, leurs parents étaient beaucoup plus significatif que les miens.
Peu à peu, je me suis installée dans un repli. J'ai pris l'habitude de toujours dire que j'allais bien. Les personnes à qui je pouvais parler n'était pas en capacité d'entendre que je n'allais pas bien. La seule chose qu'il voulait c'était me parler à moi de leurs problèmes. De toutes façons, que pouvais-je faire d'autre ? J'imagine très bien le dialogue :
- Bonjour. Comment vas-tu ?
- Bonjour, je ne vais pas bien en ce moment.
- Oh, qu'est-ce qui t'arrive ?
- J'ai été agressée sexuellement par mon frère quand j'étais petite et j'ai des souvenirs qui affluent dans ma tête, j'ai mal, je me sens pas bien, je me sens coupable.
...
Qu'aurait pu me raconter mon interlocuteur en réponse à ça ? Rien, bien sûr. Il aurait été tétanisé, mal à l'aise et m'aurait fuie. J'ai compris assez vite pendant mon adolescence que quand les adultes demandaient à quelqu'un comment il allait, il n'avait en fait pas envie de vraiment comprendre son état psychologique. Ce n'est en fait qu'une formule de politesse, ou une entrée en matière dans la relation. Un peu comme une nouvelle civilité : Un « bonjour-ça va ? » d'entrée en matière. Alors, en conséquence j'ai appris à répondre à cette question-civilité : « ça va » et ce, quelque soit ma détresse, mon état, mon sentiment de solitude profonde. J'ai fini, l'âge aidant, par développer la compétence de faire parler les autres sans rien livrer de moi-même, sans comprendre que je me faisais du mal parce que j'enfermais mes émotions au fond de mon être et que je recouvrais tout cela d'une carapace bien épaisse.
C'est à peut prêt à cet époque que mon corps a commencé à se plaindre. J'ai commencé à avoir mal entre les omoplates au niveau des vertèbres dorsales. Ma mère m'a dit qu'il fallait que je me tienne droite... Alors j'ai tenté de me tenir droite mais cela n'a rien changé. J'ai consulté le médecin généraliste qui m'a fait faire des séances de kiné pour muscler mon dos. Après les séances j'avais encore mal. Alors je suis allée faire des radios. Il n'y avait rien. Alors, j'ai repris les séances de kiné. A l'issue j'avais toujours mal... Alors j'ai appris à vivre avec ces douleurs.
Aujourd'hui, où en suis-je ?
Mon corps est un traître. Il ne m'aime pas et je ne l'aime pas. Il est gros. Oui, je suis grosse. 90 kg pour 1 m 65. On peut dire d'un point de vue médical que je suis obèse...
J'ai un grand nez. Le visage un peu rougeaud. Une fille de la campagne quoi ! On me dit que j'ai de jolis yeux bleus, expressifs. J'ai une bouche bien rouge, pulpeuse. Les lèvres sont délicatement ourlées. J'en suis assez fière d'ailleurs. Mes oreilles sont légèrement décollées et plus grandes que la moyenne. Pour mieux entendre mon enfant !!!! Entendre quoi ? Pfff ! Rien. Car y'a rien à entendre.
Ce corps, je ne l'ai jamais aimé. Je n'ai jamais su en prendre soin. Je n'ai jamais su l'écouter.
J'ai dit qu'il était un traître. Au minimum, il n'est pas mon ami. Même quand j'ai voulu être mère, il a refusé de fonctionner normalement. Des ovaires micro-polykystiques perturbent l'ovulation. Ma gynéco d'alors m'a demandé de perdre du poids car les comprimés et les injections n'arrivaient à rien. J'ai réussi à perdre quelques kilos. Je suis tombée enceinte et j'ai tout repris.
A quoi est dûe cette prise de poids ? Parce que j'ai un très mauvais rapport à la nourriture ou est-ce dû aux ovaires micro-polykystiques ? A moins que mes ovaires micro-polykistiques soient dûs à ma prise de poids. Les deux certainement.
Depuis mon adolescence, je mange énormément. Enfin, je mange lorsque je suis seule, le soir. Je grignote. J'ai besoin de remplir mon ventre pour combler la béance de mon âme. A l'instant, mon fils vient de se coucher. Mon mari travaille. Je sais que dans une heure, mon estomac va se manifester. Les images vont envahir mon cerveau. Cela durera tant que je n'aurais cédé. Lorsque je me sens plutôt bien, je ruse en prenant une tisane. Mon cerveau est blousé. J'en suis fière. Mais dès qu'une période trouble arrive, les efforts deviennent impossibles. Je suis incapable de ruser. Je dois céder. Alors au bout d'une semaine j'ai déjà pris 1 voire 2 kilos.
Mon corps est un traître car il est capable de prendre le pas sur mon cerveau. Lorsque je conduis, il m'arrive d'avoir peur. L'angoisse monte. Mon corps ressent des choses étranges que je ne comprends pas. Il sent la voiture chassée sur le côté. Lorsque je passe sur un pont ou que je suis en montagne, je me sens attirée par le débat. Ce sont des sensations réellement physiques nées dans mon cerveau quasi malade. Dès que je suis dans une situation que je ne peux maîtriser, mon corps me le rappelle et se manifeste pour que je trouve une solution pour mettre fin à cette situation de stress. Mon homéopathe dit que mes glandes surrénales fonctionnent mal... Ha ! Cela me laisse perplexe. Cause physique ? Cause psychologique ? Je ne vous cache pas que j'opte pour la deuxième origine.
La colère est une mauvaise amie qui ne me quitte jamais vraiment. Elle est là tapie dans l'ombre. Elle surgit souvent, sans que je sache pourquoi. Un rien la déclenche. Le matin au réveil parce que ma fille est déjà devant la télé, parce qu'une chaussette est mal rangée, parce qu'une assiette est mal alignée dans le lave-vaisselle et j'explose. Un torrent de fiel s'abat sur elle. Je sens que je suis maltraitante. Elle en souffre. Je le vois, je le sens et cela m'énerve. Je sens que je suis la cause de sa souffrance. Je suis une mère castratrice. J'ai honte de cela mais je n'arrive pas à contrôler. Jamais je n'ai été physiquement violente. Pourtant, est-ce si différent ? Je la bride. J'ai besoin de la contrôler. Quand je me regarde fonctionner, je me fais horreur. Je déteste cette manière d'agir, mais je n'en connais pas d'autres. J'agis exactement de la même manière que mon père. J'ai dénoncé sa violence psychologique et j'inflige la même chose à ma fille.
Bonjour, je suis très émue et au-delà même bouleversée à la lecture de votre histoire. Vous m'inspirez une considération et un respect immense, de l'empathie aussi, et, si je veux être sincère,l'anonymat me le permettant, de la compassion. Il m'a à certains moments semblé lire mon histoire tant les similitudes sont nombreuses : le sentiment d'avoir vécu des expériences de décorporation, la difficulté à situer les abus dans le temps et la durée, les doutes entre la réalité, les souvenirs inventés et une possible folie, le rapport à la nourriture, la représentante officielle de la joie de vivre, de l'écoute et du soutien, l'aveuglement et l'inintelligence de l'entourage qui trouve ça plutôt intéressant des recherches aussi approfondies sur le thème de l'inceste, le maintien du secret, le respect du tyran, les doutes éducatifs,.... et la liste n'est pas exhaustive. Je dois bien vous avouer que votre récit m'a fortement perturbée mais également tellement soulagée. Merci.
j'ai pris le temps de lire ton histoire. le silence est ce qu'il y a de plus lourd. Ecris autant que tu peux si cela t'aide.
ce qui est bien aujourd'hui après tout ce malheur c'est que tu as réussi à construire une famille.
as tu pensé à voir quelqu'un pour décharger un peu de ton passé?
courage .
liloudallas