28 Juin 2006, une date mémorable dans mon existence, sans nul doute! Depuis, un soulagement, un apaisement, un réconfort que j'ai tant cherché à trouver depuis 1998. Après avoir porté plainte l'année dernière pour "agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans" par ascendant légitime, je pense que j'ai eu beaucoup de chances quant au délai entre mon dépôt de plainte et le procès. Mon "grand-père" avait eu" l'intelligence" dirais-je de reconnaître en partie les faits, ce qu'il fait qu'une instruction n'a pas été menée.
De la chance, c'est certain dans ce parcours du combattant, car pour la première fois en ce 28 juin, je me suis sentie protégée par la justice. Que l'on reconnaisse victime, que l'on fasse comprendre à l'autre qu'il avait fait des conneries de l'âge de mes 8 ans à mes 14 ans, qu'enfin je sois respectée dans mon intégrité, que cette image de "salope" qui m'a entêtée pendant des années n'aie plus cours... Tels sont les "bénéfices " d'une telle action en justice qui permet à terme de se reconstruire.
Même si depuis 1998, date où j'ai révélé les faits à l'époque, et au delà de la non-action des personnels enseignants, de l'assistante sociale qui m'a suivie au lycée et de mes parents qui n'ont pas réussi à se positionner, j'ai réussi à faire ce pas si dur qui m'a permis de briser un second silence des plus destructeurs : celui du non-dit, celui d'une prison intérieure.
Ce silence est en effet le plus terrible car c'est celui d'une non reconnaissance du statut de victime. Tant qu'il n'est pas brisé, il est difficile de s'y retrouver dans sa propre famille, briser la transmission de la maltraitance de générations en générations s'avère nécessaire pour se sentir exister et pleinement maître de sa propre vie. Enfin, avec beaucoup de patience, tout de même.
"Mr X, la cour vous reconnaît COUPABLE des faits qu'ils vous sont reprochés et vous condamne à 18 mois de prison avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve de 5ans" : ces mots, si attendus permettent sans nul doute une certaine cicatrisation.
Au-delà du cercle infernal lié à la révélation de l'inceste, du mal-être que l'on peut ressentir tant que nous ne sommes pas convaincus que nous ne sommes en rien responsables de ce qui s'est produit, nous ne pouvons que répéter à notre insu un certain mode de fonctionnement familial fait de confusions des rôles et des statuts. Car nous sommes bel et bien des VICTIMES, que nous ayons ou non éprouvé du plaisir lors des agissements que nous avons subis (ce qui est souvent plus lourd de conséquences pour nous).
Aujourd'hui, à 23 ans, même si je suis persuadée qu'il est indispensabe de porter plainte après les révélations, le combat est fini dans un sens. Je suis soulagée et commence à me sentir moi-même. Il aura cependant fallu passer 15 ans de ma vie à me sentir une SALOPE dans ma chaire, jusquà ne pouvoir envisager quelque relation que ce soit avec un homme.
Encore quelques temps de thérapie seront sans doute nécessaires pour procéder au lavage de cerveau que l'on m'a fait.
Mais je reste persuadée que quelque part, je trouverais une personne en qui je pourrais accorder ma confiance.
Même si la colère est toujours présente, j'ai pu aujourd'hui la déplacer sur la bonne personne : mon grand-père, ce beau salop de 84 piges, soit disant bien apprécié par ses collègues lorsqu'il travaillait dans la gendarmerie. De ce 28 juin, un nouveau sentiment a émergé : celui du dégoût d'un homme à qui j'ai pu accorder toute ma confiance aveugle du haut de mes 8 ans, et qui se considérait sans doute intouchable. En le revoyant, je me suis demandée comment j'avais pu l'idéaliser puisque le jour du procès, il n'a sans doute pas arranger son cas.
Alors, je dois dire MERCI A LA JUSTICE d'exister car si elle n'était pas là, je ne serais sans doute pas de ce monde.
Aujourd'hui, ce que j'attendais du procès m'a permis de poursuivre ma route et je sais désormais que j'ai deux nouveaux combats à mener : celui de pouvoir un jour construire ma vie personnelle avec un homme, et celui que j'ai bientôt achevé puisque dans un an je devrais avoir mon diplôme d'Etat d'éducatrice spécialisée pour travailler où? dans la JUSTICE bien sûr!
Alors si j'avais un mot à dire à ceux et celles qui hésitent à franchir le pas , c'est celui-ci: ne cherchez pas à plaire à tout le monde en acceptant de vous nier, mais une démarche juridique constitue une étape essentielle à sa propre reconstruction personnelle. Il faut parfois savoir renoncer ne plus être aimée par ceux qui ont pu nous entourer depuis notre enfance. C'est ainis que vous prendrez le chemin de la vie!