Je souhaite témoigner, car je crois que ma parole peut aider certaines personnes qui désirent mettre en place une stratégie pour s'en sortir.
Je ne prétends pas avoir réponse à tout ou la solution à tous les maux. Mais il est possible que mon expérience de vie, à l'aube de mes 47 ans, pourra aider certains et certaines à mieux vivre avec leur passé et à lever enfin la tête hors de l'eau. Je ne vais donc pas parler de mes traumatismes incestueux, parce que j'ai cette pudeur et parce que je ne souhaite pas mettre en cause untel ou unetelle de ma famille. Je me suis déjà vengé à l'intérieur de ma cellule familiale à l'aube de mes 30 ans et j'ai eu tout le loisir de décortiquer les conséquences psychiques de ce drame chez des thérapeutes. Voici comment je m'en suis sorti.
Dès l'âge de 18 ans, j'ai consulté un psychanalyste qui m'a expliqué que ma prise en charge était tardive et que je m'étais construit autour de ce traumatisme incestueux comme une plante grimpante sans tuteur, de façon anarchique et bancale. Arrivé à l'âge de 40 ans, ma vie me semblait toujours insatisfaisante et j'étais en grave souffrance psychique. J'ai entamé une thérapie intégrative (psychanalyse + psychothérapie + hypnose), ce qui m'a permis de disséquer les conséquences de mon trauma avec un spécialiste du trauma durant deux ans. Une fois passé le cap de l'amnésie, mon traumatisme me semblait plus clairement identifié, ce qui m'a permis ensuite de passer à l'EMDR avec mon médecin psychiatre. L'objectif était de dépassionner mon passé traumatique et de m'ancrer résolument dans le présent. Des séances chez un psychomotricien m'ont beaucoup aidé, car elles m'ont permis aussi d'être plus tourné vers le présent en atteignant la pleine conscience corporelle. J'ai traité certaines phobies persistantes comme la peur du vide ou des vertiges, en faisant appel à un cabinet d'hypnose réputé en parallèle. Le traitement de fond restait la psychothérapie intégrative. Une fois ce parcours achevé, je suis passé à une TCC (thérapie cognitive et comportementale) pour m'aider à me positionner dans le présent. Le sport et notamment le fitness et la musculation m'ont permis d'acquérir une plus grande confiance en moi et une forte estime de soi. Sur le plan des idées, j'ai poursuivi assidument un travail de symbolisation grâce à l'écriture créative en ateliers.
Aujourd'hui, je passe pour quelqu'un d'avenant. On apprécie mes bons mots et je suis entouré d'amis de qualité. Personne autour de moi ne se doute de rien, mis à part mon conjoint qui a suivi mon parcours pas à pas avec enchantement. Je suis quelqu'un de désirable, malgré mon âge, et ma carrière professionnelle me sourit. Je prends du plaisir dans tout ce que je fais, la cuisine, les activités physiques, et j'ai un rapport heureux avec ma libido. Je me surprends moi-même tous les jours. Je n'ai plus peur du vide, ni de grimper en altitude. Mes collègues de travail me donnent dix ans de moins et certaines me font parfois quelques blagues à la limite de l'indécent, ce que j'accueille aujourd'hui en riant. Je crois pouvoir dire qu'arrivé à l'âge de 47 ans, je m'en suis enfin sorti, la tête haute.