Le monstre du...
Le monstre du placard
Tous les enfants ont à un moment de leur vie, eu peur des fantômes, du monstre dans le placard ou sous les lits. Une légende urbaine pour certain, une triste réalité pour d’autres. Alors laissez-moi vous raconter l’histoire de mon monstre à moi » !
Le plus difficile lorsqu’on veut raconter son histoire, c’est de savoir par où commencer.
C’est par la fin que je vais débuter mon témoignage car ma vie à défiler à l’envers jusqu’à présent.
Il y a un peu plus de deux ans j’ai rencontré celui qui partage ma vie aujourd’hui. Nous vivons une relation fusionnelle mais conflictuelle et parfois pleine de violence. Non pas qu’on ne s’entend pas au contraire. Mais nos plaies ouvertes s’entrechoquent et nous empêchent de nous aimer sereinement.
Au moment de notre rencontre j’étais une jeune femme (ou une grande ado) oscillant entre introversion et extraversion et qui se montrait sûre d’elle. Une jeune femme à la sexualité débridée. Je pouvais coucher avec le premier venu, j’offrais mon corps comme une récompense après avoir chassé mes proies. Une âme de célibataire endurcie qui avait pourtant déjà était amoureuse deux fois. Et les deux fois précédentes, les mêmes galères ont anéanti mes histoires d'amour. Parce que lorsqu’il s’agissait de sentiment je devenais une jeune femme dépendante, parfois froide et distante. Ma libido devient inexistante. J’ai même par le passé était plusieurs fois infidèle.
Beaucoup de choses ont changé depuis ma rencontre avec mon cher et tendre. Je ne ressens plus le besoin irrépressible d’aller voir ailleurs, mais au fil de notre relation je lui refuse l’accès à mon corps de quelque manière que ce soit. Ça commence par la diminution des rapports sexuels, des contacts charnels, des gestes d’affection. Des tas de disputes ont été animées par ce sentiment de frustration que je lui inflige. Expliquer son mal-être, sa douleur n’a aucun sens, car l’autre ne peut pas une seconde se mettre à notre place. A force de me voir m’enfoncer dans ce comportement de fuite, mon amoureux me supplie de faire quelque chose, pour moi, pour lui, pour nous. Un pas difficile à franchir. Je me disais qu’aller voir un psychologue ne servirait à rien, car j’avais l’impression de connaître la source de mon mal être. Mais n’était-ce pas juste une excuse pour fuir encore une fois la vérité ?
L’an dernier, après plusieurs essais, je pousse enfin la porte d’un cabinet. Je trouve enfin une psychologue qui m’inspire confiance.
Je lui expose la situation de manière plutôt claire : « Bonjour, je suis en conflit avec ma mère depuis toujours. Elle est alcoolique et nymphomane ». Je lui fais également par de mes comportements et de ma situation de couple car je viens précisément pour ne pas perdre mon amoureux.
Pour moi, mon blocage venait de ma mère sans que je puisse réellement comprendre pourquoi son comportement m’affectait autant encore aujourd’hui dans ma vie de femme. Et c’est d’ailleurs le premier axe de travail que j’entamais avec ma psychologue. Comprendre pourquoi je souffrais autant de ce passé que je ne trouvais pas si traumatisant et pauser des mots sur les événements que j’avais traversé.
Et contre toute attente le premier mot important à sortir fut « TRAUMATISME SEXUEL ».
Un mot qui avait du sens dans ma vie de tous les jours (car je suis éducatrice spécialisée) mais qui n’en avait aucun pour moi. Un mot qu’il fallait que je m’approprie pour passer à l’étape suivante. Et l’étape suivante fut de comprendre et d’accepter que ma mère dans ses travers et ses vices avait fait preuve de « MALTRAITANCE. Un deuxième mot qui résonne et qui fait accélérer le cœur. Oui ma mère avait fait preuve de maltraitance en s’exhibant avec tous ces hommes, et puis parfois des femmes, parfois même seule. Ces souvenirs qui sont restés intacts dans ma mémoire. Mais malgré le fait que je trouvais ma mère répugnante et de ce fait le sexe aussi, il ne s’agissait pas pour moi de quelque chose de grave. C’était ma mère, elle était comme ça et il fallait que je fasse avec.
Je ne pouvais pas me résigner à me dire que c’est seulement à cause de ça que j’allais aussi mal. Mais j’étais encore à des années lumières d’imaginer que j’avais eu à faire à un monstre.
Au fil des séances, ma psy me fit replonger dans mes souvenirs. Mais là…problème : Je n’avais pas de souvenir avant mes 8 ans. Bien sûr, je ne prenais pas cette absence de souvenirs pour une « AMNESIE TRAUMATIQUE». Je me disais seulement que mes nombreux déménagements m’empêchaient de reconstituer le puzzle correctement. Je pensais que c’était normal même si je voyais bien que les gens autour de moi se souvenaient de chose bien plus ancienne. A force de me faire parler et parfois répéter les mêmes histoires je me rendis compte qu’à chaque fois il y avait toujours un élément nouveau. Mais surtout que les souvenirs était là (du moins partiellement) mais que je ne les avais pas replacé au bon endroit dans ma mémoire et que pour beaucoup d’entre eux j’étais face à un déni. Je me retrouvais dans l’incapacité de me dire que ce que j’avais vu ou vécu était « GRAVE ».
A ce stade j’entame un moment pénible de ma thérapie. Je suis en quête de réponse et il me faut me concentrer sur ces douloureux souvenirs, sur ce que mon corps et mes rêves essaient de me dire. J’analyse à nouveau tous les aspects de ma vie avec un nouveau regard. Peu à peu je m’enferme dans mes angoisses, et petit à petit mon état empire. Je pleure souvent, j’ai besoin de solitude, je ne supporte plus aucun contact avec l’être aimé. Une partie de moi est terrifiée à l’idée qu’il puisse me faire du mal. Et je ne comprends pas pourquoi cette pensée me hante nuit et jour.
Ma psy m’interroge à ce sujet et je fini par lui avouer que quelque chose au fond de moi est persuadé que ma mère, la femme qui m’a donné la vie m’a d’une manière ou d’une autre détruite au plus profond de mon intimité. L’idée d’un possible abus commence à émerger. Trop d’indices s’empilent devant moi, je ne peux plus les ignorer. Il y a ces souvenirs douteux, cette amnésie, ce sentiment de haine et de dégoût que ma mère m’inspire, ces comportements inadaptés dont j’ai si souvent fait preuve, ce climat incestueux ou frère et sœur couche ensemble (ma mère et mon oncle), puis les recherches sur mon passé qui me ramènent sur les traces d’un signalement fait par une tante alors que j’avais à peine trois ans : motif « suspicion d’attouchement », et ce poèmes que j’ai écrit. Une petite fille qui raconte sa relation incestueuse avec son papa, comme si j’y étais alors que je n’étais même pas en âge de savoir de quoi je parlais réellement. A savoir que dans tout ce cheminement ma psy a été formidable. Elle n’induit jamais, elle me laisse aller à la découverte de mon univers et des mots que je veux pauser sur ce qui m’est arrivé.
Une sensation étrange me parcourre à ce moment précis de mon suivis. L’idée que ma mère ai pu me faire du mal s’installe et étrangement la première chose qui me viens à l’esprit c’est que cette femme avait pu me vendre pour un peu d’argent. Etrange non ? D’où une idée pareille peut-elle sortir si ce n’est de mon inconscient ?
Le doute était maintenant plus qu’installé, ma mère avait été un monstre. Je continue cependant à parler de doute car une partie de moi ne veux, ne peux pas accepter cette version de l’histoire. Comment persuader son âme que la personne qui est censée nous donner un amour inconditionnel puisse nous faire autant de mal ?
Puis il y a ce garçon dont j’avais était amoureuse à l’âge de huit ans. Il en avait 14. J’avais confiance en lui et surtout je ne voulais pas lui déplaire. Je n’avais pas oublié cet événement ou il m’emmena derrière le stade de foot, me retira le bas de mes vêtements et se frotta contre moi. Je n’avais pas oublié mais comment aurais-je pu m’imaginer que là encore j’avais subit alors que jusque-là je m’imaginais avoir fait une bêtise, j’étais consentante. Sauf qu’à 8 ans être consentant ça n’a aucun sens dans ce genre de situation. Et encore moins quand toutes nos représentations de soi ont été bafouées par un parent.
Bref, les mots sont maintenant tous posés : « traumatisme sexuel », « maltraitance », « abus », « inceste ». Mais le mal s’incruste encore plus profondément et ce désir ardent de vengeance sans pour autant en être capable.
Il y a peu, ma psy me dit clairement que pour franchir encore une étape vers la guérison je ne pourrais pas continuer à fuir. Je dois affronter le monstre. Je dois savoir car malgré tous mes efforts je ne me souviens pas et peut être même que j’étais trop petite pour pouvoir me souvenirs. Tout ce que je sais c’est que ma mère est coupable et qu’elle est la seule à avoir les réponses à mes questions.
Sous les conseils de ma psy et d’une autre personne que je consulte occasionnellement je me lance et j’écris a cette femme à qui je ne parle plus depuis presque deux ans. Je lui envoie un message privé via Facebook dans lequel je lui écris un poème, histoire de marquer le coup sur le passé, car j’écrivais beaucoup étant plus jeune. Puis je lui demande très explicitement ce qu’elle m’a fait, lui faisant comprendre que je l’accuse d’inceste.
Mon monstre a lu mon message et sans réponse m’a immédiatement bloqué sur Facebook. J’avais un infime espoir de la voir répondre mais son silence meurtrier était pour moi le plus beau des aveux ! Et je lui fis savoir en lui envoyant un second message cette fois sur son téléphone auquel je n’aurais pas non plus de réponse.
Voilà quelque jours que j’ai pris ce coup de poing en pleine figure. Ma rage me tort les boyaux chaque seconde et fait couler mes larmes à flots. Mais je dois me battre car aujourd’hui je ne suis plus seule. Il y a mon homme que je ne remercierai jamais assez car malgré toute la souffrance que je lui fais endurer, il est toujours là à mes côtés. Et il y a ce petit trésor de vie qui grandit au creux de mes entrailles. Ma fille !
Un nouveau combat commence pour moi à présent, un combat pour la justice et la reconnaissance. Un combat qui débute par ce témoignage car je refuse une minute de silence en plus sur ces drames qui anéantissent tant de personne.
Bientôt j’ai rendez-vous avec un avocat afin de savoir si oui ou non je peux entamer des poursuites contre elle. Quoi qu’il en soit si la justice ne me suit pas, alors je me battrais pour celles et ceux qui comme moi ont vécu l’innommable.
Pour conclure, je refuse de me nommer « SURVIVANTE » un mot que j’ai croisé souvent sur ce site et qui à mon sens donne tout pouvoir à ceux qui nous ont fait souffrir. Je préfère me dire « COMBATTANTE » car survivre n’est pas gagné, l’objectif étant « LA VIE » !!!