Je m'appelle J., j'ai 35 ans et je vis en Suisse. J'ai lu "La première fois j'avais 6 ans" à 2 reprises. Je ne sais pas si ce que j'ai vécu s'appelle de l'inceste.
Quand j'avais 6 ans (décidément ce chiffre est maudit), ma tata, la soeur de ma maman qui a 15 ans de plus que moi, est rentrée dans sa chambre rose où je jouais cet après-midi là. Dans mon souvenir elle avait l'air bizarre, je la revois dans l'encadrement de la porte de sa chambre, ses longs cheveux bruns tombant lui masquant le visage. Elle titube et vient s'assoir au pied du lit. A présent je distingue son visage, elle a une drôle de façon de me regarder. La suite est extrêmement floue mais elle me fait poser mes Barbies, m'allonger sur son lit une place, et là, du pied du lit elle se glisse sous le duvet. Je vois la bosse que fait sa tête avancer, remonter le long du matelas jusqu'à mon entre-jambe. C'est très flou mais elle rigole sous le duvet et me dit d'écarter les jambes. Ça chatouille je ne comprends pas ce qu'il se passe. La suite, j'en ai honte. Elle m'écarte les cuisses, écarte ma culotte de gamine, et commence à me... je n'arrive pas à l'écrire, je m'excuse. Elle me fait ça de plus en plus intensément et ce qui me ronge et me fait honte c'est qu'à un moment donné (mon dieu il faut que ça sorte), ça m'a fait du bien et j'ai eu ce geste que je n'avais pas prévu : j'ai appuyé sur sa tête avec mes mains... La suite, je ne sais plus, combien de temps ça a duré, si elle m'a dit quelque chose après, je ne sais plus.
Ce que je sais c'est que depuis ce jour j'ai été très curieuse de tout ce qui concernait le sexe. J'ai mis des années a comprendre que c'était mal, que ce que ma tata m'avait fait était réservé aux grands, aux amoureux. J'ai senti que c'était bizarre mais je ne comprenais pas la gravité de la chose. Par la suite, sans m'en rendre compte, j'ai envoyé des signaux à ma maman. Elle me retrouvait en train de reproduire la scène que j'avais vécu avec mes Barbies, elle me retrouvait dans la salle de bain à califourchon, un miroir posé par terre pour regarder cette chose (mon intimité) qui avait tant intéressée ma tante : pas de réaction. Vers 8 ans , elle me surprend debout au bord de ma fenêtre de chambre d'enfants prête à sauter dans le vide : pas de réaction. J'ai donc appris que personne ne se souciait de moi et que ce que j'avais subi devait être normal. Il ne fallait pas en parler mais ça devait être normal (logique d'enfant).
Plus tard vers mes 10 ans, ma tante a accouché de ma cousine G.. Quand cette dernière n'a même pas 2 ans, elle montre à ma tante comment son papa lui embrassait la michette, et là branle-bas de combat, réaction immédiate ! A l'audience j'apprendrai, à même pas 13 ans, que mon oncle, le père de ma cousine, rejettait la faute sur moi ! Moi, J., 12 ans et demi, j'aurais fait du mal à ma cousine que j'aimais tant ?! J'oublie aussi un détail : 1 an avant l'audience et pendant 1 an, ma famille m'a utilisée pour "faire parler ma cousine". Au menu, rendez-vous chez des psy, des experts, etc. avec G., des caméras braquées sur moi et ma cousine, et les psy qui me regardaient en me demandant de la faire parler. Du haut de mes même pas 12 ans j'ai dû, pendant 1 an, écouter ma G. expliquer avec ses mots d'enfant ce que mon oncle lui avait fait. On nous a aussi donné des feuilles A4 et des crayons de couleur pour que je fasse dessiner ma cousine : "montre-moi ce que papa t'a fait s'il-te-plaît", "dessine pour moi, montre-moi", et aussi "tu peux le dire si c'est moi qui t'ai touchée, tu peux le dire, je serai pas en colère". Réponse : " NON ! PAS J. ! PAPA! " Mais les psy insistaient pour que je lui repose la question encore et encore. Puisque mon oncle m'accusait d'avoir tripoté ma G. à sa place, il fallait qu'ils soient sur vous, comprenez...
Au bout d'un an et des poussières, on se retrouve au tribunal. Je suis une gamine terrorisée par le juge, les avocats de mon oncle qui essaient de m'embrouiller, et surtout par mon oncle qui me lançait des regards noirs... Verdict : acquitté. Je me souviens encore de la phrase que le juge ou le procureur avait lâchée : "je préfère disculper un coupable que condamner un innocent". En sortant de l'audience, mon oncle m'a regardé et m'a souri de toutes ses dents : je n'avais pas parlé...
Parce que oui, mon brave tonton me tripotait aussi, surtout mes "petits nénés tout petits comme des nectarines"... Une nuit où je dormais chez ma tata et mon oncle (bien avant le scandale), je me souviens que mon oncle s'était levé et m'avait réveillée pour "jouer à la PlayStation avec lui"... A 4 h du matin ? Bon, d'accord. Je suis allée le rejoindre sur la pointe des pieds au salon, pour surtout ne pas réveiller tata... Je ne me souviens plus de rien de cette nuit-là... Que s'est-il passé de plus ? Ma mémoire bloque. Bref, en tout cas, JAMAIS ma famille ne m'a demandé "il a touché G., et toi ? Il t'a touchée, J. ?" Non, moi, on s'en foutait.
Ma cousine a donc dû retourner dormir chez son papounet après l'audience, car "vous comprenez, c'est son père, il a des droits". Je me souviens qu'un soir où elle devait partir dormir chez son père, G., ma cousine âgée de 3 ans et demi environ, hurlait qu'elle ne voulait pas y aller. J'ai donc proposé à ma famille de rester toute la nuit au pied de l'immeuble où vivait mon oncle pour pouvoir intervenir si ma cousine m'appelait par la fenêtre, si son père revenait dans sa chambre pour la toucher... Réponse de ma famille : "d'accord" (j'ai à peine 13 ans, bordel !) Heureusement, ce soir-là ma tante n'accompagnera pas ma G. chez ce salaud. S'en suivront des plaintes de mon oncle contre ma tante, etc, etc. A partir de là j'ai décroché, j'était pré-ado. Ma tante m'avait salie, mon oncle m'avait salie, mais une pensée m'obsédait et me réconfortait : "Ça vaaaaaa... On t'a touchée mais pas pénétrée, donc il ne s'est rien passé, c'est pas si grave".
J'ai 13 ans et demi quand je commence à me réveiller, et c'est aussi à cette époque que je rencontre le futur père de mon fils. Il s'appelle G., il a 18 ans et demi et moi 13, mais c'est pas grave, il m'aime. Alors que je raconte à ma maman que je vais dormir chez C. ma copine d'école, je vais en fait rejoindre mon "homme" à 30 minutes de train de notre petite ville. Ça dure 2 mois et un jour ma maman s'en rend compte. Elle m'appelle alors que je suis dans le train pour rejoindre G.. Elle est très énervée et me dit de rentrer, je refuse. Arrivée au village où vivait G., il appelle ma mère. Verdict au bout de 10 minutes de conversation : "Ok, elle peut rester mais jusqu'à dimanche, donc après-demain, elle rentre." Me voilà donc à 13 ans et demi en train de coucher avec mon copain de 18 ans dans son petit studio. Je me rappelle qu'au moment de se mettre sur moi il m'a encore demandé : "tu es sûre que tu es prête ?" Je n'ai jamais oublié ma réponse qui est sortie toute seule de ma bouche : "Oui, vas-y qu'on en finisse". Dans ma tête de gamine attouchée, le fait de décider où, quand et avec qui j'allais déchirer mon hymen, c'était être sûre qu'on ne pourrait pas me violer... Dans le sens où, si j'avais un rapport avec G. là maintenant, ça me mettrait à l'abri qu'on me vole mon dépucelage... je ne sais pas si c'est très clair. Mon G. a eu toutes les peines du monde à entrer en moi, mes cuisses restaient fermement fermées, je tremblais, il voulait arrêter mais je lui disais de continuer et au bout de peut-être 1 heure, ça y est, il était en moi. Ça fait un peu mal mais c'est nul, je sens rien, pas de plaisir. C'est donc ça, le "vrai sexe" ? C'est naze... mais je fais comme si ça me plaisait et mon G., lui, est aux anges et fou amoureux de moi, sa jeune et excitante copine. Il était trop vieux pour moi G., mais il ne m'a jamais fait mal exprès.
En 2005, à 16 ans et demi je donne naissance à L., mon merveilleux fils. Il naît 5 jours avant mes 17 ans, et les sages-femmes outrées m'en foutent plein la gueule : "c'est pas normal", "c'est pas comme ça qu'on allaite", "tu comprends donc pas ?", "c'est COMME ÇA qu'on fait ci, comme ça qu'on fait ça". Bref, je suis une merde comme mère. Cinq jours après, j'ai 17 ans et je peux rentrer chez nous avec notre bébé. G. et moi vivons chez ma mère d'abord, puis G. trouve un studio, rien que pour nous deux. Je suis, pour la première fois de ma vie, heureuse : mon L. c'est toute ma vie, ma lumière dans mes ténèbres (L. veut dire lumière). Tout va bien durant 4 mois, puis un jour, G. me quitte, il me laisse seule avec L. et je me retrouve contrainte de retourner vivre chez ma mère avec L. en attendant mes 18 ans. J'ai demandé à G. de ne rien dire à l'assistante sociale qui suivait notre dossier. "Ne lui dis rien jusqu'à mes 18 ans, sinon ils m'enlèveront le p'tit". Il est d'accord. Puis un jour, 1 mois avant mes 18 ans, il décide de tout raconter à l'assistante sociale. Résultat : on me retire L. pour le placer en foyer. Je refuse et j'obtiens un rendez-vous avec toutes ces têtes de cons : assistante sociale, psy, et éducateur de la petite enfance. Seule dans un bureau, entourée d'adultes, on me demande de signer un simple document. J'ai 17 ans, je ne comprends pas mais puisqu'on me le demande, je signe. Je viens de signer un placement en foyer à long terme de mon petit garçon. Je suis détruite, sans mon bébé, à quoi je sers ? A rien du tout. Mais je tiens le coup, à 18 ans, on me rendra mon bébé... (pauvre idiote que je suis).
Un soir où j'ai le droit de garder mon fils pour le weekend, ma tante débarque à l'appartement (je vis chez une amie), et elle m'arrache mon bébé des bras et me menace de "m'exploser la gueule" si je tente de revenir chercher mon fils chez elle. Je crie qu'on me vole mon bébé, ma chère tata ne bronche pas, elle embarque mon fils en voiture et s'en va, sans un regard en arrière pour sa nièce, moi, qui hurlait et m'accrochait à la portière de sa voiture. Elle m'a volée mon innocence et maintenant elle vole mon bébé. A partir de ce jour, je deviens une loque et je finis, quelques mois plus tard, au mauvais endroit, au mauvais moment, avec les mauvaises personnes. Jour de la finale de coupe du monde 2006, je fume mon premier alu d'héroïne... Et sans m'en rendre compte j'arrête de me battre pour récupérer mon fils. "Ils le veulent ?! Qu'ils le gardent !!" Voilà ce que la gamine que j'étais se dit à elle-même, l'esprit embué d'héroïne. Aah, la poudre... Elle m'anesthésie, avec elle, je flotte, je ne ressens plus ni peine, ni joie, rien, enfin le néant, je m'y love et n'en ressortirai plus.
J'ai 18 ans et demi, j'ai tout perdu : mon fils, mon copain, notre appartement, et je veux mourir. Une première overdose vers la fin de mes 18 ans. Il y en aura deux, la deuxième me tue durant 2 minutes et il faudra me réanimer. On m'a expliqué (je ne me souviens de rien) que sur mon lit d'hôpital j'hurlais, j'hurlais que j'étais désolée, que j'avais pris du plaisir avec ma tata entre mes jambes, désolée d'être morte durant 2 minutes, désolée de tout... Ma mère est arrivée à l'hôpital, on lui a expliqué que j'avais fait une overdose, que j'avais fait une crise de nerf évoquant un inceste. Réaction de ma mère : rien, aucune. Je suis donc sortie de l'hôpital 4 jours après, évitant miraculeusement l'hôpital psychiatrique. Ma mère m'avait prévenue : on ne dit rien au reste de la famille ! Une toxico juvénile ? Le coeur de mes grands-parents maternels ne le supporterait pas et le chapitre "votre fille a évoqué des attouchements", ma mère ne m'en a jamais parlé... Sous le tapis, les émotions de la junkie !
Un jour tout de même, vers mes 21 ans, je confie à ma mère ce que sa soeur m'a fait : "Il faut pardonner... Vas mettre la table s'il-te-plaît, on va manger"... J'ai compris : elle ne me croit pas ou ne veut pas l'entendre. Car ma tante a beau être 11 ans plus jeune que ma mère, c'est elle qui fait la loi, c'est elle que mes grands-parents ont toujours privilégiée et mise sur un piédestal. Ma mère, elle, c'est la paumée de la fraternité, celle qui a préféré bosser à l'usine plutôt que de faire des études d'employée de commerce, comme tata S.. Ah, S. l'intouchable !... Donc, pendant des années, je me suis fait mille et un films sur la réaction qu'aurait ma mère si je lui avouais tout : elle crie, elle me prend dans ses bras, me réconforte, confronte sa frangine et prend ma défense... Mdr, non, rien de tout ça. Donc je ne parlerai plus jamais de ça à qui que ce soit. Et puis, j'ai peut-être rêvé ? Et après tout, on ne m'a pas violée, donc ça va...
Sauf que l'année de mes 27 ans, mon copain de l'époque, L. D., un homme de 34 ans, véritable armoire à glace d' 1 mètre 90 et 100 kg, décide un soir que de me brosser psychologiquement ne lui suffit plus. En bon pervers narcissique, un soir, il me balance sur le lit double, m'arrache la culotte et sans préambule me pénètre violemment et s'affale de tout son poids sur mon frêle corps taille 34 et 52 kg. En gros, je n'arrive plus à bouger. Il me pilonne de toutes ses forces et mes "non", "stop", "j'ai mal, arrête" sont étouffés sous son poids. J'ai mal à en crever, chaque aller-retour est une souffrance infinie, comme si on me déchirait les entrailles. Ça dure je ne sais combien de temps, une éternité pour moi, jusqu'à ce qu'il éjacule en moi (je ne prennais même pas la pilule car on mettait des capotes). Bref, il me remplit allègrement et se retire. Au moment où il sort de moi, la douleur se fait si forte que j'en perds connaissance. A mon réveil, il est 7 heures du matin, L. doit aller bosser, il m'embrasse sur le front et s'en va, me laissant pliée en deux sur le lit. Je dois aussi aller bosser, donc au prix d'une épouvantable douleur je me lève et vais bosser. [...] Les 3 jours suivants, L. ne m'a plus donné de nouvelles et restant seule chez moi, j'ai tenu 3 jours avant de me résigner à aller l'hôpital tant je souffrais. Verdict du gynécologue de garde ce jour-là : "Hémorragie interne massive". [...] Trois jours plus tard je retourne à l'hôpital pour un contrôle et c'est un autre homme gynéco qui m'ausculte : l'hémorragie interne est quasiment résorbée. C'est réglé, pas un seul mot ni question... Je rentre chez moi, je tente de joindre L., mon "amoureux", il décroche et me hurle qu'il est au taff et que je l'emmerde et raccroche. Je me tais donc et le lendemain je décide de retourner bosser, sauf qu'en descendant du train qui m'amène au bled où je bosse, je ne me dirige pas vers la sortie de la petite gare. Comme un robot, je pénètre dans le tunnel ferroviaire qui traverse la montagne, il fait froid et tout noir, et tel un robot je me positionne au centre du tunnel juste après un virage et j'attends. J'attends le train, j'attends la mort, ma mort, ma délivrance. Les minutes s'écoulent et soudain j'entends le train arriver, les rails tremblent, le bruit assourdissant. La suite va paraître cliché mais je jure que c'est vrai. Au dernier moment, voyant le train m'arriver dessus, je vois le visage de L., mon fils de presque 10 ans, et d'instinct je me colle contre les parois du tunnel, le train me frôlant le dos à pleine vitesse. Je ne suis pas morte. [...]
Bref, maintenant on est en 2023, j'ai 35 ans, mon fils L. a eu 18 ans. Je n'ai jamais réussi à le sortir du foyer. J'ai être présente, les weekends, les vacances, il venait à la maison mais mon instinct maternel avait presque disparu quand on m'a privée de lui. J'aimais mon fils, attention, mais être mère à temps plein je n'en étais plus capable. Ma toxicomanie est toujours présente, je suis sous méthadone depuis 17 ans, et je n'arrive pas à m'en sevrer. L'héroïne, je n'y touche plus comme avant, je rechute une fois tous les deux ou trois mois environ. Je n'y arrive pas. Depuis L., je n' ai plus eu de copain ni de relation sexuelle. Je ne me touche même plus. Je n'ai plus aucun désir. Ma tante, mon oncle et L. m'ont tuée. C'est une morte-vivante qui vient de vous raconter son histoire, de manière décousue et mal, mais sincèrement. Je ne sais toujours pas si "inceste" convient pour mon histoire. En tout cas, viol et abandon, ça oui.