Cela fait presque deux ans que je fréquente le site et pourtant, jusque là je n'avais pas osé écrire mon histoire. Je n'osais pas car il s'agissait d'un inceste sans souvenir et tout cela était tellement confu dans mon esprit. Je ne savais que croire. Etait-ce vrai ? Etait-ce un fantasme ? Aujourd'hui, les choses sont plus claires. Bien que mon père n'est rien avoué, il s'est trahi plusieurs fois par son attitude.
Tout commence pendant l'été 1998. Je vais mal et cela fait bien des années que cela dure. Mais je ne comprend pas ce qui ne va pas. Je ne suis pas attiré par les filles (j'ai alors 24 ans) et ma vie ne va nulle part. C'est pendant un séjour pour enfants sur lequel je suis animateur que tout bascule. En effet, je ressens alors une forte attirance sexuelle pour un garçon de 11 ans. Heureusement je n'ai pas pu le toucher, lui faire du mal, mais dans ma tête une brèche s'est ouverte. Mon attitude me vaut tout de même d'être renvoyé de l'organisation et d'être convoqué à la DDJS et de faire l'objet d'une enquête administrative. Le monde s'effondre autour de moi. Qui suis-je ? Que m'arrive-t-il ?
Deux années se passent pendant lesquelles je suis au bord du suicide. Je me réfugie dans les études que je réussi brillament mais je n'ai plus envie de rien sinon mourir. Et c'est là que je fais une chose qui me sauve la vie: je contacte les parents du gamin en question et leur demande s'ils peuvent m'aider. A ma grande surprise, ils acceptent et très vite, nous nous rencontrons. Le plus incroyable, c'est qu'ils me pardonnent d'avoir plus ou moins entraîné leur enfant dans ma problématique. Ils veulent que je m'en sorte que je me batte pour comprendre ce qu'il m'arrive. Ils me conseillent d'aller voir un psy qu'ils connaissent bien. C'est la première fois que quelqu'un s'intéresse à moi, se conduit avec moi comme l'auraient fait des parents normaux !
Rendez-vous est pris chez le psy. Les premières séances se passent bien. Je me sens écouté, soutenu. Mais pendant des mois (1 an et demi) il ne se passe rien de véritablement intéressant. J'ai la sensation de tourner autour du pot sans arriver à toucher du doigt ce qui me fait souffrir. Je réalise que tout les sujets que j'aborde ne peuvent avoir qu'une incidence mineure sur ce que je vis. L'essentiel est ailleurs. Mais où ? Mais quoi ?
Un beau jour, je réalise que j'ai un trou noir dans ma mémoire. Un trou noir concernant deux années complète (CE1-Ce2). Je peux me souvenir de bien des choses, y compris en maternelle, mais concernant ces deux années, rien ne vient. En fait je suis alors prêt pour vivre une véritable descente aux enfers.
Décembre 2001. Ma mémoire s'ouvre. J'ai des flashs éveillé. Des images, des souvenirs plus physiques me reviennent. Je vois mon père s'approcher de moi, je le vois me caresser le sexe, me caresser les fesses. Je me revois avec lui dans la douche. Je le sens me pénétrer, me faire mal. Une seule idée me remplit la tête: ne pas crier, ne pas crier !
Rein ne va plus, je vais me faire du mal. J'en parle au psy qui me met immédiatemment sous antidépresseurs. Ca va tellement mal qu'il commence à entreprendre les formalités pour me faire admettre en clinique.
Je parle, pour la première fois je parle. J'ai l'impression de savoir enfin qui je suis mais le prix à payer est trop élevé pour moi. Je n'en peux plus. Je m'effondre. Finalement, le psy décide de ne pas m'envoyer en clinique. Il est peut être possible de s'en passer. Il me conseille de rappeler les parents du gamin et là c'est le quasi miracle. Ils acceptent quasiment de jouer le rôle de parents de substitution. On se voit souvent et ils me donnent beaucoup d'amour. Grâce à eux, je commence à remonter la pente, mais le calvaire est loin d'être fini.
L'étape suivante, c'est en juin 2002, pour la fête des pères. J'ai décidé de tout faire éclater lors d'une réunion de famille (mon père, ma mère, mon petit frère et moi). C'est très dur mais je sens immédiatement que j'ai fait ce qu'il fallait. Je ne suis plus seul à porter ça. C'est désormais l'affaire de la famille toute entière.
Trois mois plus tard, je me décide à porter plainte. Là encore, c'est l'horreur, même si la police me soutient et m'aide dans ma démarche. La confrontation est sans doute l'épreuve la plus difficile du processus. Mon père nie en bloc, m'accable, crache toute sa haine pour ma mère et sa famille. Excédé, je balance à la police que mon oncle paternel a également eu des problèmes de pédophilie (c'est ma mère qui me l'a appris). Rien n'y fait, mon père ne démord pas de sa position. Ma plainte est classée sans suite. Je suis dégouté.
Depuis que j'ai parlé de l'inceste, je sais qui je suis, mais je vais toujours très mal. Il me faudra encore de nombreux mois pour me libérer de ma culpabilité et pour dire que j'ai sûrement ressenti du plaisir lors des attouchements. Et puis il y a le rôle joué par ma mère dans toute cette histoire! Il est possible qu'elle ne se soit pas rendu compte qu'il y avait eu inceste (j'ai du mal à le croire, elle est psy pour enfants, après tout, mais bon...) mais elle n'a pas pu ignorer que mon père s'acharnait sur moi pendant toutes ces années. Il avait de la haine pour moi et il me détruisait. J'étais la petite merde de la famille alors que mon petit frère était une réussite. Pour tout cela, je lui en voulais.
J'ai donc décidé de m'éloigner d'elle (ça, c'est tout frais) et je pense que j'ai pris la bonne décision même si j'ai peur qu'elle se suicide. Il faut dire qu'elle a toujours eu tendance à me faire porter sa croix. Deux croix à porter quand on est victime d'inceste, c'est lourd à porter!
Aujourd'hui ma vie est toujours aussi difficile. Je n'ai pas d'envies. Mon corps me dégoûte. Je n'ai aucune attirance pour les femmes, ni pour les hommes d'ailleurs. Un jour sur deux, j'ai envie d'en finir. Je n'ai aucune vie affective, pas de vie sexuelle. J'ai peu d'amis (la plupart ayant pris la fuite quand je leur ai révélé ce qui m'arrivait). Je ne sais toujours pas si j'arriverai à m'en sortir. Je navigue à vue, je ne sais pas où je vais. C'est toujours les ténebres autour de moi.