Mon voyage
vers un réapprentissage de la vie
J’ai 23 ans. J’ai atteint le monde adulte avant l’heure, par l’abus sexuel de mon père sur ma personne quand j’étais enfant, aux alentours de 10-12 ans. Je ne sais pas pendant combien de temps ni vraiment quel âge j’avais. Je pense que c’est cette perte de mémoire spécifique qui est la plus difficile pour moi, et qui modifie mes souvenirs, atténue les faits, m’empêche de savoir jusqu’où l’abus est allé. Elle me fait même parfois douter de ma santé mentale et que les faits ne se soient jamais produits en réalité.
J’ai parlé pour la première fois de l’inceste que j’ai subi il y a maintenant un peu moins de deux ans, à une très bonne amie, en soirée (alcoolisée bien évidemment...) Elle a déclenché mon aveu en parlant d’une histoire similaire sur des amies à elle. Ce n’étais pas prévu. Je l’ai ensuite dit à ma colocataire, le lendemain. C’en est ensuivi six mois de vie hyper active qui m’ont empêchée de penser à ce que j’avais enfoui et dissimulé pendant si longtemps et qui était finalement sorti au grand jour, par hasard. Je ne remercierai jamais assez cette amie de m’avoir permis de confronter autrement que dans ma propre tête mon histoire d’inceste par mon père. La première déclaration en août 2017, je commence vraiment à me pencher sur le sujet en février 2018 et en parle à ma troisième colocataire, puis à un ami, et à un autre, jusqu’à ce que je me sente suffisamment confiante et décide enfin d’aller chez un psychologue en avril 2018. J’ai beaucoup avancé pendant cette année scolaire 2017-2018, horrible et merveilleuse année où j’ai tout donné, où j’ai pleuré comme je l’avais rarement fait.
J’ai l’impression d’être devenue beaucoup plus émotive depuis ce moment-là. Puis après quelques séances d’EMDR, j’ai l’impression d’avoir tiré ce que j’ai pu et j’arrête donc les séances parce que d’1, ça coûte un bras, 2, ça ressasse des mauvais souvenirs plus que ça ne me guérit et me retient donc d’avancer, et 3, j’ai raté mon dernier rendez-vous avant les vacances d’été ce qui fait que je n’ai pas de rendez-vous pour la suite et me donne une parfaite excuse pour arrêter. Cette année catastrophique, m’a énormément fait avancer mentalement et spirituellement. Depuis, j’ai reparlé de mon histoire à quelques autres amis et je suis maintenant dans la phase de réflexion pour programmer la prochaine étape : en parler, oui mais quand et comment? Est-ce même nécessaire ?
Abandonner ma famille n’est pas une option : j’ai deux grands frères et deux petites sœurs. Pour mes petites sœurs je me suis déjà trituré l’esprit pour savoir s’il y avait une possibilité qu’il leur soit arrivé la même chose, mais je doute : les conditions n’étaient parfaites que pour moi, puis elle ont un comportement complètement différent à l’encontre de mon père, sans restreintes et beaucoup plus ouvert. Et j’ai demandé récemment à la plus petite, sous prétexte d’avoir récemment entendu une conférence sur l’inceste, si elle savait ce que c’était et si elle avait déjà été confronté à cela : la réponse fut négative à mon grand soulagement. Mais il est vrai que c’est un sujet qui me torture l’esprit continuellement. J’attends pour le moment que chacune de mes sœurs et bien entamé ses études avant d’en parler. Je ne sais pas si c’est la chose à faire mais pour l’instant c’est ce que je me suis dit de faire.
Merci de m’avoir lue, c’est la première fois que je témoigne sur un site internet.