Ce matin, j’ai eu le courage de retourner sur les lieux de mes premiers souvenirs. Les volets du fameux salon étaient clos mais les barreaux du rez-de-chaussée n’y sont plus, plus de barreaux ; plus de bourreaux dans cette maison.
Tu m’as touché dans le fauteuil marron en velours, touché sans t’arrêter, pour l’instant c’est le seul souvenir dans le salon. Je dormais au pied de votre lit, vous me montriez déjà des photos de nudité sur les romans cachés dans la table de nuit, j’avais 6 ans. La douleur était forte devant ce lieu d’horreur, si forte, si intense que j’ai dû contourner le trottoir avant de pouvoir enfin m’arrêter devant, prendre une photo comme pour immortaliser ce moment, le début du combat, le chemin vers la guérison.
J’ai grandi avec un accès libre à toute pornographie, pas celle qu’un adolescent recherche pour découvrir son corps et répondre à ses questions : NON !!! J’étais un enfant lorsque tu me montrais des images vulgaires, sales, extrêmes. Combien de fois tu m’as montré ces deux livres dans le tiroir de droite du buffet de la salle à manger, combien de fois ils traînaient au-dessus du buffet quand j’étais présent. Aujourd’hui je pense que me montrer ces choses était encore plus atroce que de la bestialité. Ma femme me disait qu’on est sur la base de la pyramide de Maslow, je pense qu’on est même en dessous de cette base, en dehors de la pyramide. Les animaux se reproduisent pour assouvir leurs besoins naturels, physiologiques, toi tu me montrais des horreurs pour ton plaisir, je peux encore aujourd’hui, 40 ans après, me rappeler des photos que j’ai vues.
Je n’étais pas certain de mes souvenirs, mais j’ai demandé à ma sœur la confirmation sur ces « fameux » premiers samedis du mois. Le samedi soir après un repas tous ensemble les familles normales discutent, rient, se prennent la tête sur des sujets politiques ou religieux, font des jeux de sociétés, regardent des émissions, des films. Dans ma famille, on regardait des films tous en famille, des films pornographiques avec dans le canapé des parents d’une quarantaine d’années, leurs deux filles de 17 et 20 ans, leurs petits copains et moi, au milieu de toutes ces horreurs. Pourquoi personne ne m’a protégé de tout ça, pourquoi personne n’a réagi? On ne regarde pas ce genre de film avec ses enfants surtout quand le dernier a 12 ans. J'AI HONTE DE FAIRE PARTIE DE CETTE FAMILLE!!!!