Personne ne sait
Personne ne sait et personne ne comprend.
Même les gens à qui j’en ai parlé semblent l’oublier. Alors quand j’ai mal au point de ne pas pouvoir mettre de mots, qu’ils me demandent pourquoi je pleure, je suis plus seule que jamais. Désespérément seule. Ils ont oublié car c’est plus simple, car ça fait moins mal que de se confronter à la réalité. Mais dans ces moments-là je les hais. Ils ne comprennent pas le prix que j’ai payé pour leur en parler, l’angoisse de l’évoquer, la panique, la peur, la douleur, la honte.
Ils me préfèrent quand je fais comme si de rien n’était ils préfèrent le masque, l’illusion du moi plutôt que le vrai moi. Même mon compagnon depuis plus de 10 ans est comme ça.
Même ma psy semble écouter sans entendre, essayant absolument de faire rentrer mon cas dans une case prédéfinie, ignorant ce qui ne correspond pas à la case et extrapolant ce qui permet d’y correspondre. Alors je porte le masque nuits et jours et quand je suis fatiguée je me mets en mode off. Je me déconnecte complétement de moi-même.
De temps en temps la douleur revient quand je ne peux plus l’ignorer la contenir, plus puissante que jamais elle ravage tout en moi : mon corps mon esprit. les larmes coulent à l’intérieur de moi faute de pouvoir couler à l’extérieur, les angoisses apparaissent : peur des autres, sensation de vulnérabilité, j’ai même l’impression que mon corps devient plus léger comme inconsistant. Je n’ai ni force ni envie, juste cette sensation de tristesse infinie (comme un deuil éternel). Puis vient le dégout de moi, cette envie de me détruire, ne pas être belle, mais aussi l’impression que je mérite cette souffrance que je n’ai pas le droit de m’y soustraire. Mon cerveau travaille bien dans ces moments-là imaginant tout un tas de tortures infligées par les autres ou par moi-même (viols passage à tabac, ou encore m’enfoncer des piques dans le corps , m’arracher la peau du visage, me pendre). Jusqu’à maintenant je ne les ai pas concrétisées, me contentant de me priver de sommeil et de nourriture dans ces périodes.
Tout ça n’a pas de sens mais je n’ai pas trouvé d’autres façons de survivre. Car je survis je ne vis pas, je tente désespérément de garder la tête hors de l’eau mais chaque jour semble plus dur que le précédent, surement parce qu’il est difficile de maintenir l’illusion de la normalité. Je m’épuise à me débattre avec moi-même avec ses sensations qui m’envahissent, me dévorent me tuent ; Je vis loin de mon agresseur, pourtant j’ai l’impression qu’il vit encore en moi, me torture quotidiennement, m’asphyxie constamment, m’obligeant encore et encore à lutter pour survivre.
Je ne vois pas de sortie, tunnel infini plongé dans un noir d’encre, je me cogne au mur constamment rajoutant à mes blessures. J’avance sans savoir si je me dirige dans la bonne direction, m’épuisant un peu plus chaque jour sans avoir pour autant plus d’espoir.
Tu as le droit de t'abandonner à tous ces sentiments, à saigner de cette souffrance intolérable ; tu as le droit de ne pas nier ton expérience ni tes émotions, parce qu'elles sont le socle de ta vie, et ta force. Moi aussi je traverse ce que tu décris - mais je perçois, suite à un travail thérapeutique de très longue haleine, que quelque chose me porte et m'a portée malgré tout. Quelque chose de bien plus puissant que la "volonté" ou la "force morale" qu'on nous envoie si souvent, si promptement à la figure, avec toute la morgue des cyniques qui ne veulent pas que les autres soient heureux, puisqu'eux ont fait le deuil de cet espoir, plus qu'un espoir : un élan vital.
C'est dans le souffle, c'est dans l'intensité d'une émotion ou d'un sentiment, un émerveillement, même fugaces... Une vibration que l'on perçoit. Et c'est là, et ça veut remonter et envahir tout le corps, et oui, oui, tu as le droit à ça... Et cela viendra.
Courage, courage, petite ou grande soeur...
Bonjour et bravo pour ton courage, de venir poster ce message. J'y retrouve tellement de choses que je ressentais avant en permanence. Aujourd'hui, je fais un travail thérapeutique qui m'aide à comprendre les situations qui réveillent les traumatismes inconscients de l'inceste et à les libérer. J'ai aussi découvert l'art-thérapie et le processus d'expression artistique m'aide beaucoup à me réconcilier avec moi-même. As-tu déjà essayé ? Tu n'es pas seule, ce forum et cette association en sont la preuve ! Courage, et surtout ne te juge pas pour ce que tu ressens, ce que tu penses. Le regard des autres et ce qu'ils peuvent penser ou dire leur appartient. Tu as vécu ce que tu as vécu, et il est très difficile (impossible?) pour des personnes extérieures, même quand elles t'aiment, de comprendre et de reconnaître ta souffrance. Mais, ici, sur ce forum, nous te comprenons ! Bon courage et surtout, poursuit ton travail et reste en contact avec cette belle communauté de l'Aivi :-)
merci pour tes encouragements
Comme je te comprend...en te lisant j'avais l'impression de me reconnaître. Je comprends ce que tu ressens, cette solitude très pesante, qui envahis ton âme. Je la ressens tous les jours et je lutte contre. Penses que tu n'es pas seule, nous sommes nombreux(ses) dans ce cas. Tu es forte et courageuse puisque tu es toujours là et que tu te bats.Mon compagnon agit comme le tien, quand je suis dans mes jours sombres il n'essaie pas de me comprendre et s'énerve...malgré tout il est là pour moi et m'aide d'une autre façon.Je crois que nos compagnons ne savent pas toujours comment nous aider, et se sentent parfois inutiles face à nos douleurs.
Quand tu dis que tu survis et que tu ne vis pas je l'ai ressenti durant longtemps.Tu écris que parfois tu ne manges pas, fais attention...à une époque je le faisais et j'avais les nerfs encore plus à vif, protège toi et respecte ton corps, ne t'inflige pas une souffrance inutile. Tu as déjà bien assez souffert non? restes forte, bisou