Pourtant je l'aime
toujours...
Ca a commencé j'avais environ 7 ans. Lui 10. J'avais ma chambre, lui la partageait avec mon petit frère. Un soir, il est venu pendant que mes parents regardaient la tv, il voulait me montrer "comment font les adultes". Au début c'était des caresses, toutes les semaines, puis un jour, il a voulu me pénétrer, ça n'a pas marché. Alors qu'avant mon amour pour lui me faisait l'excuser, j'ai été choquée. J'osais pas lui dire Non. Ca a duré environ 6 mois. Et j'ai réussi à le faire grâce à mon petit frère... Grâce aux vacances, et à la chambre qu'on partageait tous les 3. J'avais enfin une excuse pour lui dire Non ("on pourrait le réveiller et il raconterait tout!"), et après quelques essais, il a enfin arrêté.
Puis l'année d'après j'avais toujours aussi peur qu'il recommence, alors, je me suis réfugiée dans un monde imaginaire, si grand, si étendu, que j'ai oublié la douleur et la peur... Il n'a jamais retenté, et on en a jamais reparlé...
A 15 ans, une prof, me montrant les bienfaits du monde réel, m'a sorti de mon imaginaire... Et là, je suis tombée en dépression, et c'est que 9 ans plus tard que j'ai compris d'où elle venait. A l'époque, je l'attribuais à l'arrêt de mon groupe artistique, lieu qui me protégeait du harcèlement scolaire que je subissais à l'époque. A 20 ans, je suis devenue Schizophrène. Sans doute à cause de la dépression mal soignée, de mauvais choix... Puis l'année d'après, j'ai parlé de mon inceste à une amie, qui m'a convaincue de briser l'abcès avec mon grand frère, ce que j'ai fait, avec des pincettes.
Et là, l'inattendu : je croyais qu'il nierait, me rejetterait la faute... Au contraire, il m'a reconnue en tant que victime, m'a demandé de lui pardonner, m'a dit regretter cette période surtout quand il m'a vu devenir dépressive, qu'il ne savait même pas pourquoi il l'a fait... Ca m'a fait tellement de bien ! Même si on ne peut pas effacer les conséquences : mon vaginisme, mon incapacité à garder une relation jusqu'à la première fois, à n'attirer que des hommes assez sourds à mes désirs pour me violer, ma dépression... Je crois que je commence à tourner la page... Il avait une circonstance atténuante : notre situation familiale, si nocive, toxique, ou ça ne parait pas farfelu de penser qu'elle l'a poussé à l'acte. Quand on apprend à un enfant qu'il faut dominer, écraser, détruire l'autre pour être, c'est presque pas étonnant que ça le pousse à commettre des actes violents, répréhensibles.
Voilà, le plus dur de cette période, au final, ça a été l'amour. Il m'a fait du mal, m'a volé une part de mon innocence, mais pourtant, je l'ai toujours aimé. Même si à cette fameuse période c'était de l'amour toxique. Aujourd'hui, c'est un homme bien, il suit le bon chemin, alors, je vous écris ce témoignage anonyme comme notre petit secret. La seule condition qui me ferait le poursuivre en justice, c'est si j'apprend qu'il a recommencé. Là, sa vie est tellement bien, je ne veux pas la briser, on a la chance d'avoir maintenant tout le temps de nous reconstruire. On est devenu deux anges gardiens, presque des pros de la bienveillance.
L'amour et la bienveillance nous ont guéris.