Je suis née dans l'est de la France à la fin des années 90.
J'ai actuellement 29 ans. Mon histoire remonte à mes cinq ans, peut-être avant, mes souvenirs de cette époque sont extrêmement flou, à part les flashs dont je parlerai plus tard. Lorsque j'étais une petite fille, j'ai subi des viols de la part de mon grand-père paternel alors âgé d'environ 70 ans. Nous habitions dans le même village de campagne et mes parents, mon frère et moi allions souvent visiter mes grands-parents paternels. Quand les agressions sexuelles ont commencé, je n'avais absolument aucune idée de ce qu'il était en train de se passer, mais au fond de moi je savais qu'il y avait un problème. Chaque fois que nous visitions mes grands-parents, ou que je restais dormir chez eux, la même chose arrivait. Mon grand-père trouvait systématiquement une parade pour avoir accès à mes parties intimes en toute discrétion.
Au début, lorsque ma grand-mère faisait la cuisine, il me demandait de venir s'asseoir sur le canapé avec lui. Il prenait ma main pour la mettre dans sa poche et m'incitait à le masturber. Puis, petit à petit, cela n'a plus suffi. Il a dès lors commencé à me pénétrer avec ses doigts. Cela faisait très mal et je le revois encore se lécher les doigts avant de les introduire dans mon vagin. Il faisait cela plusieurs fois par semaine, à chaque visite. Un jour, lors d'un repas de famille où nous étions environ 10 membres à table, il a eu l'audace, moi sur ses genoux, de m'introduire deux doigts dans le vagin par dessous la nappe de la table. J'ai, comme à chaque fois, eu très mal et ai poussé un petit cri. Mon père me demanda alors ce qui n'allait pas. Prise de panique, j'ai répondu que je m'étais cognée la cheville avec le pied de la table. Cela a continué pendant des années, de mes 5 ans jusqu'à mes 12 ans environ.
Il est alors devenu, pendant ces années, de plus en plus destructeur. Il me pénétrait encore et encore avec ses doigts, venait me laver dans la salle de bain en me demandant de me mettre nue avec lui pour être plus confortable. Jusqu'au jour où, prétextant vouloir me lire une histoire dans la chambre à l'étage, ce n'était plus ses doigts que je sentais mais son sexe, lui levant mes jambes de petite fille vers le haut. Il camouflait toutes ces horreurs derrière un soi-disant amour. Il n'avait de cesse de me dire qu'il m'aimait et même, qu'il aurait aimé se marier à moi. Il me demandait, par amour, de mettre des jupes et non des pantalons pour avoir un accès facilité à mon sexe. Ce que je faisais. C'était également un secret entre nous, comme il me le rappelait à chaque fois.
À mon arrivée au collège, tout s'est subitement arrêté. J'ai pourtant continué ma descente aux enfers. J'étais réservée, très peu confiante et mon adolescence a été rythmée par des phases de colère, d'angoisse et de dépression. À cet époque, je ne comprenais toujours pas ce qu'il s'était passé, mais je savais que ce qui m'était arrivé était innommable. J'ai tout gardé pour moi, rongée par la culpabilité et par la honte. Je faisais à cette époque régulièrement des crises d'angoisse, je me paralysais et me scarifiais en secret. Depuis mes 18 ans, j'ai commencé une thérapie et ai un gros suivi médicamenteux.
Quelques années plus tard, nous sommes en 2021 et j'ai alors 24 ans. Depuis quelques temps, le besoin de parler devient de plus en plus urgent pour moi. Mes parents habitant toujours dans l'est de la France, je prétexte un week-end de libre pour aller les voir en train. Le moment de déjeuner a été pour moi extrêmement difficile. La boule au ventre, je demande à mes parents de s'asseoir, ils commencent à s'inquiéter et là, je leur dis tout en sanglotant. Ils m'ont crue immédiatement. Le choc était tellement intense que mon père n'a pas pu s'empêcher d'aller confronter son père, ce qu'il n'aurait peut-être pas dû faire sur le moment, mais les émotions étaient tellement intenses que nous étions tous à fleur de peau. Lors de cette confrontation, mon agresseur a absolument tout nié et m'a par ailleurs taxée de menteuse. Mon père est alors revenu en pleurs et nous sommes restés ensemble pour en parler. Puis, dans l'après-midi, nous avons reçu un appel de la police, mon grand-père s'était suicidé.
Je n'ai jamais pu avoir justice pour cet immense traumatisme et n'ai jamais été reconnue comme victime. Les séquelles à long terme sont désastreuses, dépressions sévères, désir de mort, perte de confiance, douleurs internes et psychiques insoutenables, difficulté à travailler, à avoir des rapports sexuels, à aimer et j'en passe. Je finirai mon témoignage en disant que l'inceste et la pédocriminalité détruisent une vie, les flashs, les souvenirs, même flous, les cauchemars, les odeurs, le toucher, etc. Tout cela participe à faire ressurgir la douleur, la culpabilité, la haine de soi et la blessure infligée par un adulte sur une petite fille. Le combat est très difficile, il demande une reconstruction totale. Nous, victimes, devons vivre avec ce fardeau jusqu'à la fin. C'est comme une mort qui se diffuse et qui ne s'oubliera jamais.