Quand mon grand-père est tombé malade, d'un cancer, les premiers souvenirs sont revenus, flous, des flashs. Je ne savais pas ce que c'était, je ne comprenais pas. J'avais 16 ans quand c'est revenu.
Des détails qui me permettaient enfin de mettre un mot sur ce qu'il m'était arrivé sont revenus seulement au moment où le cancer s'est accéléré et qu'il était dans ce lit d'hôpital dans ses derniers moments. La dernière fois que je l'ai vu, il a dit ces mots "J'attends la fin, Marie comprendra". Il est décédé une semaine après. Depuis, je me bats contre mes souvenirs, pour arriver à en savoir plus, pour comprendre tout ce qu'il m'est arrivé. C'est tout ce qu'il reste, jamais je ne pourrai entendre de sa bouche la confirmation. Il n'y a que moi, mes paroles, et ces flashs, ces souvenirs, ces odeurs, ces bruits, ces sensations.
J'ai commencé à en parler à ma famille, mais le chemin est long. Le silence règne, la communication reste de surface, et surtout, avant que je ne leur parle, ma famille avait tendance à l'idolâtrer. J'arrive seulement maintenant, 10 ans après mes premiers souvenirs, à avoir plus de pièces au puzzle, une certaine chronologie.
Mon grand-père a abusé de moi de l'âge de 4 ans à l'âge de 7 ans, et encore d'après ce dont je me souviens. Et je sens que j'ai encore beaucoup à découvrir. Il a pris une partie de moi, je n'arrive pas à avoir de relation, ou alors je rencontre des personnes toxiques. Je répète ce schéma de manipulation et d'abus. J'ai maintenant envie de sortir de ce brouillard et enfin me sentir définitivement victime d'inceste.