J'ai 8 ans quand tout commence. Ou c'est en tout cas l'âge que j'avais selon mon cousin lors de ses aveux privés. À chaque vacance les attouchements ou viols étaient subis. Jusqu'à mes 17 ans.
J'ai pu en parler à mes amis dès l'adolescence mais ma volonté d'être aidé n'avait pas pris en compte leur jeune âge. Le problème était trop lourd pour eux et ma résistance trop forte, car parler demande un grand courage que je n'avais pas à l'époque. J'ai 20 ans, ou presque, quand j'en parle à mes parents. Ils étaient anéantis. J'ai passé plus de temps à les réconforter ainsi que ma soeur qu'à être épaulée et rassurée. J'ai raconté. Le temps de le faire j'étais hors de mon corps, j'utilisais des mots impossible à prononcer. "viol", le voir écrit me donne encore envie de vomir.
J'ai 25 ans aujourd'hui. Tous mes proches connaissent mon parcours. Mes beaux-enfants aussi, il n'y a pas d'âge pour en parler, juste des mots qu'on modifie selon les capacité de nos auditeurs. Il fallait bien expliquer mes crises de larmes, mes phobies, mon incapacité à aider mon jeune beau-fils lors de sa douche, expliquer pourquoi je ne pouvais pas me lever la nuit pour venir les voir ou pourquoi me faire réveiller la nuit déclenchait des peurs immenses.
J'ai 25 ans. Ma vie sexuelle est plus que difficile. Mon désir est aussi fort que ma peur, mon amour pour mon conjoint aussi fort que ma haine de moi. Je hais être une femme, une femme n'est qu'un trou. Aujourd'hui je me bat pour moi-même, pour rester joyeuse (car oui, je le suis énormément). Je me bat pour faire aboutir mes projets. Aujourd'hui ma plainte n'a toujours rien donné mais moi j'avance et je n'ai plus besoin de la justice pour me dire qu'il n'avait pas le droit. Je ne peux pas m'accuser de ce qui s'est passé, comme je n'accuserai aucun enfant victime d'inceste. Ma colère est toujours là, bien au fond de mon estomac, m'empêchant parfois de dormir. Je ne la laisse pas m'empêcher d'avancer. Alors j'avance. Avec mes chutes et mes bagages. J'avance.