Tout a commencé lorsque j'avais environ 6 ans, dans la chambre que je partageais avec ma soeur (de 8 ans mon aînée), c'atait le matin, l'heure pour elle de se préparer pour aller au collège, j'étais encore imbibée de sommeil mais quelque chose n'allait pas, à travers la porte j'entendais des sanglots étouffés, une supplication "Arrête papa, s'il te plaît", des mots à peine soufflés, emplis de peur et de doute ; je ne comprenait pas...Etait-ce un jeu ? Aurait-elle commis une bêtise ?
Je ne savais pas si j'étais en train de rêver, ou si quelque chose, n'allait pas.
Depuis longtemps déjà j'avais des terreurs nocturnes et je n'osais pas me lever
lorsque la nuit était encore noire...Plusieurs fois j'entendis, je me blotissait dans mon lit,
en pensant que mes pires cauchemars se réalisaient, mon père se transformait-il en monstre ?
La difficulté du souvenir m'empêche de comprendre et de réaliser combien de temps
tout cela a-t'il duré et pourquoi je n'ai jamais ouvert cette porte !!
Mais la réponse à mes questions, je l'ai obtenu quelques années plus tard,
vers l'âge de 9 ans, alors que je m'était réfugiée dans le lit de mon père à cause d'un orage
ces petits calins de papa gâteau se sont transformés en étreintes, en caresse
que je ne comprenais pas que je ne voulais pas, mais sa poigne d'homme me
fit vite comprendre que je m'exposais à pire si je résistais. Pas besoin de détail...
Mon innocence est morte à partir de cet instant, et chaque jour qui ont suivis se sont chargés
d'angoisse, de peur, de haine et d'impuissance...Chaque jour ajoutais une pierre
au mur qui me séparait de l'enfance et de ses plaisirs...
Je devins douée pour l'hypocrisie, faire semblant d'aller bien alors que tout va mal
sourire alors que mon coeur est en pleurs. le peu d'innocence que je conservait c'est le petit
ami de ma soeur qui me l'arracha. J'avais 11 ans, je l'avais accompagné dans les bois
environnant la maison pour aller cueillir des mûres et sans savoir comment
ni pourquoi, je me retrouvais allongée dans l'herbe à l'écouter " m'apprendre à
me conduire comme une femme ", puis le geste rejoint la parole. Je m'enfuis mais
la encore je ne parle pas, je m'enferme à l'intérieur de mon petit monde, et je me dis
que tout le monde doit vivre ça...d'un autre côté, je vois bien que le fossé se creuse entre moi
et mes camarades de classe, je regarde la télévision , je lis des journaux et je trouve
un mot à mettre sur mon problème : inceste.
A force de tourner en rond dans mon propre esprit, je me suis mise à vivre en décalage
total avec la réalité, toutes les personnes qui me cotoyaient disait de moi, "Elle !
Elle est toujours dans la lune !" ; qui ne voudrait pas l'être justement dans la lune, loin
de cette terre pleine de vice. C'est à force d'entrendre les autres me dire que j'étais souvent
ailleurs que je me décidais à lâcher quelques mots sur mon problème, tout alla très vite à partir de cet instant.
Je passais successivement devant le conseiller d'éducation, devant l'infirmière, l'assistante sociale, le médecin
- moi qui ne parlais jamais de moi je me trouvais soudainement obligé de me dévoiler à tout le monde
voyant l'embarras dans leurs yeux - puis enfin les gendarmes, une journée entière à la gendarmerie pour témoigner
devant deux hommes qui me posaient des questions toutes plus indiscrètes les unes que les autres
, j'avais l'impression qu'on m'obligeait encore à me déshabiller et qu'on me scrutait dans les moindres détails
histoire de voir combien je valais sur le marché des victimes.
Cette période est encore plus confuse que mon enfance, mon père était en prison et ma mère révélant son vrai visage,
décida que tout était de ma faute, je l'avais provoqué et ma soeur aussi, j'ai vécu deux ans et demi en huis clos avec cette femme
qui m'avait un jour donné la vie, et qui maintenant me traitait de pute...
Faut-il que je précise que j'habitais à la campagne à 50 kilomètres de toute ville
le village le plus proche ne comptait que des amis de mon père, près à le soutenir dans cette épreuve
me regardant comme leur ennemie. Toujours plus profond dans le désespoir...Je me suis mise à espérer le retour de mon père
au moins j'aurais la paix, ma mère se taierait et moi je pourrais vivre un peu tranquille. Grave erreur, un mois après son retour
mon père recommença ses attouchements comme si rien ne s'était passé, je pleurais, il me dit "Je ne recommencerai plus si tu n'aime pas"
Et moi je sens mon coeur mourir, je m'en vais, je ne dis rien, il n'a rien compris...
Je n'ai rien dit à personne de cette récidive et
aujourd'hui je sais que les faits sont révolus.
Je regrette amèrement, parce que ma vie est une succession d'échec,
et que je n'ai jamais réussi à effleurer le bonheur, je regrette parce que
mon silence est devenu ma prison, j'ai perdu des personnes qui m'étaient chères
à cause de ça et je me sens coupable de ne pas avoir été à la hauteur...
Coupable, seule reste cette impression
Témoignage femme: Inceste et mal de vivre
Témoignage
Publié le 21.03.2006