Le désir est là depuis longtemps de tout raconter, de laisser sortir de moi ce que je croyais vouloir oublier à jamais.
Pendant quelques années c’est revenu par flashs. Chaque fois que ça surgissait, je m’empressais de tout « verrouiller » dans ma tête. Je ne voulais même pas m’autoriser à y penser. Je ne voulais pas un instant faire vivre cette réalité. Je croyais que ce serait plus simple de nier ce qui c’était passé.
Et puis, face à certains incidents que j’ai provoqués dans ma vie et que je ne parvenais à expliquer, un médecin, un jour m’a mis sur la piste. Et là, ce fut une avalanche de souvenirs douloureux. Mon propre frère, (le simple fait d’associer ce mot avec lui fait monter le dégoût et la haine en moi) , celui qui devait montrer l’exemple et protéger parce qu’il est plus fort, a profité de toute cette force et de toute sa violence pour faire de moi son objet sexuel. Moi qui avait à l’époque, environ 11 ans.
Et c’est là que j’ai commencé à avoir peur. Peur de rentrer à la maison, peur de m’installer dans ma chambre pour faire mes devoirs, peur que la porte s’ouvre et que ce soit lui, peur de sentir la pointe de son couteau appuyée sur mon cou pour que je ne résiste pas, peur des menaces pour que je ne parle pas, peur de subir encore ses gestes violents, écœurants, peur de ce qu’il me forçait à faire et surtout peur de mourir.
L’émergence de ces souvenirs m’a enfin permis d’en parler à quelqu’un. Je l’ai dit mais je n’ai pas raconté. J’ai fait des allusions mais je n’en ai pas fait le récit détaillé et puis j’ai contacté « ce frère » pour lui dire que je me souvenais.
J’ai cru alors que tout irait mieux. Parce que, je ne peux pas être heureuse pour l’instant, c’est comme si j’étais prisonnière dans une boîte avec une grosse étiquette dessus marqué :
Je ne m’autorise rien, je ne m’apprécie pas, je ne sais pas me rendre aimable, je n’ai pas confiance en moi …etc. La liste est longue et le poids est lourd. Je tente de sauver les apparences évidemment mais au fond je me sens comme une petite fille qui perçoit le monde autour comme un danger et qui n’a personne vers qui se tourner pour la protéger. Il me manque quelque chose pour continuer, peut-être ta consolation, maman…
Et l’idée est là, depuis un moment de tout raconter. Et plus j’y pense, plus les souvenirs sont précis. Des détails me reviennent, ils me font comprendre un peu les incidences de cet inceste sur ma vie. Mais j’ai besoin d’aide. J’ai besoin de l’aide que je n’ai pas pu demander quand j’ai subi. Je pleure souvent ces derniers temps, je n’arrive plus à contenir mes émotions. Ca me submerge totalement, je coule. C’est signe qu’il est temps.
Mais c’est dur de se dévoiler quand on se voit comme quelqu’un de pas bien. Je me sens honteuse, coupable de ne pas avoir dit, salie, pas comme on doit être normalement, pas comme les autres : l’inceste, c’est immoral, ça ne doit pas exister. Alors moi qui l’ai subi, est –ce que je peux être aussi bien que tout le monde ? Est-ce que je peux exister ? Est-ce que je peut être aimée ? Et c’est dur de dire des choses qui font du mal.
Et là j’ai encore envie de me sentir coupable du changement que mon récit va provoquer mais j’en ai assez de souffrir. Que chacun joue son rôle. J’ai besoin d’une épaule pour pleurer. J’ai besoin qu’on sache qui il est.
Il m’a volée quand j’était encore une enfant. Il a pris quelque chose de moi et je n’ai pas pu continué à grandir normalement. La peur, la honte, le silence, la tristesse, l’isolement c’est ce qu’il m’a laissé en échange. Ca m’étouffe ! Aujourd’hui j’en souffre toujours, de plus en plus…A l’aide !
Témoignage femme: la révélation que je dois faire à ma mère
Témoignage
Publié le 01.12.2006