Parler me tue.Chaque fois que j'essaie de parler, je suis détruite. Je me consume à petit feu.
J'ai déjà tué la petite fille que j'étais, la petite fille de 5 ans en chemise de nuit orange qui se sentait sale de faire des trucs avec son frère, de 11 ans son aîné.
Parler a toujours signé mon arrêt de mort.
A 6 ans j'ai montré à un petit garçon de ma famille comment on embrasse lorsqu'on est grand.
Lui ne connaissait pas cette fameuse loi qui régit les secrets, alors il a parlé.
On m'a désigné comme la coupable.Devant ma famille, mon frère m'a torturé pour me faire avouer l'inavouable.Qui t'as appris à faire ça ? criait-il.
Comment faire quand le bourreau vous demande d'avouer qu'il est lui même le coupable.
Parler et il vous tue, ne pas parler et il vous torture..
Pourtant, il m'a bien fallu le crier : " C'est toi ! toi qui me l'as montré "
et là ce ne fut pas un soulagement pour moi, bien au contraire.
Ce fut un éclat de rire général de la part de ma famille...ce qu'elle était capable d'inventer celle-la !
Alors le silence a repris sa place.
Les années ont passé et je me suis attelée à être la meilleure, à me faire une place dans cette société, à être quelqu'un de respectable mais sans jamais être satisfaite tout à fait.Et puis j'ai espéré que mon frère pense que j'avais tout oublié.Ainsi, je pouvais me présentér à ses yeux, non comme la petite fille qui fait des choses sales mais comme l'adulte qui réussit dans la vie.
Aujourd'hui, j'ai 32 ans et je croyais avoir quitté le pays des monstres mais il m'a rattrapé.
Je vis avec un homme depuis 7 ans, une belle histoire d'amour, l'envie d'avoir un enfant est arrivée et l'idée d'en être incapable aussi.
Alors, il y a un an, j'ai décidé de faire une psychanalyse. J'ai tenu bon au départ et je n'ai rien dit de l'indicible, car après tout je m'étais persuadée que c'était bien peu de choses, cela provoquait même le rire...
et puis j'ai compris peu à peu le lien qui unissait ces atrocités et ma peur d'enfanter.
Alors je me suis sentie une pauvre fille, une bien pauvre fille. Moi qui croyait être une guerrière.
A mes désirs d'enfant, mon ami me répondait qu'il ne me sentait pas prête...
La robe de maternité n'était donc pas pour moi, j'ai donc enfilé mes plus beaux décolletés et je suis partie à la recherche de ce sexe qui m'a fait tant de mal.
Je ne suis pas bonne épouse alors je serai bonne pute, qu'on me reconnaisse au moins quelqe chose.
Aujourd'hui, je cours à ma perte. Mon ami me quitte. Il connaît mon histoire, je l'ai mis au courant au fur et à mesure de la psychanalyse...il pense que je m'en sers comme d'une lettre d'excuse.
Une fois de plus on me rit au nez et personne ne vient à mon secours.
A quoi bon parler...cela ne m'attire que des ennuis
.
J'ai ouvert la boîte de Pandore, tous les démons en sortent. Je me consume. Je suis au bord du gouffre.Je me meurs. Je reste et demeure la traînée qu'on a fait de moi. Mes appels à l'aide restent lettres mortes...Bouche fermée, j'aurais dû rester.
Témoignage femmes: de la loi dusilence
Témoignage
Publié le 02.12.2006