Je ne peux pas être moi, je me sens si nulle, et il est si facile de faire semblant d'oublier, semblant d'être quelqu'un d'autre, quelqu'un de bien, qui sache dire non, qui sache ce qu'il veut ou surtout ce qu'il ne veut pas.
Mais le problème, c'est que ça ne marche pas, il est toujours des moments où le moi revient et où je me sens encore plus nulle, plus lâche qu'avant. Il vaut mieux faire semblant, ne pas faire d'histoire, oublier les viols à répétitions, oublier ma vie gâchée.
Le problème, c'est mes enfants. Pour eux, je ne peux plus faire semblant, je dois les mettre en garde et je voudrais qu'ils me comprennent. Mais comment ? Alors que moi-même, je ne comprends pas, alors que moi-même je ne me connais pas. Ma vie s'est arrêtée, ou plutôt je me suis perdue et on m'a perdue quand j'avais dix ans, et j'ai peur de me retrouver. J'ai peur de faire souffrir ceux que j'aime, j'ai peur de faire du mal à mes enfants en leur faisant porter un poids trop lourd, j'ai peur de faire du mal à mes parents qui ne méritent pas ça.
Mais d'un autre côté, huit ans de viols, de sévices de la part d'un homme qui en plus est son frère, comment le taire ? Et que comprendre à ça lorsque cet homme est toujours accueilli comme un roi chez ses parents ? Comment laisser parler le moi sans faire souffrir tout le monde ? Mes parents sont des gens biens, ils sont intelligents, ils savent en partie ce que j'ai vécue et n'en portent pas rigueur à leur fils, c'est peut-être eux qui ont raison, il vaut mieux un fils qui fait ce qu'il veut parce que au moins, lui, il est lui, plutôt qu'une fille qui ne sait pas qui elle est ! N'ont-ils pas raison, est-ce que je n'ai pas cherché ce qui m'est arrivé ?
Et pourquoi en reparler maintenant, dix-huit ans après ? Qu'est-ce que ça va changer ? Rien. En plus, ne dit-on pas qu'il ne faut pas remuer la merde car ça sent mauvais ! Ne vaut-il pas mieux continuer comme ça, faire comme si de rien n'était. Mais comment être sûre que ça ne recommencera pas avec mes enfants ? Le plus simple serait vraiment d'en finir, mais je ne peux pas, que deviendraient mes enfants, qui s'en occuperaient ? Mes parents ? Non, car le roi serait toujours là, alors qui ? Il ne reste que le faux moi.
Pourquoi mes parents ne comprennent-ils pas que ça me fait souffrir de les voir aider leur fils et même pire, de les voir le soutenir en n'importe quelles circonstances ? Et le roi ne se rend-il pas compte du mal qu'il leur fait ? Ou peut-être est-ce moi ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Et pourquoi en vouloir au roi qui ne voulait pas me faire de mal, qui m'aimait, même si cet amour lui était interdit, même si moi je ne voulais pas, même si moi ça me détruisait et me donnait la nausée et le dégoût de tout. Je n'ai pas pu le repousser, je n'ai pas su lui dire non, ce n'est pas bien, tu n'as pas le droit. La faute ne me revient-elle pas ? Franchement, c'est trop compliqué et je n'ai qu'une envie, c'est de tout plaquer, mais même ça, je ne le peux pas !
[i]Aujourd'hui, il a bousillé ma vie, j'espère juste qu'il ne recommence pas avec sa propre fille... j'avoue que j'ai peur. [/i]
C'est aussi une question que je me suis posée des années durant, ses deux enfants ont plus de 20 ans aujourd'hui.
son fils plutôt brillant, indépendant, sa fille plutôt en difficultés scolaires, mais une mère proche : je n'ai jamais osé aborder le sujet de peur de mettre la lumière sur "le passé", sur ce que j'espérais être la seule à avoir subi de mon fr.
Quant à mes petits cousins (puis que l'un de mes cousins a été mon premier agresseur) : sa fille fait médecine spécialité gynécologie... ... ... chacun pensera ce qu'il en veut !
comme ton récit me parle ! comme ce que tu exprimes ressemble trait à trait à ce que je ressens !
vivre avec ces non dits, avec des parents qui dénient : je n'ai plus pu. Difficile, si difficile est la rupture, surtout quand mon fr. lui aussi est dans le déni, me demande des faits, des lieux, ... Mais je ne pouvais plus vivre dans le non dit avec mon mari : ça n'était plus supportable. Pour moi, pour mon fils, pour ma vie de couple, je viens d'exposer la vérité à mes parents et à mon frère. Mon père a fait une volte face en 15 jours, compatissant, puis se laissant prendre au piège des larmes de mon frère.
Alors oui, c'est extrêmement difficile d'avoir tranché ces liens que je maintenais à bouts de bras avec mes parents. Mais mon avenir est là : je ne peux plus accepter de survivre pour garantir la quiétude de quatre personnes.
Prends soin de toi. Ecoute toi. Fais toi confiance. Tu n'as pas besoin de ces toxiques pour exister - bien au contraire !
Le pas ne se franchit pas sans réflexion, sans maturation, sans heurt. Aujourd'hui, quelques semaines après, je me questionne beaucoup, mais j'en arrive toujours à la même conclusion : je devais le faire car j'ai été victime de mon fr. (et d'un de mes cousins) et que mes parents, à aucun moment, ne se sont inquiétés ni ne s'inquiètent de ma santé, à aucun moment ils n'ont été et ne sont là pour remplir leur rôle protecteur de parents.
vois un psychologue (il existe des spécialistes des traumas), viens échanger sur le forum, fais toi ton propre avis sur ce que doit devenir ton chemin, mais surtout ne les laisse pas te faire rentrer dans le déni de ce que tu es et a vécu.
courage, énergie, patience, tendresse, apaisement
bien à toi