Une partie de ma vie
m'échappe
Bonjour. Voilà, comme beaucoup d'entre vous ici, je n'ai presque jamais parlé de ce qui m'est arrivé. Je viens d'une famille à la dérive, pleine de violence. Un père devenu héroïnomane, alcoolique et violent avant même ma naissance car détruit par le suicide de sa soeur. Une Mère enfant dépressive, immature et malsaine. Je suis la benjamine de cette famille et j'ai 2 frères aînés, 2 et 7 ans plus âgés. La violence et la drogue ont été le quotidien de mes frères et le mien aussi jusqu'à mes 3 ans ( en vérité je n'en ai que peu de souvenirs) moment ou mes parents ont divorcé. Mon père ne nous voyait plus car il était dans un état déplorable et ne souhaitai pas nous mettre en danger par sa présence. Il mettra fin à toutes ses addictions quelques années plus tard. Pendant ce temps nous étions à la garde exclusive de ma mère. Suite au divorce, elle a complètement perdu pied et ne voyait que sa propre souffrance, nous oubliant au passage. Elle a commencé à avoir des comportement incestueux moralement, ramenant très souvent des inconnus à la maison, se laissant toucher par eux devant nous, ayant des rapport sexuels extrêmement bruyants, se baladant nue devant mes frères, l'aîné ayant pourtant déjà 10 ans.
Si je vous raconte tout cela (je sais que c'est un long préambule) c'est que je suis convaincue que tout ça a joué un rôle important dans ce que mon frère m'a fait par la suite. Un soir alors que j'avais 5 ans, ma mère décide d'inviter des "amis" pour faire la fête dans l'appartement familial. Devant le manque de place pour dormir, elle décide de me faire dormir avec mon frère de 7 ans mon aîné (12 ans à l'époque des faits). Ce soir là il m'a proposé un jeu... Avec toute la naïveté d'une enfant de 5 ans j'ai accepté et il m'a donc demandé de toucher son pénis et à commencé à me toucher. Ma mère entendant du bruit en passant devant notre chambre nous a surpris. Elle a dit à mon frère d'arrêter tout de suite, qu'on ne pouvait pas faire ce genre de choses à une petite fille et encore moins sa soeur. Mais nous a quand même laissé dans la même chambre pour finir la nuit... Et ce soir là il ne s'est rien passé de plus...
Mais le même cirque a recommencé quelques semaines plus tard. Nous nous sommes retrouvés dans la même chambre encore pour les mêmes raisons et cette fois ci il est allé plus loin. Il insistait pour venir dans mon lit et je lui disais non. "maman a dit que c'était mal et je ne veux pas" mais il a insisté encore et encore et j'ai finis par le laisser faire. Et il m'a violée... Je n'ai jamais prononcé ni écrit ces mots... C'est la première fois. Cette fois ci, personne n'est venu et je priais pour que quelqu'un l'arrête. J'étais tétanisée et tout mon corps était anesthésié, je ne sentais plus rien et je ne pouvais pas bouger. Je crois qu'il s'est aperçu seul de la chose horrible qu'il avait faite car il n'a jamais recommencé. Je me suis toujours souvenue de ce qu'il ma fait. Mon cerveau n'a pas refoulé. Par contre j'ai tout fait pour me convaincre que ça n'avait pas eu lieu et lorsque j'étais amenée à l'évidence (car les souvenirs sont bien là) je me persuadais que ce n'était pas important. Ensuite, je crois qu'il devait se détester car il est devenu étrange, renfermé sur lui même, asocial. Il ne m'adressait plus la paroles et faisait comme si je n'existais pas. En tant que petite fille je le vivais très mal. Quelques mois plus tard j'ai commencé à grossir inexplicablement. 6 ans et déjà à la limite de l'obésité.
Le jour ou il a décidé de me parler à nouveau, c'est le jour de ses 17 ans (ce fut long). Entre-temps il avait fait des tentatives de suicide et une fugue qui a duré 3 mois sans nouvelles de lui. Ma mère l'a retrouvé dans la rue. Je n'avais pas conscience à l'époque que tout cela pouvais être relié à cette nuit horrible... Je me suis cachée la vérité et j'ai choisi de ne pas tenir compte des indices qui étaient pourtant évidents. À partir de ce moment là il à décidé de tenter de prendre une vrai place de grand frère. Il à toujours été à part comme enfant et sous les conseils d'une institutrice, ma mère lui avait fait passer un test de Q.I. qui s'était révélé impressionnant. Alors il m'aidait pour mes devoirs d'histoire, de français et plus tard pour assimiler les notions de littérature et de philo. Il m'offrait des livres amusants pour éveiller mon intérêt pour la lecture et que je ne me laisse pas écraser par les livres obligatoires au programme scolaire qui étaient plutôt barbants. Il m'éveillait à la musique, m'apprenait à reconnaître tous les styles. Plus jamais d'indifférence mais pas non plus de gestes ou de remarques déplacés. De la culture uniquement. Mon père nous emmenait dans les musées, nous apprenait à jouer aux dames chinoises, aux échecs. Mon autre frère et moi avons toujours été très proches, il m'adorait et m'emmenait partout, au ciné, au bowling, au billard, à des concerts, me présentait ses amis (je précise que ce frère là ne m'a jamais rien fait de mal). On se confiait l'un à l'autre. Je sais aujourd'hui que la curiosité intellectuelle qu'ils m'ont transmise m'a donné des clefs pour m'en sortir malgré le mal irréversible qu'il m'a infligé. Mais ça n'a pas suffit et ne suffira jamais.
J'ai eu une vie sexuelle précoce (14 ans), des conduites sexuelles à risque, pendant toute mon adolescence je n'ai fréquenté que des garçons plus âgés et indignes de confiance voire pervers, pendant longtemps je n'ai eu aucune sensation ni aucun plaisir pendant mes relations sexuelles. J'ai souvent pris des drogues dures et au début de ma vie d'adulte (20 ans) j'ai vécu une phase d'alcoolisme sévère. J'ai planté mes études car trop peu de confiance en moi, trop d'angoisses et de stress dans mon quotidien dont je ne comprenait pas l'origine. Je me suis longtemps crue folle, anormale, marginale. A cela s'ajoute les multiples maltraitances de ma mère durant mon enfance. Elle s'est mise à boire sérieusement elle aussi (vers mes 8 ans), elle me laissait gérer la maison seule, m'envoyait lui chercher de l'alcool, faisait des commentaires blessants et répugnants à mon égard, celui de mes frères ou mon père. Mes frères ont tenté de me protéger mais je les ai repoussés. Je voyais la souffrance de ma mère et je voulais la guérir. Résultat: mes frères sont partis un bon moment habiter chez mon père qui était maintenant clean et je suis restée seule avec elle. Privation de soins (pas de nourriture dans le frigo, pas d'affaires propres, pas d'amour, pas d'aide). Elle me demandait de rester dormir avec elle car elle avait peur d'être seule. J'ai été la mère de ma mère et j'en porte également les séquelles... D'autant qu'elle a continué son manège avec les hommes, me mettant très souvent en situation dangereuse. A l'aube de mes 20 ans, j'ai rencontré celui qui est aujourd'hui mon mari. Il était bien différent de tous les hommes que j'ai pu fréquenter. Drôle, doux, sincère, compréhensif avec un vécu fort difficile aussi mais bien différent du mien. Je l'ai aimé presque tout de suite. Avec lui j'ai eu mes premières sensations pendant les rapports, il était tendre, se dévouait à mon plaisir uniquement, me regardait dans les yeux pour me dire que j'étais belle et qu'il m'aimait. Mais je ne savais pas à quel point j'allais mal. Là, j'ai commencé à boire de plus en plus, à fumer énormément de marijuana (lui fumait également), j'ai lâché mon BTS, ça a été pire, je me suis sentie minable et j'ai bu plus chaque jour, jusqu'à l'inconscience. L'intimité et les relations sexuelles étaient devenues impossible, je tenais des propos horribles à mon homme, lui faisait mal.
Un soir, très éméchée, j'ai largué la bombe. Je lui ai dit ce que mon frère (qu'il connaissait déjà bien) m'avait fait. Il m'a cru et il était horrifié qu'il ait osé me faire cela. Sa compréhension de qui j'étais s'est alors améliorée. Mais j'ai refusé d'en reparler. Il a tout donné pour m'aider à m'en sortir. Cela à duré 3 ans et un jour j'ai pris la décision du sevrage et de l'abstinence tout en refusant toujours la thérapie, juste le soutien d'un médecin pour le sevrage. Ma vie est devenue plus belle, j'ai regagné un peu de sérénité. Mais les questions restaient là, sans réponse : pourquoi moi qui ai tant souffert de l'alcoolisme de mes parents, j'y suis tombée aussi ? Pourquoi ai-je toujours peur de tout ? Pourquoi le passage d'un simple permis B, un entretien, un examen gynéco, un contrôle me mettent dans des états de transe (nausées, pleurs incontrôlables, crises d'angoisse, respiration obstruée) ? Pourquoi le sexe me fait si peur ? Pourquoi suis je incapable de contrôler mes émotions et ma colère ? Pourquoi ne crois-je jamais en moi ni en ce que je fais ? Au bout de 6 ans de relation, une confiance totale entre nous deux et de grosses évolutions sur le plan sexuel, mon père est décédé d'un AVC fulgurant, et mon frère (bourreau) était partit travailler en Chine mais restait introuvable. Mon père avait entrepris des démarches avec l'ambassade pour le retrouver avant son décès. J'ai continué ses recherches (cela a duré 3 ans) et il à été retrouvé errant dans la rue, complètement incohérent : schizophrénie avancée...
Entre temps, j'apprenais que j'étais enceinte. J'ai cru que mon monde s'effondrait... "Moi, mère? je ne peux pas, je ne suis qu'une fille perturbée venant d'une famille de cas sociaux ! je n'ai rien à donner à un enfant." Mais mon compagnon rêvait de fonder une famille avec moi. Lorsqu'il en parlait, je le tournais en dérision ou esquivait le sujet. J'avais très peur. Il m'a aidé à redescendre sur terre : "nous nous aimons, nous avons les moyens, tu es une femme merveilleuse. Je sais que tu es très malheureuse, que tu as envie de hurler (suite au décès de mon père) mais il n'est plus là et notre vie commence. Je sais qu'au fond de toi tu sais que ce qui nous arrive est beau". Alors j'ai surmonté ma peur (de la grossesse, de l'accouchement, des actes gynéco, d'être une mère déplorable) et donné naissance à un petit garçon, un trésor. Ma vie, de plus en plus jolie. Alors je décide avec lui d'avoir un autre enfant et ce sera une petite fille. Malheureusement la vie réserve de mauvaises surprises (ça je crois le savoir) et il y à 2 ans maintenant, mon compagnon à eu un accident de voiture très grave dont il est sorti grièvement blessé. Il est aujourd'hui très légèrement handicapé (jambe gauche boitant style docteur House) et traumatisé. Il a donc entamé une thérapie. Il parle de lui bien sûr, mais de moi aussi, des choses que nous avons traversées. Par bribes, il à dévoilé des infos à sa psy : "je ne peux pas réveiller ma femme quand elle dort car elle frappe quiconque la touche et ne s'en souvient pas après... Lorsqu'elle m'a rencontré et qu'elle buvait, elle n'arrivait pas à faire l'amour avec moi et se sentait agressée par mon contact alors même qu'elle m'aimait et me faisait pourtant confiance... Elle est très jalouse et m'accuse souvent de vouloir la laisser tomber, elle est très émotive et parfois elle ne se contrôle plus quand elle est triste ou en colère", etc... Au bout de 4 séances, elle a dit à mon homme (qui est mon mari depuis le mois de juin) qu'elle était certaine que j'avais été violée étant enfant et très probablement par un membre du cercle familial proche. Il a confirmé sans donner de détail.
Il m'en a parlé il y a 5 jours... Le choc... C'était donc si évident ! Moi qui ai choisi de me dire toute ma vie que ce n'était pas important, que de toute façon j'étais comme ça et que je ne pouvais rien y faire, que j'étais simplement bizarre parce que livrée à moi même trop longtemps dans l'enfance, parce que ma mère est folle... Tout pour occulter l’événement et son impact (avec tout ce qu'il y a eu, je ne sais pas trop lequel des traumatismes que j'ai subi est responsable de mon état). J'ai consulté votre site et j'ai beaucoup lu. Je viens de comprendre. Toutes ces peurs, toutes ses émotions qui m'étranglent, cette colère que j'ai envie de diriger sur mes enfants (je me mets facilement hors de moi avec eux et suis régulièrement obligée de m'isoler pour ne pas commettre d'actes violents sur eux et en particulier mon fils, qui approche de l'âge ou j'ai été violée), ce malaise lorsque mon fils joue au catch avec sa soeur, cette sensation d'être étrangère à ce monde, seule... Cette angoisse irrationnelle que mon mari ne m'aime plus, le refoulement et la honte face à mes fantasmes et mon désir. Mes addictions sévères (toujours addict à la marijuana), mes réponses extrêmes aux situations de stress et mes maladies à répétition (rhumes, bronchites, douleurs thoraciques, articulaires).
Aujourd'hui c'est le jour où tout change. J'accepte ce qui m'est arrivé, je ne le relègue plus. J'ai des flash-back de l'agression mais aussi de pleins d'autres événements de la même période. Je cherche à savoir et à me souvenir, je fouille le fond de ma mémoire. Je suis encore malade depuis hier (bronchite et fièvre). Je souffre atrocement, je suis hagarde et je pleure sans raison. Je crois que mon frère, lui, est en enfer depuis longtemps. Je crois même qu'il a essayé de m'en parler à sa façon mais qu'il n'a pas pu. J'ai décidé de lui écrire. De lui dire le mal qu'il m'a fait, de lui parler du mal que ma mère lui a fait car je sens que j'en ai besoin. Il n'est plus le même aujourd'hui avec sa maladie et son traitement, il n'est plus vraiment là. Concrètement, je suis incapable d'anticiper sa réaction. Je n'attends rien de lui, je veux seulement qu'il sache. J'ai choisi de ne pas en parler au reste de la famille car j'anticipe des réactions négatives. Je ne veux pas les protéger eux mais me protéger moi de leurs réactions. Je veux me regarder en face et comprendre, je veux tourner la page. Et si je dois en baver pour ça, je suis plus que prête car aujourd'hui et après tout ce qui m'est arrivé, je n'ai plus peur.
Je sais que c'est long mais c'est toute mon histoire et je remercie d'avance ceux qui me liront.
Je rejoins l'association aujourd'hui et je découvre votre descente au enfer. Mais quel courage ! Quel chemin parcouru ! Vous êtes en route pour trouver la sérénité. Entourez vous de personnes qui vous apportent du bonheur. C'est ce que je fais depuis 4 ans le jour où j'ai décidé de dire à mon frère que ce qu'il m'avait fait dans l'enfance me détruisait à petit pas... 38 ans maman de 2 enfants c'est parfois difficile de ne pas leur transmettre ma douleur intérieure mais j'ai décidé d'être heureuse et de leur prouver que la vie est belle dans n'importe quelles circonstances. Un jour ils sauront ce que j'ai vécu et ils seront fiers de la femme que je suis. Le chemin de la reconstruction est long et certains moments restent difficiles mais j'arrive à les apprivoiser et je profite des personnes qui me donnent le sourire. Ma thérapeute est extraordinaire c'est important pour trouver l'équilibre. Je pratique yoga et du sport pour canaliser mon énergie.
J'ai confiance en vousBon courage