J'avais 10 ans et la vie etait belle

Témoignage Publié le 23.01.2007
J’ai 10 ans, nous sommes en été 1973, et la vie est belle. Ho, à la maison, ce n’est pas la richesse, nous vivons en HLM avec papa, maman, et mes 2 sœurs.
Et puis subitement, je ne saurais dire quand exactement juillet 73 ou août, le ciel s’assombrit et ma vie est à tout jamais bouleversée. Depuis cette période, je déteste le soleil et l’été. Je me sens sale, je ne supporte plus ce corps qui pourtant est le mien, je me regarde dans la glace et je vois quelqu’un que je ne reconnais plus. Qui suis-je ? Petite fille salie par des mains venue se posées sur toi pendant ton sommeil. C’est le début de l’enfer. Moi même je me dégoûte, il ne faut pas que je sente ce corps, je ne dois pas sentir la présence de mon être, cela me rend dingue. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je me couche, mon bras est contre le drap, non je ne veux plus ressentir ce bras (pourtant c’est le miens), ma main touche ma jambe, non je veux oublier que j’ai des mains, des bras, des jambes, je ne veux plus qu’ils fassent partie de moi.
Sus-je consciente que cela n’est pas normal. ?
Je ne pense pas. Tout ce que je veux c’est oublier que mon âme est enfermée dans une boite qui me fait mal. Du bout des doigts au bout des jambes, oublier !!!!!!
Septembre 1973
Je ne peux plus me concentrer sur mes devoirs d’école, je n’y arrive pas, l’obsession de ce corps qui me fait mal est trop forte.
Trop paresseuse, diront mes professeurs, est intelligente mais ne veut rien faire, a des capacités, mais ne désire pas les exploiter, est trop dans la lune….
Non madame, je ne suis pas dans la lune, je suis là, je voudrai tellement avoir la locomotive qui me tirerait pour me faire avancer. Il est 8 h, je n’ai pas dormis, j’ai lutté presque toute la nuit en mettant devant la porte tout ce que je trouvais dans la chambre pour pas qu’on y pénètre.
Mon professeur de français a remarqué que je n’avais pas bonne mine ce matin, lui si sévère avec ses élèves quand ceux-ci n’avaient pas fait leur devoir.
Sortez vos copies. Je blêmis, je me rappelle subitement que la copie est restée sur le bureau.
Pourvu que je ne sois pas interrogée. Je baisse les yeux, pour ne pas que mon professeur lise dans mon regard, que je n’ai pas mon devoir.
Trop tard, il se dirige vers moi. Ou est ta copie ?
Je fonds en larme. Comment lui expliquer, que je l’ai fait mon devoir, que j’étais tellement préoccuper cette nuit à protéger notre tranquillité à mes sœurs et moi que j’en ai oublie ma copie sur le bureau. Je le regarde, et j’essaye de retenir mes larmes, en ravalant mes sanglots, humiliée devant mes camarades de classe.
Il ne fâche pas, c’est bien la 1ere fois qu’il ne se fâche pas quand un élève n’a pas son devoir.
Il a compris, je le vois dans son regard, qu’il a compris qu’il se passai quelque chose a la maison de pas normal.
Il me dit : bon, c’est pas grave pour aujourd’hui mais tache de ne pas oublier la prochaine fois. Merci Monsieur. Il me sourit, et moi j’essuie mes yeux avec mes mains. Je sais qu’il a compris car depuis ce jour, il est devenu un prof tres gentil avec moi. En retard ??? Bon ce n’est pas grave …assieds toi et reprend le devoir de ton camarde. (Effectivement, je ne peux pas tricher, j’ai les yeux gonflés d’avoir pleuré toute la nuit).
Il le sait, et moi je sais qu’il sait tout comme lui sait que je sais qu’il sait. Il me fait des sourires comme pour me dire : tu es en sécurité ici. Et sa présence me rassure. J’aime ce professeur qui est pourtant détesté par tant d’élèves. Je pensai que tous les hommes étaient des bêtes, des animaux sauvages, mais lui est une exception.
Juin 1974
Redoublement
Elève instable dans son travail, ne veut rien faire, est feignante.
Si vous le dites mesdames et messieurs les professeurs…………