L'enfant vidée

Témoignage Publié le 22.01.2007
Bonjour, on dira que je m'appelle lola.Je n'ai pas été physiquement violée enfant,des baisers sur la bouche, ou avec la langue une ou deux fois,de gros trous de mémoire,des caresses sur mes seins naissants,beaucoup de caresses sur mon corps d'adolescente.Je n'ai pas d'existence propre.Je ne suis personne si elles ne sont pas là parce qu'elles se nourrissent et vivent au plus profond de moi.Je suis la proie.Je ne suis pas. Elles me mangent,elles habitent en moi toute la journée,en moi il y a des centaines de mots, ces mots sont les leurs,elles me prennent comme une poupée ,chacune à tour de rôle et se répandent en moi,leurs mots sont d'une incroyable saleté,d'une grande laideur,tout est méchant, je suis un appareil à recycler leur caca,un sanibroyeur, je leur rend leur linge propre, une fois qu'elles sont venues en moi elles ont le sourire,elles sont nettoyées,je suis "si jolie à l'intérieur".

J'ai 2 tantes.Une mère.Une grand-mère.Toutes des femmes malheureuses.Elles disent m'aimer beaucoup.Elles ne m'aiment pas.Elles m'utilisent pour ne pas montrer qu'elles ont mal,elles se cachent au fond de moi.J'ai droit à toute leur intimité le jour et la nuit, les histoires de caca au fond de la culotte de leurs maris,de divorce et de sexe,leurs gros seins laiteux blancs qui tombent sur moi, leur odeur de pipi,à 50 ans,elles prennent du plaisir à dormir avec un pot puant près du lit,dans lequel je suis obligée d'allée faire.Je les vois s'agenouiller blanchâtres ,laides ,énormes,près du lit.Plus tard,j'en ai tellement l'habitude que dormir dans le pipi de mon petit frère,me paraitra presque un bonheur.

J'ai demandé l'histoire d'une jeune fille à lire,on m'a amené des livres que je ne comprends pas, Venus erotica, l'amant de lady Chatterley et Anais Nin.Je me sens coupable,je me sens mal,j'ai dix ans,et je suis déjà si éveillée à la sexualité que je retourne seule dans la maison me masturber dans une chambre fermée pour faire sortir tout ce malheur.

On me donne la douche en insistant sur mes parties intimes,l'usage du gant est interdit, la culotte pour dormir aussi,le cucu ne peut pas respirer,c'est sale de mettre la culotte la nuit.

Elles sont sales et elles sont partout.Elles portent des bas,qui sentent la sueur.Ou des bas troués.Elles parlent sans cesse de règles, de sang,d'avortement.De filles de mauvaise vie, de prostituées.Elles se pètent dessus.Elles laissent la porte ouverte pour uriner.Elles se pètent dessus devant les gens.ça me fait honte.Elles se négligent,elles ont les ongles des mains et des pieds sales et longs,elles portent du vieux linge défraichi,elles sont sales.Mais elles sont riches,elles ont plein d'argent, alors elles achètent de très beaux vetements et dessous elles cachent leur laideur.Elles sont moches,elles s'habillent chez de grands couturiers,elles changent totalement d'attitude quand arrivent des invités,ou des hommes.

Je suis obligée de partager leur lit chaque nuit,je change souvent de lit,d'un lit à l'autre comme un amant,..et obligée d'ouvrir grandes mes petites oreilles à leurs saletés,elles me disent du mal des hommes,et à la fois elles en ont très envie,mais sont désespérement seules,et en manque de sexe,elles passent leurs envies d'intimité avec moi.

J'ai des trous de mémoire,je ne sais plus ce qu'elles disaient,mais moi,quand je sors de là,vers 20 ans,je perds régulièrement la parole,je suis une femme pillée et qui ne parle pas.Je me retrouve parfois dans un état absent mais pourtant je me trouve saturée de mots,comme si leurs saletés étaient toujours dans l'air ambiant,alors le silence me fait un bien fou,et je me noie dedans.

Il m'arrive encore à trente ans de me baigner l'été à la nuit, en mer,pour avoir une vaste étendue rien qu'à moi,je me sens protégée quand je suis au large,seule.

Je suis bissexuelle,mais je n'aime pas les femmes avec qui je couche,ma sexualité a été affectée,mais je veille à ne pas faire de mal,je veille à ce que je pourrais faire moi.

J''éprouve un tel dégout pour ce qu'elles sont,que je n'arrive pas à vouloir être maman, j'ai mal au ventre, je voudrais cracher mon utérus.Je n'y arrive pas ,je me fais mal.

Mais le pire c'est ce vide ou elles m'ont laissé,quand je suis seule, je suis totalement désarmée puisque je ne suis plus utilisée,quand on ne me contraint plus à servir à quelqu'un je n'ai plus le sentiment d'exister.Alors je reste prostrée,incapable de sortir de ma solitude,vidée comme si elles étaient parties un jour avec mon trésor.

Je ne laisse pas facilement les gens s'approcher,à peine sont-ils à proximité que j'ai l'impression qu'ils me pénètrent,qu'ils voient et qu'ils vivent en moi,que je me dissous .A chaque fois que je croise un regard,ce regard me vole ,tout ce que j'ai à l'intérieur de moi est menacé par un grand voleur.Alors je m'isole,je me terre.

Je souffre énormément de la solitude.Mais c'est mieux que l'abus tout de même.J'aimerais ne plus avoir peur quand on s'approche de moi.Je n'espère pas avoir des amies, je ne peux pas parler avec les femmes.

J'espère avoir un amour, je suis trés jolie,mais j'ai du mal avec les hommes, je leur donne beaucoup de sexe parce qu'on m'a appris à le faire trés tôt.Et je me dis que ça va les faire rester.Que c'est ce qu'ils veulent de moi.De toute façon que pourraient-ils vouloir puisque juste après le corps,je suis vide?voilà,c'est cela que ça laisse,un vide abominable,une absence d'intimité,peuplée par les peurs des autres,c'est l'intérieur de moi ce chaos.Ou je ne regarde pas.

J'essaie de regarder, de jeter surtout, ce qui ne m'appartient pas ,ce qui ne me plait pas.

Vous savez, j'ai le souvenir de l'absence de repères que j'avais ,étant plus jeune, de ce que je me suis laissée faire,avant,parce que je croyais que les autres avaient le droit.Je me suis laissée pénétrer avec des légumes, pénétrer à sec tout le temps,déchirer le vagin,déformer l'anus,ouvrir et écarter comme un objet,rentrer en moi des dizaines de nuits par derrière.Pour oublier que j'existais.Il y a un moment ou mal est un mot qui n'existe plus.

Je me suis laissée recouvrir de condylomes,des vingtaines,partout, de maladies, de sang,de coupures,je me suis laissée aller avec des ordures,et puis je me suis rattrapée parce qu'un jour quelqu'un m'a dit, choisis maintenant mais choisis pour de bon,vivre ou crever.

J'ai arrêté l'alcool,arrêté la drogue,oublié les regards dégoutés des gynécologues qui me voyaient.J'ai trente ans.J'ai repris mes études et je ne serais plus jamais cette jeune fille handicapée par plusieurs mamans malades,qui marchait difficilement,pour se rendre à la faculté.Je vous remercie de m'avoir lue.