Nouveau née

Témoignage Publié le 17.11.2016

Nouveau née

J'ai décidé aujourd'hui pour la première fois de parler de mon parcours. Je suis née dans une famille où règne le chaos :

Entre 4 et 7 ans j'ai vu mes parents naviguer entre des moments de bonheur et d'alchimie et des moments d’extrêmes violences et d'humiliation., Au départ, je pensais que cela se passait ainsi dans toutes les familles, mais ce que je ne trouvais pas normal c'est que ma mère puisse me mordre jusqu'au sang parce que j'avais cassé un verre, ou me donner des coup de pieds dans le ventre parce que je ne l'écoutais pas et j'avais la tête dans les nuages. J'avais très peur de ma mère je pouvais détecter rien qu'à l’intonation de sa voix si je devais me rendre invisible ou pas. Mon radar était branché en continu même en plein sommeil, vu que mon père est un alcoolique et être réveillée en pleine nuit était plus tôt une habitude.

 A l'âge de 7 ans j’ai commencé à fréquenter d'autres enfants puisque j'allais à l'école. Oui ma mère refusait que j'aille chez les voisins ou que je joue avec d'autres enfants. Je sentais une certaine méfiance et peur des autres à cette époque là je ne me posais pas trop de questions. Je vivais ma frustration comme je pouvais. J'ai commencer à comprendre que quelque chose clochait dans ma famille surtout lorsqu'on me demandait si j'avais des frères et sœurs. Je répondais que j’avais un frère d'un an de plus que moi, qu'il vivait avec ma grand mère paternelle mais que je ne savais pas pourquoi ? Lorsqu'on m'invitait à une fête d'anniversaire je n'y allait pas juste parce qu’on me disait "Non" sans me donner de raison.

Mon père était souvent absent, chose qui me convenait car il n’y avait pas de disputes et il revenait toujours chargé de cadeaux pour moi. Mais son absence rendait ma mère dépressive. Elle ne s'occupait pas de moi et les rôles se sont inversés à cette période là. Je m'occupais de la maison et  d'elle. Un jour en venant me chercher à la sortie de l'école l'institutrice lui a dit qu'elle avait une petite fille très intelligente et bien éduquée et j'ai vu de la fierté dans le regard de ma mère. Je voulais qu'elle me regarde et qu'elle m'aime"pour quelque chose" : être bien coiffée et bien habillée pour que les gens puissent dire que ma mère s'occupait bien de moi, être première de la classe voire de l'école pour que ma mère puisse se vanter devant tout le monde que c’était grâce à elle, être invisible et ne pas réclamer mes besoins les plus primaires pour ne pas déchaîner sa colère sur moi… et la liste et longue.  Quelques mois après ma mère est tombée enceinte et a eu un garçon. Je devais être encore responsable de ce petit être que je détestais à l'époque. Aujourd'hui nous sommes très proches. Je me demandais pourquoi il était là et pourquoi je devais m'en occuper ?

 A l'âge de 9 ans on a dû tout lâcher et déménager après que mon père ait tout perdu son travail ses économies et tout. Nous avons vécu des moments de pauvreté qui rendait mon père encore plus violent. Il noyait sa colère dans l'alcool et vu que c'était moi qui était la personne la plus responsable dans la famille j'arrivais à le calmer lorsqu'il rentrait saoul à 2h du matin. J'évitais qu'il s'en prenne à ma mère (je lui tenais la conversation jusqu'au levé du soleil, lui servais à boire ou nettoyais après qu'il ait vomi). Dès que je mettais le pieds dehors de chez moi je me sentais revivre, je ne montrais rien à mes amies je portais un masque tout le temps, celui de la fille la plus heureuse au monde et au fond de moi je me sentais vieille, fatiguée et vidée.

A l'âge de 10 ans j'ai eu mes premières règles, je ne savais pas ce que je devais faire, je n'avais aucune information sur le sujet, instinctivement j'ai mis des serviettes de bain comme protection. Par contre au lieu de les jeter, je les planquais dans un coin de l’appartement. J'avais très peur que ma mère puisse les retrouver mais inconsciemment j'ai fais ce qu'il fallait pour qu'elle les retrouve, Ce jour là j'ai cru que j'allais mourir. Elle m'a tellement frappée, jusqu'à l’essoufflement. Elle me disait : « Qu'est ce que tu as fait espèce de p..te ? » Je répondais que je n'en savais rien que c'est sorti tout seul. Pour s'assurer que mon vagin et ma virginité étaient intacts, j'ai eu droit à mon premier examen gynécologique. Je me suis sentie humiliée et sale mais ma mère était contente que tout soit en place et s'est permis de me dire que j'étais conne de ne pas lui avoir parlé de mes règles et que maintenant je devrai faire attention aux garçons pour ne pas tomber enceinte.

A l'âge de 13 ans ma mère est venue me voir et m'a dit qu'elle avait quelque chose d'important à me dire. J'ai pensé que c'était en rapport avec la dispute qu'elle avait eu avec mon père la veille mais non, elle voulait me confier un secret. Mon frère aîné était en réalité mon demi frère. Elle avait rencontré mon père lorsqu'elle était enceinte suite à un viol, e mon père lui a proposé de l'épouser, de prétendre être le père et de garder ce secret pour toujours. Pour ma mère c'était la solution miracle pour échapper au jugement de la société et de la honte, elle a vu mon père comme un sauveur. Je comprenais à ce moment là d'où venait cette surprotection me concernant et ce pouvoir qu'avait mon père sur elle. Ma mère avait besoin de se confier à quelqu'un et surtout faire de moi son alliée contre mon père. Moi je n'avais rien demandé à personne, j'aurais bien voulu qu'il ne me mêlent pas à leur histoire et que ma mère soit plus courageuse en quittant mon père pour refaire sa vie. Mais elle en était incapable terrorisée à l'idée que la famille sache la vérité donc elle espérait juste que mon père la quitte ou meurt pour  être libre. Elle voyait en moi l’espoir d'un avenir meilleur, que j'allais réussir ma vie sur tout les plans, mieux qu'elle, et que j'allais la sortir de sa misère, de sa tristesse et de sa peur.

A 15 ans mon père a été condamné à 2 ans fermes laissant ma mère enceinte, une grossesse qu'il n'a pas voulu reconnaître. Au début d'ailleurs, il traitait mon petit frère sévèrement mais moi j'étais aux anges, j'adorais m'occuper de ce nouveau né et je l'ai élevé comme si j'étais sa mère. Pendant ces deux années, nous avons bien vécu, ma mère gérait très bien la situation et je ne l'ai pas vue en dépression. Moi j'étais au lycée et je commençais à être sollicitée par les garçons. J'ai refusé toutes les propositions pour ne pas décevoir ma mère. Mon père me manquait terriblement parce que malgré tout je l'aimait énormément et qu’il n'a jamais levé la main sur moi. J’étais au petits soins pour lui, il me gâtait avec les cadeaux, j’étais sa confidente lorsqu’il était saoul mais il n'était pas au courant que ma mère me battait. Mais j’ai vite changé d'avis lorsqu'il est sorti de prison. Le chaos est revenu à la maison et mon père n'était plus le même. Il est devenu encore plus violent et s'acharnait sur mon petit frère, le battait, l'humiliait et le négligeait.

Un jour lors de mes 17 ans arriva l'impensable. Une après midi où ma mère devait partir rendre visite à une amie dans une autre ville avec mon petit frère et comptait passer quelques jours chez elle. Mon père m’a demandé de lui masser le haut du dos après une nuit de travail (il travaillait comme chauffeur de taxi à l'époque). Pendant que je lui massais le haut du dos  il s’est retourné et m'a embrasée sur la bouche, m’a prise par les bras et m’a serrée contre lui. Je ne comprenais pas ce qui se passait, je me disais à ce moment là : c'est un cauchemar je vais me réveiller, ce n'est pas mon père, il a été possède ou quoi ? Je l’ai repoussé de toutes mes forces mais il ne me lâchait pas et continuait. Je l’ai poussé violemment et me suis enfuie dans le salon, j’ai mis la télé et essayé d'oublier ce qui venait de se passer. Je tremblais comme une feuille, je n'arrivais pas à le croire. Il est revenu à la charge en mettant sa main sous mes vêtements pour me caresser. Je lui disais « arrêtes », il me répondait « laisses toi faire ». A ce moment là, ma meilleure amie qui n'est qui d'autre que ma voisine crie mon prénom et me demande si je veux l'accompagner pour aller voir une copine. Je me retourne et demande la permission à mon père comme si rien ne s'était passé. Il me l'accorde et me donne même des sous.

Je ne voulais pas rentrer à la maison en fin de journée, j'ai même raconté à ma meilleure amie ce qui s'est passé. Ne trouvant pas de solution je suis rentrée avec la peur au ventre mélangée à la déception, à de la colère et à du mépris. Je n'ai pas parlé à mon père et j'ai mis un couteau sous mon oreiller au cas ou il tenterait quelque chose. Et il a tenté. Mais j'étais forte et courageuse, je l'ai regardé droit dans les yeux et lui ai dit d'aller se coucher maintenant ou je le dirai à tout le monde. Il s'est exécuté, il est parti se coucher et je n'ai pas eu besoin d'utiliser mon couteau.

Le lendemain il est venu me voir pendant que je préparais le petit déjeuner et m’a dit: "Oublie ce qui s'est passé hier, je ne sais pas ce qui m'est arrivé. Tiens un peu d'argent de poche et n'en parle pas à ta mère ! ».

J'appelle ma mère de suite, lui demande de rentrer de toute urgence, et je lui raconte tout. J'espérais qu'elle me protégerait et que ça lui donnerait le courage de quitter mon père une bonne fois pour toutes. Et bien non, elle a juste utilisé ce qui s'est passé pour mettre la pression sur mon père et le menacer à son tour. Et elle m'a même reproché que c'était un peu de ma faute vu que j'étais tout le temps collée à lui, que j'écartais mes jambes quand je m'asseyais, que je prenais pas en compte que j'avais un corps qui pouvait l'aguicher et lui donner envie, qu'il fallait que je fasse attention dorénavant dans mes choix vestimentaires, mes postures, mon comportement avec lui...

Génial et moi dans tout ça ? Comment je fais pour vivre avec ces personnes sous le même toit ? Je me suis rebellée, je faisais le contraire de ce qu'on me demandait. J'ai eu mon bac avec mention, je ne sais pas comment j'ai fait mais je l'ai eu et je suis partie à l'université. Là, je me suis mise en danger avec un inconnu pour prouver à ma mère que je pouvais mieux faire et que rien ne pouvais m'arriver. Il m'a agressée sexuellement d'une manière violente et humiliante. Je suis rentrée chez mes parents pour me laver de son odeur et de ses mains sur moi, j'étais meurtrie mais comme à mon habitude, il suffisait de mettre le masquet et la vie a repris son cour.

Je choisissais des petits amis qui m'humiliaient et me traitaient comme un vulgaire objet. Je me détestais, détestais mon corps et ma féminité. Je voyais le sexe comme un pouvoir, comme un moyen de pression. 

A 22 ans, après avoir eu mon diplôme en finances et comptabilité, j’ai commencé à travailler. J'ai cherché le moyen de partir de chez mes parents et vu que je ne pouvais pas me mettre dans un appartement toute seule (La famille était contre et pouvait me tuer pour ça), j'ai pris la décision de me marier.

Je n'avais fait aucun travail sur moi ni suivi de thérapie, le choix s'est porté sur un PN (Pervers Narcissique) pur et dur. J'ai refait le même schéma avec une vie sexuelle douloureuse et humiliante. Je suis tombé enceinte et tombée en dépression pendant deux ans. Ce'est cet enfant qui m'a aidée à me remettre en question et à chercher à comprendre ce qui se passait en moi. Grâce à lui, j'ai appris à déchiffrer mes mécanismes, à m’intéresser au développement personnel et à suivre une thérapie. Pour lui j'ai décidé de prendre ma vie en main et d'aller mieux. Pour ce merveilleux être j'ai décidé d'aller de l'avant. J'ai mis douze ans avant de me séparer de son père et de me détacher de la vie de mes parents par la même occasion.

Aujourd'hui mes parents sont toujours dans leur relation toxique et vivent toujours sous le même toit. Je leur ai dit tout ce que j'avais sur le cœur, parce que j'avais besoin qu'ils reconnaissent le mal qu'ils m'ont fait. Ma mère l'a reconnu mais pas mon père. Je me suis pardonnée le mal que je me suis fait et j'ai pardonné à ma mère mais je n'ai pas encore pardonné à mon père, je ne suis pas prête encore. Je n'ai plus de contact avec lui et je ne ressens pas le besoin d'en avoir. Je me suis convertie en conseillère conjugale et familiale afin d'aider d'autres famille à aller mieux. 

Je suis fière d'avoir réussi à aller mieux, de ne plus ressentir ni colère ni tristesse ni vide en moi. J'apprends à apprécier mes qualités et à accepter mes imperfections et mes faiblesses. Je regarde les gens aujourd'hui avec mon cœur. Il y a du bon en chacun de nous, même chez les plus mauvais. Je serai comblée le jour où j'arriverai à pardonner à mon père, ce jour là, la boucle sera bouclée

Aujourd'hui j'ai ressenti le besoin de partager un petit résumé de ma vie avec vous, je vous remercie de m'avoir accordé du temps :-)

Une nouveau née

Nous en parlons
S
survivante2015
Publié le 28.12.2016
Inscrit il y a 7 ans / Nouveau / Membre

[quote name="Loa"]Bravo pour le courage d'avoir partagé ce récit, et ta force à travers cette enfance si peu protectrice. Tu es une belle personne, sans haine pour ces adultes perdus et faibles qui n'ont pas su aimer convenablement leur petite fille. Je te souhaite le meilleur de la vie, à présent ...[/quote]

Bonjour Loa, je te remercie pour ces mots qui me touchent énormément

L
Loa
Publié le 04.12.2016
Inscrit il y a 8 ans / Nouveau / Membre

Bravo pour le courage d'avoir partagé ce récit, et ta force à travers cette enfance si peu protectrice. Tu es une belle personne, sans haine pour ces adultes perdus et faibles qui n'ont pas su aimer convenablement leur petite fille. Je te souhaite le meilleur de la vie, à présent ...