Porter plainte mais comment vivre l'après ?

Témoignage Publié le 14.01.2007

Un jour ma soeur m'a révélé que mon père avais commis l'inconcevable sur elle-aussi. Quelques mois plus tard, après la tentative de suicide de mon père lorsque ma mère a voulu le quitter, o­n a porté plainte pour violences et atteintes sexuelles sur enfants mineurs. La justice était là pour nous protéger. Nous pouvions cesser de trembler devant le tyran. Tout ceci n'était donc plus qu'un mauvais souvenir: il suffisait d'effacer tout et de recommencer. Alors o­n a déballé au grand jour ce qu'il y a de plus atroce à révéler mais c'était pour notre bien puisque tout allait s'arranger.

C'est cette idée qui m'a portée pour témoigner, vider mon sac, dévoiler à un gendarme maladroit ce que personne ne savait. Le procès est passé et nous avons tenu le choc tant bien que mal. Malheureusement les choses ne sont jamais simples et les problèmes n'ont pas été réglés au lendemain du procès- il nous a fallu retrouver un équilibre dans la famille, retrouver la force de se projetter dans l'avenir et puis supporter les insinuations de la famille de mon père, le décalage qui s'est instauré avec le monde autour...
Comment parler de soi sans parler de ça? Comment parler de ça sans replonger en enfer?

Pour ma part j'ai beaucoup de difficultés à vivre une relation amoureuse sans être rattrapée par mes démons mais au final, je parviens à mettre un pas devant l'autre et avec le temps j'arrive à parler de ça sans trembler.. C'est mon histoire, juste mon histoire..
Personne ne nous a préparé à l'après et au regard des gens, les silences ou la pitié... Au bout du compte on ne porte plus seulement notre douleur, on porte aussi le regard des gens.
La maxime selon laquelle ce sont qui parlent qui s'en sortent ne paraît pas tout à fait exacte.
Faut-il cacher le passé et porter sa malédiction en silence? Plus je le cache et plus j'ai des troubles du sommeil, des problèmes cutanés...
Je ne souhaite pas rester sous l'emprise de mes cauchemars mais je ne veux pas entretenir ma douleur par la parole. Il ne me reste plus qu'à apprendre à en parler et reconnaître les bons interlocuteurs.
J'ai du chemin à faire pour gagner une paix qui restera relative...