Réponse appel à témoin prise en charge par la Sécu

Témoignage Publié le 02.06.2022
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Témoignage reçu en réponse à un appel à témoins lancé par Face à l'inceste.

Dans les quelques lignes qui vont suivre, je vais résumer succinctement mon parcours. L'essentiel de mon propos sera consacré à ma prise en charge médicale et paramédicale.

J'ai découvert il y a 10 ans que ma tante, alors en dépression, soupçonnait mon grand-père d'inceste à son encontre. Cet événement était le premier d'une longue série. Quatre ans plus tard, les premiers souvenirs d'agressions ont émergé de manière très floue. Entre-temps, ma mère et l'une de mes sœurs ont eu des souvenirs factuels. Lorsque les premières réminiscences ont explosé dans ma tête, j'étais en études supérieures dans une grande école d'ingénieurs. J'ai été accompagné par l'une de mes professeurs qui m'avait alors mis en lien avec la psychologue du campus. J'ai bénéficié d'un accompagnement précieux à ce moment. J'ai pris la décision d'arrêter mes études. Je ressentais le besoin d'une rupture forte dans ma vie. Je me suis reconverti dans l'agriculture. Le travail manuel me permettait de m'échapper. Pendant environ deux années et demi, je n'ai pas été suivi. Les quelques séances avec une psychologue libérale avec laquelle le courant ne passait pas ne m'ont pas apporté grand-chose.  J'ai néanmoins été témoigné en gendarmerie suite au dépôt de plainte de ma sœur, de ma mère et de ma tante. Il y a maintenant un peu plus de deux ans, j'ai déménagé. Je compte bien construire ma vie là où je vis aujourd'hui.

Fort de ce constat, j'ai pris la décision de réengager un parcours de soin. Par hasard, je suis tombé sur le site internet du CMPS local. J'ai pris RDV avec un infirmier par téléphone. Le Covid est passé par là et la programmation d'un premier RDV à été relativement longue. Après deux rencontres avec l'infirmier du CMPS, j'ai rencontré mon psychiatre, puis ma psychologue et enfin ma psychomotricienne. Pour moi, cela est une grande victoire. Cet accompagnement hebdomadaire m'est précieux. Très rapidement après la reprise des soins, j'ai déposé plainte en gendarmerie. Tout au long de mon parcours, je n'ai eu que très peu d'argent à débourser. La psychologue de l'école et le CMPS du Morbihan sont complètement gratuits. Je mesure la chance que j'ai, car j'aurais aujourd'hui bien du mal à débourser 50€ par semaine pour consulter dans le libéral. J'ai aussi l'opportunité d'être accompagné par un réseau de professionnels (psychiatre, psychologue, psychologue, psychomotricienne, assistant social, infirmier...) L'accompagnement dont je bénéficie m'est essentiel. Cela me permet de me reconstruire peu à peu une identité, de retrouver confiance en moi et dans les autres. D'accepter la vie, de faire avec mais sans se voiler la face. Si je suis fier de moi, si je me reconnais dans le terme de survivant, si je mène ma barque comme je l'entends, c'est grâce à la conjonction de trois leviers : - mes propres ressources qui dépassent de loin ce que j'imaginais ; - le soutien, l'écoute et la présence de mes proches ; - l'aide de professionnels formés. À mon sens, l'accès aux soins est primordial dans la reconstruction. Sa gratuité devrait être un principe de base. Cela épargnerait certainement beaucoup d'énergie aux victimes et à leurs proches. La société s'en sortirait gagnante, car les prédateurs sexuels sont bien souvent des victimes qui n'ont pas été aidées alors qu'elles en avaient besoin. J'espère que ce témoignage vous sera utile. Je vous remercie pour le travail essentiel que vous menez.