Témoignage femme: le combat ne s'arrête jamais

Témoignage Publié le 18.10.2006
papa et maman travaillaient loin, nous habitions une petite maison dans un petit village. Mes soeurs ainées s'occupaient de moi et ma vie était faite de soleil et de rires. Je ne savais pas ce qu'elles subissaient. Un jour papa m'a demandé si je voulais prendre un bain avec lui. J'étais enchantée. Papa ne me regardais jamais, parfois il m'autorisait à m'assoir près de lui pour l'écouter jouer du piano.L'eau du bain était sombre, il n'avait pas mis de bain moussant, j'ai vu cette chose qui flottait près de moi, j'avais 4 ans, et je ne savais pas ce que c'était. J'ai tendu la main pour la toucher. Un frôlement de doigts et j'ai compris, c'était chuad, c'était à lui, c'était interdit. Je ne sais pas comment je savais que c'était mal, mais je le ressentait au fond de moi. Papa m'a dit de continuer, il m'a demandé de jouer avec et il m'a montré comment faire. Je n'en avais pas très envie, je ne trouvais pas ça amausant du tout, mais je l'ai fait parce que rien n'était plus important pour moi que de lui faire plaisir. S'il était content je l'étais aussi. Et puis j'ai ris "papa tu as fait pipi dans l'eau!" "non, c'est parce que je suis content". J'ai mis très longtemps a comprendre ce qu'il s'était passé. Papa et maman se criaient tout le temps après, parfois maman jettais les verres ou les assiettes à travers la cuisine. Papa ne me regardais plus. Mais le monde ne m'interressais plus non plus, seul mon petit monde a moi existait, la lumière, les couleurs, le jardin... et puis il a fallu partir, papa et maman se séparaient. Nous sommes allés vivre dans une cité, au 7e étage d'une tour qui en faisait 16. Le week end, nous allions chez papa, 2 par 2 (nous sommes 4 filles ) il se glissait le matin dans notre lit, chacune son tour. J'avais mal, j'essayait de ne pas pleurer, de ne pas faire de bruit, ses doigts entraient en moi, tournaient, fouillaient, et je m'évadait dans les rayons de soleils qui filtraient des rideaux. Petit à petit j'appris à disparaitre, à ne plus rien ressentir. Quand je me blessait à l'école, ou quand on me faisait des piqures, je ne pleurait jamais car j'avais banni de mon univers le mot "douleur" je ressentait une drôle d'impression, les hormones qui glissaient dans mes veines, le vertige qui accompagne la douleur, mais ce n'était rien d'autre pour moi. Je me mis à avoir des allergies à tout je ne supportais rien, textile, nourriture, odeurs me faisaient gonfler ou couvrir de bouttons. A 6 ans, mes premières verrues sont apparues sur les mains, au début il n'y en avait qu'une toute petite sous l'ongle de mon pouce, je tirais avec mes dents ce petit boutton et je regardais la racine glisser lentement, envahie d'un vertige très puissant, et tout d'un coup, étonnée, je m'apercevait que ma main était couverte de sang. Avec le temps j'appris a ne plus faire ça, j'avais compris que ça me faisait saigner. Les verrues se multipliaient, il fallait les brûler toutes les 15 jours, mais elles repoussaient toujours. Les produits me faisaient d'énormes cloques violettes sur les doigts. Je passais mont emps à lire, à fuir le monde, à fuir mon corps. Chez papa, ma soeur ainée criait tout le temps après lui, je lui en voulais, elle rendait papa malheureux, pourquoi ne se laissait elle pas faire puisque papa avait dit que c'était normal. Tous les papa faisaient ça a leurs filles, il me l'avait dit. Un, jour, j'avais 9 ans, je suis rentrée de l'école, c'était un samedi. Maman avais l'air fachée que je rentre si tôt. Dans le salon, papa était assis, mes soeurs étaient là, tout le monde avait l'air grave. "Va dans ta chambre" je voulais rester avec mes soeurs alors ma mère m'a dit "on est entrain de discutter pour savoir si vous n'allez plus jamais voir votre père, je suppose que tu ne veux pas être là" habituée a ne jamais être contrariante, je répondit vivement oui et filais dans ma chambre, térorisée par ce basculement de situation. J'avais l'impression que j'avais fait quelque chose de mal. Dès que la décision de ne plus voir mon père fut prise mes verrues disparrurent, mes troubles urinaires disparrurent, mon nez qui coulait tout le temps redevint sec.
Mais au fond de moi, j'avais la sensation d'être différente des autres.
La même année nous sommes allés a la Réunion en vacances, ma mère, son nouveau compagnon et moi. J'étais née là bas et ils voulaient me faire connaitre mon ile d'origine. Nous logions chez des amis qui hébergaient une étudiante. Un matin je suis allée dans son lit, j'adorais cette jeune fille je voulais lui faire un calin. Sa main a glissé entre mes jambes et elle a commencé a me carresser. Silencieusement, je me suis mise a pleurer, elle m'a demandé si elle me faisait mal et je lui ai dit non, ça fait pas mal, c'est pas comme avec papa. Elle s'est excusée je crois, elle a dit que mon papa n'avait pas le droit de me toucher. Elle n'a jamais recommencé. En rentrant en France j'avais totalement oublié cette hisoire, elle a ressurgi presque un an plus tard quand cette fille m'a envoyé un cadeau a noel. Quelques années plus tard, ma mère m'avait prêté un livre, l'histoire d'une autiste, et elle m'a dit que j'étais comme ça quand j'étais petite. Pendant toutes mes années de collège j'étais persuadée d'être folle. Un jour ma mère m'a dit que mon père avait une nouvelle femme et qu'ils avaient eu un bébé, un fils. Ils voulaient me rencontrer pour me présenter mon demi frère. Ma mère m'a dit de ne pas en parler a mes soeurs car elles ne me laisseraient pas y aller. Imméditement je leur en ai parlé, car nous étions très liées, et je sentais que quelque chose clochait.
Ma 2e soeur a immédiatement été voir une assistante sociale pour que mon père n'ait plus de droits sur nous et l'assistante sociale lui a dit qu'il faillait porter plainte. Quand ma soeur me l'a annoncé, tout mon univers s'est écroulé, l'idée de mettre mon père en prison me révoltait, je me mis a m'automutiler et à faire des crises d'angoisses, a me taper la tête contre les murs. Ma mère n'était pas d'accord au début et puis la juge l'a menacée de la mettre en prison aussi alors elle s'est mise de notre côté. Aujourd'hui, j'ai 22 ans, mon père est en prison et ma vie a totalement changé, j'ai compris que je n'étais pas resposable, j'ai appris que ma mère savait depuis la séparation ce qu'il se passait. Le procès a été éprouvant et en même temps tellement salvateur! Les jurés et les policiers pleuraient en nous entendant raconter notre histoire. Papa dormait, drogué par les cachets. Il n'a quasiement rien voullu reconnaitre. Aujourd'hui je suis fiancée, mon ami sait ce qu'il s'est passé mais nous en parlons peu. Ce n'est pas toujours facile, parfois s'il me carresse le matin quand je suis encore à moitié endormis j'ai peur mais je n'arrive pas à lui expliquer pourquoi. Je voudrais vous dire a toutes et à tous de ne pas hésiter a porter en justice votre aggresseur. C'est une question de survie. D'être reconnu victime juridiquement remet beaucoup de choses en place. Et pour l'aggresseur, l'incarcération permet ausi d'avoir psychologiquement un moyen de racheter ses fautes, même si le mal n'est jamais effacé. Si vous hésitez à le faire, croyez moi sur parole, je pense que je ne serai plus sur cette terre si je n' avais pas porté plainte. La procédure est longue et c'est ce qui m'a permis petit à petit d'accepter l'idée de porter plainte, de me sortir du trou où je m'étais enterrée. Pourtant j'ai encore beaucoup de travail à faire, la blessure est encore là, mais dans quel était serai-je si je n'avai pas fait ça?