Témoignage femme: Que peut-il y avoir de pire maintenant?

Témoignage Publié le 15.04.2006
Je me rappelle aujourd'hui... L'odeur de la terreur me revient, je veux dire, cette chose qui vous suit à chacun de vos battements de coeur... Jusqu'alors je n'arrivais pas à regarder mon enfance du point de vue d'une adulte et je n'avais pas le recul pour réaliser l'enfer, la monstruausité de mon père. Je commençais à lui trouver des côtés positifs quand ma mère m'a rappelé quel être monstrueux il a été; il m'a fallu du temps pour le comprendre _ j'ai été MALTRAITEE_ chacun des coups reçu n'avait aucun sens, aucun n'était justifié. J'ai tout fait pour être parfaite, pour éviter ses colères, pour être à la hauteur de ses exigences qu'il avait envers nous mais jamais envers lui-même. Est-ce que j'ai été une enfant, une adolescente ? Quand ai-je commencé à exister? Je voudrais avoir baffoué, trangressé ses lois absurdes, dont je suis encore la prisonnière aujourd'hui. Je suis ma pire ennemie, impitoyable avec moi-même.

Ma psy me dit qu'on pourrait avoir du mal à croire ce qui nous est arrivé... On m'a dit aussi qu'il a manqué de nous crever. C'est comme si elle parlait de quelqu'un d'autre... Mon père, je me serais tuée pour lui et peut-être m'a-t-il tuée plusieurs fois, ou bien je suis tuée plusieurs fois, à l'intérieur, en silence. J'avais environ 8 ou 9 ans quand j'ai voulu mourir- ma soeur et moi, il paraît qu'on était "anorexique" toutes petites- des petits squelettes à moteur...
Ma soeur était moins "sage" que moi et elle en a payé le prix parce qu'il l'a battue avec une violence inouie, avec perversité... Je recommence à trembler en repensant à tout ça... C'est comme s'il avait prit son pied en lisant la terreur sur nos visages-
Le jour où on m'a dit qu'on avait été maltraitée, je n'arrivais pas à y croire. Je ressentais de la culpabilité du haut de 18 ans de profiter de la situation pour me faire plaindre-
Personne, personne, personne ne nous a protégées de ce monstre-là. "Et ta mère?" Ma mère n'a jamais été très tendre avec moi; elle intervenait quand elle était là pour essayer de diminuer la sentence mais...- on n'avait pas de voisins, pas d'amis, pas de famille à moins de 500 km et pas le droit de dire un mot sur ce qui se passait à la maison.
Encore maintenant je ne peux pas m'empêcher de minimiser. Ce n'est que quand je vois l'état de ma soeur, la violence dont elle a été capable et les difficultés qu'elle a pour vivre que je réalise... Il a été extrêment violent et avait des crises de colères terrifiantes- il a tué une chèvre de cette façon- mais il n'a pas été que ça... Quand on a commencé à grandir, il nous a volé notre âme, ce qu'on avait encore d'intact- mon intimité, ma dignité, ce que j'avais pu lui cacher jusque là. Il m'a prise comme sa compagne, sa bonne, l'oreille patiente qui écoute ses discours soporiphiques... et quand je suis partie à l'internat, ça a été ma soeur mais avec elle, il a poussé au plus loin la relation perverse. Il nous a mise en concurrence même sur ce plan là, en plus d'être des rivales de notre mère.
On me dit que la route est longue... J'apprend seulement maintenant beaucoup de choses. Je m'efforce d'apprendre à désirer, à m'affirmer, comme si, à 25 ans je devais apprendre à manger.
Je sais que je suis forte. J'ai survécu à l'enfer, à mon père, à sa tentative de suicide et à celles de ma soeur qu'on ne compte plus, au procès, au rejet de la famille paternelle et aux lendemains du procès...
Je veux vivre- j'ai la rage, la haine peut-être aussi... Pourtant, malgré l'energie que je dépense, la seule chose qui m'échappe et me renvoie au pire, c'est rencontrer quelqu'un et construire une relation. Mes expériences passées m'ont fait si mal que je me demande comment je vais m'en sortir- mon souhait le plus cher est de construire MA famille, mais... Les meilleurs moments de ma vie sont encore ceux que j'ai passé avec mes amis... Mes amis m'ont aidée à survivre et s'ils n'avaient pas été là, personne n'aurait été là...