Témoignage Femme: Regarder les choses en face

Témoignage Publié le 25.01.2008
J'ai 27 ans. Mon père a été jugé en 2000. Violence, atteinte sexuelle sur mineures. J'ai fini mes études et je galère depuis un an et demi pour trouver un emploi. Mon compagnon qui m'avait quittée est revenu dans ma vie il y a six mois et il m'a secouée comme je me trouvais hagarde, le goût à rien, à végéter chez moi et le moral dans les orteils. J'ai commencé à me bouger et du coup j'ai fait face à la réalité: je doutais complètement de moi, j'avançais à reculon dans mes démarches - du coup j'ai craqué un bon coup ce qui m'a amenée à reconnaître que je n'allais pas bien et à en parler à mon toubib. J'ai commencé un accompagnement avec l'anpe et puis je me suis décidée à voir un psychiatre. J'ai rendez-vous dans quelques jours. Je ne voulais pas retourner en thérapie mais j'ai envie d'avancer alors si il faut regarder les choses en face, alors tant pis (ou tant mieux). On verra bien... Le fait de parler au toubib et puis avec l'aide d'effexor, mon nouvel ami, j'ai retrouvé la patate et j'ai passé deux entretiens - deux refus.. et oui... la galère mais bon avec effexor à mes côtés mais pas que quand même (!!) je garde la motiv et j'me dit que j'ai déjà soulevé des montagnes quand je me mets en mode détermination donc ça finira par payer quand je ne m'y attendrais plus. C'est presque toujours quand on ne s'y attend plus que les choses arrivent.
Les autres expériences de thérapies, j'en reste un peu sur ma fin. Ca m'a accompagnée ponctuellement lorsque ma soeur a frôlé la mort après sa énième TS, ça m'a aidée l'année suivant le procès à rassembler mes morceaux.
Je crois que j'ai peur que cette thérapie remette en question ma relation avec mon ami - ma dernière thérapeute m'a ainsi affirmé de façon redibitoire qu'il n'était pas pour moi, qu'il ne m'apporterait pas la sécurité dont j'ai besoin. De quel droit?
Avec lui, il y a toujours des peurs, des angoisses qui me parasitent la tête, des flashs. Je crois que je n'ai pas encore réussi à être totalement en confiance avec lui. Une amie me bombarde la tête en ce moment avec sa suspicion à son égard et ça me mine. Je pourrais m'en foutre mais ça me touche et réveille mes peurs voraces comme si elle pouvait avoir raison.
Cet homme m'a fait souffrir dans le passé mais si j'accepte le risque de vivre une relation avec lui, si j'accepte de dépasser ces peurs sans nom et sans visage que je porte en moi depuis si longtemps et qui m'isolent du monde, alors de quel droit remet-on en question mon choix. Qu'on me laisse vivre ma vie et assumer mes choix. Cet homme est important pour moi. Il m'a aimée comme personne et il a pris soin de moi. Je ne veux pas vivre sur la touche parce que je risquerais de souffrir.
Il y a le flou dans ma tête. Je suis à la lisière de cet état où mes certitudes, mes repères m'abandonnent et je ne veux pas sombrer. Je vis depuis 2000 dans un monde friable, où le sol peut à tout moment s'échapper sous mes pieds.
Depuis le jour où mon père a fait cette tentative de suicide et ce séjour à l'hôpital qui a permis à ma soeur de dire ce qu'il lui avait fait.
Depuis le jour où j'ai appris que j'avais été maltraitée dans mon enfance, que ce que je croyais normal ne l'était pas et que mon père avait violé mon innocence.
Depuis le jour où j'ai appris que celui qui m'a conçue, qui était mon père, un repère de ma vie, est en fait un pervers.
Depuis le jour où j'ai perdu ma famille, celle de mon père et celle de mon oncle maternel qui s'est préservé de notre traumatisme.
Depuis le jour où ma mère a vendu la maison de mon enfance, celle où je croyais un jour amener mes enfants et que nous sommes parti sans dire un mot à personne pour tenter une vie meilleure ailleurs - en s'enfermant dans notre silence pour garder un peu de notre dignité.
Jusqu'à ce jour, ce qui me tenait en vie c'était le fait de savoir qu'un jour je partirais, que je quitterais mes parents pour vivre ma vie. Je n'avais pas conscience des choses mais je rêvais de partir... très jeune j'avais déjà imaginé des fugues, j'économisais mon argent pour après.
Un jour, tout à coup, on est intervenu rapidement dans ma vie, dans ma famille - on m'avait sauvée du pire mais en me laissant démunie pour vivre mes lendemains. Je me sens coupée en deux, morcellée et vulnérable.