Une vie dans ses griffes : s'en sortir mode d'emploi

Témoignage Publié le 10.10.2010

Fotolia_1715529_XSBon, après avoir lu les témoignages de nombre d'entre vous, je me dois de motiver tous ceux et celles qui se battent au quotidien pour rendre de la vie à leur vie. J'y parviens depuis peu, alors je viens témoigner. Mon histoire est classique : des parents absents, toujours trop occupés à faire autre chose qu'à s'occuper de mon frère et de moi. Des parents irresponsables trop occupés par leur propre dépression. Une mère qui ne désirait clairement pas devenir mère, un père qui veut toujours faire plaisir à la mère, quitte à sacrifier les enfants.

Alors bien sûr le reste de la famille est à l'image des parents, les chiens ne font pas des chats. La dureté de coeur, le manque d'écoute, d'affection et de protection a fait des ravages dans notre belle famille. Un meurtre, des suicides, et des cousins peloteurs. Mais n'allons pas trop vite.

Première étape : mon frère et moi sommes abusés à différents degrés par notre jeune voisin de 15 ans. Mon frère a 9 ans, moi 6. Mon frère tente tant bien que mal de me dissuader de le suivre lorsqu'il part avec le voisin. Peine perdue, moi aussi je veux de l'affection. Ce sera donc pour moi pénétration digitale, masturbation, éjaculation, sensation d'être salie pour la vie. Mon frère a quant à lui gagné le gros lot. Viols multiples et anorexie pendant l'adolescence qui a suivi. Un bien chouette programme lorsqu'on rajoute la honte et la culpabilité éprouvée par mon frère qui n'a rien pu faire pour m'épargner. Et une relation frère soeur bousillée pour la vie, une!

Mais je n'allais pas tarder à décrocher l'euromillion, ma cagnotte bien à moi.  Mon début d'adolescence est marqué par une honte de mon corps qui prend des formes que je déteste et des disputes violentes avec mon frère et mon père car le genre masculin m'insupporte au plus haut point. Le sexe fort m'inquiète. Je crois que chaque être humain doté d'un pénis ne veut qu'une seule chose : me sauter dessus pour me faire subir un maximum d'outrages. J'allais oublier la bonne vieille dépression qui colle aux basques depuis quand? J'ai perdu la date?

Là bingo : rencontre avec la personne que je n'aurais pas dû croiser : mon cousin, de quinze ans plus âgé, marié, deux enfants. Un cousin que ma famille rencontrait pour la première fois. A la sortie du collège, 15 ans : j'ai su qu'il était dangereux.

Comme j'avais raison : c'était un pervers narcissique de haute voltige, un obsédé du dépucelage, du "je vais t'apprendre moi parce que les jeunes de ton âge ne savent pas, eux." Oh! Il a pris son temps pour me ferrer. Il a endormi la vigilance de mes parents pendant 6 mois, puis il est passé à l'offensive, en utilisant mon talon d'achille : mon besoin insatiable d'affection. Il s'est dit que grâce à ce biais, il obtiendrait satisfaction à ses besoins sexuels insatiables. Il a attendu encore 6 mois et lorsque j'ai eu un problème de santé nécessitant une intervention lourde, une semaine avant il m'a fait ce deal : "t'as pas de parents, pas de frère, ils sont aux abonnés absents. Moi je suis là mais cela a un prix". Je décrypte en language courant parce qu'un pervers, ça enrobe toujours la praline pour se donner le beau rôle. Celui du sauveur, en l'occurence, pour mon cousin.

Et alors que jusque là, 17 ans, j'étais parvenue à m'occuper plus ou moins correctement de moi, et bien à partir du moment où il m'a violée, une haine féroce de moi-même s'est engagée. Je me faisais mal, je ne m'occupais plus de moi, je mangeais n'importe quoi, quand je mangeais. Je me laissais crever. Et fait incompréhensible pour ceux qui n'ont pas vécu cela, ma vie ne se ranimait que lorsque je savais que j'allais le voir. J'étais devenue dépendante à sa violence, à son mépris. Je planais littéralement après nos rapports. Au début, il me faisait croire qu'il m'aimait, que j'avais des qualités. Puis j'ai eu droit à des insultes toujours plus blessantes et fines : tu es maquillée comme une pute, tu n'es pas intelligente. La praline enrobée toujours. Jamais de choc frontal. Insidieux. J'essayais tant bien que mal de lui rendre sa haine en le dénigrant à mon tour. J'étais totalement perdue.

Coup d'éclat : sans avoir rien demandé, c'est soirée partouze. Ah si, il m'a quand même fait croire que la demande émanait de moi, le minimum syndical du pervers narcissique. C'est comme cela que je me suis retrouvée à coucher avec des relations de travail de monsieur. Cela lui permettait de fourbir ses armes et d'avoir de quoi me dégrader un peu plus : t'es une pute, la preuve!

Je n'en pouvais plus de cette relation qui a duré 3 longues années dont je vous passe les détails scabreux, pas besoin de beaucoup d'imagination. J'ai remarqué  au lycée un garçon très différent de mon cousin et je l'ai invité. Je voulais une protection pour que ce cousin cesse de me harceler. Peine perdue, il venait me relancer jusque chez mes parents, en jouant le rôle du membre de famille prodigue. Mes parents étaient aux anges ; lui aussi, de me voir dans tous mes états pour l'éviter.

J'ai fini par déménager et rencontrer un autre garçon qui est devenu mon mari. Depuis 8 ans qu'il me connaît, c'est la première année où je vais bien. En fait c'est la première année où je vais bien depuis15 ans, depuis que j'ai rencontré ce fils de p***.

Comment ai-je fait pour m'en sortir? Dans l'ordre : une personne de confiance qui m'a écoutée - mon mari et qui a cru en moi malgré mes crises de nerfs, de tétanie, l' anorexie, l'envie d'arracher la peau de tout mon corps, et une dépression abyssale à cause de laquelle j'ai failli très sérieusement mettre fin à mes jours 1 fois. Cela suffit à mettre sérieusement les jetons. La ligne rouge à ne pas franchir, il y a comme un gyrophare clignotant dans la tête.

Donc d'abord mon mari. Puis j'ai fait de l'ostéopathie, j'ai remis d'aplomb mon corps déglingué d'à peine 23 ans à l'époque. Puis on m'a conseillé l'acupuncture. Cela a été la première fois que j'en parlais à quelqu'un d'autre que mon mari. Thérapie d'un an et demi. Puis je me suis sentie assez forte pour consulter un psy. J'ai pratiqué ( et pratique toujours lors de nos séances) l'EMDR, technique quasi-magique qui digère les traumatismes. Associée à de la sophrologie, qui permet de renouer le contact avec son corps, l'EMDR a changé ma vie. Cela fait 2 ans et demi. Je pense en avoir encore pour un an de thérapie d'EMDR.

Ma colère est encore trop souvent présente à mon goût mais ma plus grande victoire aujourd'hui, en plus d'avoir réussi à garder mon mari malgré nos problèmes intimes et d'avoir une vie professionnelle épanouissante, ma plus grande victoire c'est de m'aimer moi-même chaque jour un peu plus.

Le miracle d'aller mieux est à la portée de chacun et de chacune. Je croyais que je serais morte et enterrée pour mes 30 ans. Et voilà : aujourd'hui, je parviens à ressentir ce qu'est la paix intérieure.  Depuis 10 ans, j'ai consacré toute mon énergie vitale à me construire après les naufrages successifs de ma courte existence. J'ai toujours su qu'il y avait de la lumière au bout du long, très long tunnel.

Amour et paix à toutes et tous parce que nous le valons bien.