Vivre (avec)

Témoignage Publié le 05.01.2021
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Bonjour mes frères et sœurs de souffrance, j'ai 57 ans. Un inceste m'a été infligé par mon frère ainé de 10 ans plus âgé que moi, vers mes 7 ans.

J'ai, malgré tout, eu de la chance : un inceste fraternel est moins atroce au niveau répercussions qu'un parental et lorsque je lis vos témoignages, je n'ai été abusée qu'une dizaine de fois.

Après des années de mise à l'écart dans ma tête de cette zone d'ombre, j'en ai parlé à ma mère vers mes 15 ans;  il a juste été envoyé en province pour faire ses études. Mes parents ne m'ont posé aucune question, je n'ai pas vu de psy, malgré un simulacre de suicide, des relations très difficiles pour moi avec les garçons et des alertes de la part d'une psy scolaire, amie de mes parents.

J'ai réussi malgré tout à me marier avec un homme bon et droit, à avoir 3 filles équilibrées et à faire des études supérieures. Par contre, enfance avec timidité extrême, confiance en moi limitée, recherche de l'amour à tout prix, ce qui m'a fait rencontrer des hommes nuls jusqu'à la rencontre de mon mari. Ma souffrance a été réactivée lorsque je suis devenue mère.

Ma mère a 99 ans et je lui en veux toujours : de ne pas m'avoir protégée avant, de ne pas m'avoir écoutée après, de ne pas avoir réagi autrement que par "tu aurais dû mettre ton mouchoir dessus, comme moi et oublier", car elle avait subi au moins des attouchements d'un oncle et son père a eu une conduite incestueuse avec sa sœur.

Je suis arrivée après 20 ans de psy à trouver un équilibre en moi. Mais j'ai des regrets fréquents (lorsque je vois mes filles à l'aise avec les garçons, se mettre en valeur, être bien dans leur corps...), je suis toujours en train de me comparer aux autres (la plupart du temps à mon détriment). Bref, je vivrai jusqu'au bout avec cette souffrance de "ne pas me sentir comme les autres".