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Que dire à mon enfant des abus que j'ai subis ?

S
sable12
Inscrit il y a 6 ans / Nouveau / Membre
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Bonjour,

J'ai été victime des abus répétés de mon père pendant de longues années.
Il y a eu jugement et lourde condamnation, j'ai beaucoup de soutien et je m'en sors heureusement plutôt bien malgré la gravité des faits. Mais... on ne maîtrise pas tout...
J'ai un petit garçon qui a maintenant 6 ans, et je m'interroge sur ce que je peux/pourrai lui dire, et quand. L'inceste n'est pas un tabou pour moi, lui parler sans m'effondrer me semble envisageable. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il peut tout entendre !
Comment gérer les non-dits, les choses qu'il intègre malgré lui, malgré moi, malgré nous tous, ses proches, qui sommes au courant de cette situation ? Comment savoir à quel moment le secret ne doit plus en être un ?
Par exemple, dans nos mots, nos vies, notre fils reconstitue probablement un arbre généalogique dans lequel il manque un de ses grand-pères, celui dont on ne parle pas, parce qu'on n'a pas de bien à en dire, parce que quelque part, il ne fait plus partie de la famille depuis bien longtemps. Il l'a bien intégré, puisqu'il n'en parle pas non plus, et ne pose pas de questions.
Je ne souhaite pas que cela soit un secret de famille, comme ceux qui créent des souffrances dont les héritiers ne comprennent pas le sens. J'ai la force de lui parler, et pour les mots, je ferai comme je peux, je prends déjà conseil. Je me sens dans mon rôle, à la fois de maman, et de "survivante".
Certains me disent que cela ne peut certainement pas lui faire du bien de savoir ce que sa mère a enduré. Je pense au contraire que puisque ce passé ne s'effacera plus, il ne faut pas le nier, et j'ai une force à lui transmettre, des tabous à combattre.

Quel sont vos avis svp... ?

Merci,
Sable12
8 messages
A
Adèle9
Inscrit il y a 6 ans / Actif / Membre
Publié le 23.10.2017 18:24
Bonjour Sable,

J'ai été abusée par mon géniteur et quand j'ai pu le réaliser, il y avait prescription.

J'ai un fils et j'ai pu lui parler des actes de son grand père envers moi, sans entrer dans les détails. Il avait entre 10 et 12 ans. Ensuite, nous en avons peu reparlé. Mon fils voit son grand père de temps en temps et il a les armes pour se protéger.J'ai coupé les liens avec ma famille, mon fils sait le pourquoi, même s'il ne réalise pas encore l'ampleur des dégâts de l'inceste dans notre famille.
Mon géniteur reste dans le déni... Ma fratrie sous emprise.....

Aujourd'hui mon fils est un adulte. Je pense qu'il a encore des questions à me poser et pour l'instant il ne les pose pas parce qu'il n'est pas prêt à entendre.....il me semble.Il respecte mon choix de ne plus revoir mon abuseur.

Je pense qu'il faut dire la Vérité aux enfants, en respectant leur rythme.

Je vous envoie tout plein d'ondes positives et je sais à quel point il est difficile d'être parent après de pareils traumatismes. C'est très courageux de couper la répétition.

Prenez soin de vous.

Chaleureusement.

Adèle.
A
abribus
Inscrit il y a 14 ans / Actif / Membre
Publié le 23.10.2017 23:15
Bonjour,

Je suis d'accord et il ne faut jamais mentir en tout cas.

Pour ma part j'ai un petit garçon qui va sur ses 6 ans. Je ne le vois que pour les vacances car sa mere vie loin de moi. De plus sa mère va de temps en temps chez mes parents (ses grands parents donc)que je ne vois plus. Il n'a donc jamais vu mes parents en ma compagnie.

Alors au début j'ai tenté de lui expliqué que c’était mes parents qu'il voyait. Mais que moi je ne les voyait pas. Et puis je lui ai expliqué pourquoi. Je lui ai dit que mes parents avaient été méchant avec moi. Qu'ils avaient fait des choses qu'il ne fallait pas faire. Alors il a voulu savoir quoi. Alors je lui ai dit que mes parents avaient montré leur kiki.

J'ai compris plus tard que mes parents lui avait expliqué que c’était pas exprès. Tout ça tout ça... (c'est cela oui...surtout ne pas y croire, ça a eu le dont de m’énerver) alors je n'insiste pas, je ne fais que répondre a ses questions. En donnant mon point de vu. Il fera son avis a lui avec son cœur.

Juste répondre aux questions en utilisant les mots de son age. Simplement...
Je me souviens qu'il m'a demandé pourquoi sa mère et moi nous étions séparé... je lui ai dit bah parce qu'on ne s'entendait plus... il m'a dit ah oui ça me va comme réponse...

Avec son enfant il faut partager ce qui a été notre vie.... c'est son héritage, la d’où il vient. C'est le monde auquel il appartient.
A
*Profil supprimé*
Publié le 23.10.2017 23:35
Je pense sincèrement qu'il faut en parler à votre enfant. S'il n'en parle pas, c'est qu'il a intégré l'existence du problème justement. Et quelques mots, comme une porte ouverte sur la possibilité d'en parler, je crois que c'est important.

Ce qui a causé la grave opération de ma mère (lobotomie pour TOC), ce qui expliquait les visites en cachette de mon père du grand-père maternel et la haine intense de ma grand-mère paternelle, je n'en ai rien su. J'ai ressenti cette haine bien sûr. Je comprends que mon père n'avait pas les moyens de transmettre, trop de douleur, et que le silence avait pour intention notre protection ... sauf que longtemps après, on s'aperçoit que le silence a fait des ravages. Ma fille a été victime de son frère aîné, l'inceste non-dit a surgi à nouveau. C'est terrible de ne pas pouvoir rompre la transmission.

Quels mots faut-il dire ? déjà en maternelle, les enseignants proposent souvent un arbre généalogique bien problématique pour nombre d'enfants (divorces, adoptions ...). "Vous avez eu vous aussi un père et une mère, mais ce père vous a fait beaucoup de mal et c'est pour cela que vous ne le voyez plus" ... c'est simpliste, mais pour un enfant très jeune, ça peut être "suffisant".
Ma fille m'a demandé, à 3 ans, pourquoi son père et moi nous nous séparions. Je lui ai dit que son père préférait les hommes et que moi j'étais une femme. Il y avait plus à dire, mais elle a entendu quelque chose de simple, "apaisant", ce n'était pas de sa faute.

Je ne fais que partager mon expérience, je sais surtout que le silence n'est pas la solution.
J
jess17
Inscrit il y a 7 ans / Débutant / Membre
Publié le 25.10.2017 13:44
Bonjour. D'après tout ce que j'ai lu sur le sujet, personnellement, je crois fermement qu'il faut en parler avec des mots adaptés à leur âge bien sûr. Ça rompt la transmission. Je suis dans la même problématique que vous. Le plus âgé de mes frères à abusé de moi quand j'avais 5 ans et c'est l'âge qu'a mon fils actuellement.. Je ne sais pas encore trop comment le faire car de toute façon,il a peu vu mon frère mais il a vu des photos de famille et il sait qu'il existe. Je réfléchis sérieusement sur le sujet car il a une petite sœur et je suis vraiment paniquée à l'idée que la chose puisse se reproduire. Je vais simplement en parler à ma psy, je crois. Elle me donnera surement de précieux conseils pour aborder le sujet avec lui. Pour ma part, je suis certaine que vous êtes dans la meilleure démarche.
N
nikko
Inscrit il y a 10 ans / Actif / Membre
Publié le 25.10.2017 14:46
Bonjour,

Sujet très délicat. Je suis dans cette situation. J'ai coupé les ponts avec ma famille il y a quelques années, mon fils avait 8 ans. Il a fallu que je lui parle car il culpabilisait de cette rupture. Je ne suis pas rentré dans les détails de mon enfance, j'ai réussi à lui faire comprendre que j'étais très faché avec mes géniteurs, qu'ils m'avaient fait beaucoup de mal. Et surtout j'ai beaucoup insisté la dessus, que s'il avait des questions, je ferai le mieux possible pour lui répondre. Et qu'il n'hésite surtout pas. Les dernières date de quelque semaines, il a aujourd'hui 12 ans. Je tiens a aussi dire que ma femme m'a beaucoup épauler dans les dialogues avec mon fils. Pas évident de parler, un soutien, quelqu'un qui peu reformuler plus clairement à côté, je pense que c'est judicieux. Je suis resté vague sur mes explications. Aujourd'hui il a des questions, donc je fais de mon mieux pour y répondre et j'essaie que ma femme soit là.
C'est plus facile de répondre à des questions que de tout expliquer.

Après j'ai un petit dossier pour lui si un jour il ressens le besoin de se plonger dans l'histoire de sa famille. Je la considère plus comme ma famille mais bon, c'est mon histoire. Il y a tous les courriers échangés lors de la rupture avec mes géniteurs, et les autres membres de la famille. Quelques photos. Les courriers reçu pour lui de ses grand parents que je lui ai jamais donné, les chèques... Je précise que je ne lui ai jamais donné c'était pour le protéger (j'ai peut être fais une erreur), mais les courrier était culpabilisant pour lui.

Je ne suis pas pour tous dire à nos enfants, mais répondre honnêtement aux questions et dire qu'on est là.

Bon courage
S
sable12
Inscrit il y a 6 ans / Nouveau / Membre
Publié le 25.10.2017 22:28
Bonsoir,

Je vous remercie pour vos réponses, dans lesquelles je lis un encouragement unanime à ne pas garder le silence.
J'en ai parlé à son papa après avoir écrit mon message : "tu ne peux pas lui dire un truc pareil, pas dans les 15 ans à venir en tout cas !!!"
Un ami m'avait également mise en garde sur le risque de faire ces révélations, le poids à porter, le secret familial qui fait tout exploser en vol quand il n'en est plus un.
Ces révélations font peur, je crois, et je le comprends. C'est effectivement très délicat, et je sais bien qu'un jour ou l'autre je vais marcher sur des œufs, car j'aurai des mots à choisir, sans forcément connaître leur impact, immédiat ou à long terme. C'est une vraie responsabilité.
Je n'ai pas de psy pour me conseiller, j'y avais songé en effet.

Il m'est inconcevable de cacher son histoire à mon fils, car oui, c'est bien aussi la sienne, son héritage. Je n'ai pas la problématique des visites, car je n'ai pas revu mon père depuis son procès en 1997 et n'ai aucune idée d'où il vit actuellement. C'est un soulagement.

Le petit dossier me semble une bonne idée... à condition d'avoir quelque chose à y mettre, pour ma part je ne vois pas trop (pas de courrier, pas de photo...)
J'ai dû avoir un jour l'article de journal, anonyme, évoquant la condamnation d'un homme, la veille, en huis clos... je réalise qu'il ne me reste pas grand-chose.

Sable
O
oveane
Inscrit il y a 7 ans / Nouveau / Membre
Publié le 20.12.2017 17:52
bonjour,

Je vois que vous avez une grande force de résilience,pas de séquelles, pas de réactions post-traumatique. Vous avez énormement de chane..

Mais comment avez vous fait sans passé par des psy ?
S
sable12
Inscrit il y a 6 ans / Nouveau / Membre
Publié le 03.01.2018 00:12
Bonsoir Oveane,

Désolée pour le retard de réponse... et bonne année, à tous, à chacun, à chacune, avec ce qu'il vous faut de force et de courage pour vous (re)construire.

C'est vrai que j'ai le sentiment de revenir de très loin. J'ai rencontré les bonnes personnes, je crois, qui m'ont écoutée, entendue, tous, qu'il s'agisse d'amis ou de professionnels.
D'abord, le premier à qui je me suis confiée ; ensuite, un psy, une assistante sociale... puis ma mère, que je craignais de faire souffrir. J'avais toujours fait en sorte, moi aussi, qu'elle ne devine rien !
Ensuite, le Policier de la brigade des mineurs, très pro, rassurant. L'avocat, là pour me défendre.
Et pour ce qui est du déroulement : l'arrestation de mon père, le fait qu'il ne nie pas, même s'il a tout minimisé. Le procès, presque deux ans plus tard, et la condamnation, exemplaire : 18 ans de réclusion criminelle, dont 12 de peine de sûreté, et suppression des droits civils, civiques, et de famille, pour 10 ans.
A l'opposé, il y a eu le comité de soutien qui a été créé... pour lui. Ceux qui sont venus témoigner à la barre, dire qu'il était un "bon père". Là, c'est la condamnation qui répare, qui les faire taire et remet les choses à leur place. C'est lui le coupable, rien ne permet plus de dire le contraire, plus jamais.

J'ai vu une psychologue à la fac, pendant un an, quatre ans après le procès, je crois. Je m'en souviens peu, j'étais dans un autre monde, perdue, en souffrance.
Puis, une psychiatre, un an aussi, une dizaine d'années plus tard, après avoir craqué dans la rue, m'écroulant de douleur ; jusqu'à ma grossesse, qui a été un grand bonheur, et une sorte de "revanche" sur mon passé. J'ai dit à la psy que j'arrêtais, que je passais à autre chose. En fait c'était comme si je ne regardais plus le passé, mais l'avenir.
Cette psy a été très bien, elle m'a énormément aidée, concernant ma culpabilité notamment. Par contre, je n'ai jamais réussi à vraiment supporter de la payer alors que j'étais la victime, pendant que mon père n'avait rien à sortir de sa poche. Qui paie / a payé le sien ? Mes impôts ? Je ne sais même pas.

Ma colère m'a donné envie de me battre. Ne plus survivre, mais vivre, et être heureuse.
Le temps fait le reste, et atténue aussi cette colère. Je me sens surtout chanceuse, quelque part, d'avoir été sauvée. Et je me souviens avoir parfois savouré ma liberté, pleinement, alors que je me promenais et que mon père était sous les verrous.

C'est un ensemble, une chance, un caractère, un combat, un entourage, des vrais amis, triés sur le volet, mais surtout, la parole. Et j'insiste. Sans elle, je n'en serais pas là aujourd'hui. Peu importe la vive douleur que j'ai pu ressentir à chaque fois, elle était nécessaire, dans la bienveillance et l'écoute, les larmes qui avaient le droit de couler. Elle m'a soulagée, un peu plus à chaque fois. Je dis parfois que j'ai usé mes émotions à force de parler, encore et encore, des mêmes choses. Tant pis si c'est déjà dit, tant pis, ça ne soulage pas en une fois.
Peut-être que la résilience est là, dans ces épreuves surmontées peu à peu. Cette immense montagne, ce sommet qui paraît si loin, tellement décourageant, mais dont on n'a sans doute jamais été si près.

Courage.

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