La première partie du roman de Vanessa Springora s’appelle « L’enfant ». Car dans l’histoire vraie racontée ici par l’écrivaine, tout commence là. C’est l’enfance qui permet de comprendre comment une toute jeune fille de treize ans, dont le père est aux abonnés absents, se laisse prendre au piège d’un homme de plus de 35 ans son aîné. Gabriel Matzneff, prénommé « G. » dans le roman, magnétique, séducteur, rencontre l’adolescente lors d’une soirée entre auteurs organisée par sa mère. S’ensuit des lettres d’amour insistantes de « G. », une invitation, puis une relation dont il sera – forcément - le maître, entraînant « V .» dans une mécanique nocive dont il sera difficile de se défaire.
Le consentement nous permet de vivre le lien qui se tisse insidieusement entre le quinquagénaire et la jeune adolescente à travers les yeux de celle-ci. Vanessa Springora fait ressentir toute la candeur qui peut habiter une jeune fille de treize ans lorsqu’elle rencontre un substitut paternel : « Je suis amoureuse, je me sens aimée, comme jamais auparavant. Et cela suffit à gommer toute aspérité, à suspendre tout jugement sur notre relation. »
Dans une écriture où la plume est flèche transparente, le récit nous heurte par l’évidence que ce qu’une jeune fille de treize ans ignore, un homme de cinquante peut lui seul en avoir conscience. Et il s’en sert.
Vanessa Springora arrive à nous faire nous replonger nous-mêmes dans notre fragilité adolescente, où la parole de l’adulte était la seule de référence, la seule nous permettant de nous construire. Lorsque les mots sont crus, choquants, ce sont d’ailleurs toujours ceux des adultes.
Son œuvre nous rappelle aussi, non sans créer d’effroi, l’époque ignoble où certains intellectuels de renom signaient des pétitions soutenant des actes pédophiles.
Époque révolue ? Certains jugements récemment rendus révèlent à quel point la justice feint d’ignorer parfois qui est réellement un adolescent et l’ascendant foudroyant que peut exercer un adulte sur lui.
La deuxième partie du roman, nous faisant passer de « L’enfant » à « La proie », commence par cette double définition :
« Consentement: domaine moral. Acte libre de la pensée par lequel on s’engage entièrement à accepter ou à accomplir quelque chose.
Domaine juridique. Autorisation de mariage donnée par les parents ou le tuteur d’un mineur. »
D’un sens à l’autre, la même question se pose : comment s’appartenir à soi-même dans un âge de vulnérabilité ? Qu’est-ce que consentir librement ? C’est à la société et à la justice actuelle de le permettre aux mineurs sexuels, certainement mieux qu’elles le font actuellement.
Le consentement de Vanessa Springora
Editions Grasset. 18€
Aude Maireau