Par Margot Gomès.
Durant l’année 2010, l’organisation SDYS (San Diego Youth Services) s’est radicalement transformée. Elle est devenue une structure sensible et informée des traumatismes. Concrètement, cela veut dire que plutôt que de réprimander les jeunes passant à l’acte en leur demandant “Mais qu’est ce qui cloche chez toi?”, les éducateurs spécialisés de SDYS se mirent à demander aux jeunes “Qu’est-ce qui t’es arrivé ?”, et à travailler avec les jeunes sur leur guérison et leur rétablissement.
Les résultats furent incroyables. Il y a plus de jeunes qui se tournent vers l’institution pour demander de l’aide. La police est moins impliquée à tout les niveaux, les placements en famille d’accueil sont moins nombreux. Et le turnover des éducateurs spécialisés travaillant à SDYS a chuté drastiquement.
Avant 2010, il y avait des règles spécifiques qui devaient être respectées par les jeunes pour garder un toit. Si vous n’étiez pas rentrés avant 19h30, vous ne pouviez pas passer la nuit dans le foyer. Ce n’était pas qu’ils se fichaient d’où vous passiez la nuit, c’était que les raisons pour lesquelles vous n’étiez pas là n’étaient pas prises en compte” rapporte Indie, un ancien jeune du foyer. Gabriella Grant directrice du California Center of Excellence for Trauma-Informed Carer a remi en cause ce principe, et poussa l’équipe du SDYS à passer en revue les dossiers des jeunes renvoyés durant les 3 dernières années. L’équipe se rendit compte que non seulement les mesures de renvois étaient inefficaces, mais qu’en plus elles n’étaient carrément efficaces pour aucun jeune !
La question se posa alors : comment faire des règles plus efficaces ? Plutôt que de se concentrer sur les conséquences, les membres de l’équipe se mirent à discuter seul à seul avec les jeunes des raisons de pourquoi ils n’arrivaient pas à honorer leurs engagements.
Le changement et l’introduction du concept de traumatisme dans l’organisation s’est faite en changeant les règles s’appliquant aux jeunes, mais aussi en formant les formateurs et les éducateurs spécialisés.
Ces changements ne se sont pas faits sans heurts, voyant certains des éducateurs de l’organisation la quitter sous prétexte que SDYS devenait “trop souple” vis à vis des jeunes. Cela a posé la question du processus de guérison des éducateurs eux-mêmes, et de l’avancée de ce processus. Ayant répondu au test ACE en 2010, on s’est en effet rendu compte que les éducateurs avaient un taux plus importants de traumatismes que la cohorte ACE d’origine. Cela amena le concept de “ personnel de santé blessé” sur le devant de la scène et permis à SDYS de prendre en charge les éducateurs spécialisés qui avaient besoin de se rétablir.
Caroll, une des membres du staff de SDYS, poursuit : “Etre informée des traumatismes pour les organisations, c’est reconnaître que l’équipe a aussi une histoire de traumatisme à surmonter. C’est ce qu’on appelle "la formation des formateurs.”
La refonte du système de prise en charge du traumatisme à SDYS s’est traduite en outre par l’adoption de thérapies comme l’EMDR pour les jeunes, et d’art thérapies. Les suggestions de jeunes sont désormais aussi prises en compte, pour “donner à tous une chance d’exprimer et de voir leurs besoins satisfaits”.