Siège social : Maison des associations – B7- 20, rue E. Pailleron 75019 Paris
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Face à l'inceste est fédérée à « Osons Agir !»
Ministère de l’Intérieur
Objet : GRANDE CAUSE NATIONALE : LA SECURITE DES MINEURS
Paris,
Le 21 septembre 2004
Madame, Monsieur,
Nous vous remercions de votre accueil et de votre écoute lors de la réunion du 16 septembre dernier. Nous avons noté avec intérêt la prise de conscience que vous souhaitez engager au niveau des pouvoirs publics et des associations concernant les menaces intrafamiliales sur mineurs à savoir :
• Violence physique, maltraitance sexuelle, mariage forcé, enrôlement sectaire, mendicité, délinquance, homicides liés à la séparation, enlèvements parentaux, négligences, absences de soins, accidents domestiques, fugues…
Selon nous, il y peut y avoir dans cette liste une confusion des causes et des conséquences. Par exemple, on sait par notre expérience et par les études menées outre atlantique que 78 % des adolescents fugueurs déclarent des sévices de la part de leur parent dans l'année qui précède la fugue (Farber, E.A. & Egeland, B. 1987. Invulnerability among abused and neglected children. In E.J. Anthony & B. Cohler (Eds.), The invulnerable child. New York: Guilford Press). Toutefois nous avons bien conscience que l’exposé de jeudi était un récapitulatif des propositions qui vous ont été faites.
Maintenant, nous souhaiterions vous proposer plusieurs mesures pour protéger les mineurs des violences intrafamiliales qu’ils subissent bien souvent dans le plus grand secret (en matière d’inceste 90% des victimes ne portent pas plainte) ainsi que des violences qu’ils peuvent subir en institution, notamment au sein des foyers ou familles d’accueil.
La liste suivante n’est pas exhaustive car nous le savons bien, nous ne pouvons régler un problème aussi important et tabou que l’inceste en deux mois. Cela nécessite une réflexion approfondie et une concertation importante. Toutefois voici nos axes prioritaires concernant la prévention, définis suite à la consultation des victimes d’inceste :
Prévention : selon l’OMS, il existe trois niveaux de prévention
• Prévention primaire (visant à empêcher le passage à l’acte) :
i. Réinsertion dans notre code pénal du crime d’inceste, enlevé courant du 19e siècle, car un tabou ne peut être combattu qu’en étant nommé et clairement cité dans la loi.
ii. Imprescriptibilité des crimes et délits sexuels sur enfants afin que les victimes puissent porter plainte même des années plus tard (plus de 38 ans) afin de protéger d’autres enfants des agresseurs qui on le sait peuvent faire des dizaines de victimes au cours de leur « carrière » d’agresseur sexuel. Cf. notre dossier « L’inceste : un crime spécifique et imprescriptible – Pourquoi faut-il changer nos lois ? » ci-joint.
iii. Mise en place d’études de victimisation régulières afin de pouvoir piloter la protection de l’enfance dans notre pays et notamment définir notre chiffre noir que l’on devine très important.
iv. Mise en place d’études scientifiques des troubles et conséquences des maltraitances afin de mieux les prévenir.
v. Information des parents durant la grossesse pendant les séances de préparation à l’accouchement, dans les maternités et pendant les examens médicaux obligatoires de l’enfant.
vi. Campagnes d’information grand public récurrentes visant les adultes (agresseurs ou potentiels, agresseurs, entourage immédiat des enfants) sur l’interdit de l’inceste, les sanctions encourues non seulement pour le crime commis mais aussi pour l’absence de signalement du crime.
vii. Information des enfants dès la maternelle jusqu’au lycée sur leurs droits et sur les limites à ne pas dépasser concernant leur intimité, sur l’existence du 119 et son rôle, ceci par des interventions en classe mais aussi par écrit (dès le cours préparatoire) dans chaque manuel scolaire en page de garde avec un langage adapté à l’âge de l’enfant.
viii. Avant recrutement, enquête de moralité et examen du casier judiciaire des intervenants auprès des enfants : travailleurs sociaux, assistantes maternelles et leur conjoint, enseignants, animateurs de centres de loisirs ou colonies…
• Prévention secondaire (détection des premières manifestations)
i. Formation obligatoire des personnels en contact avec les mineurs sur les violences sexuelles, leurs conséquences, leur repérage et sur les procédures de signalement.
ii. Mise en place d’un suivi psychologique systématique pour les enfants fugueurs, délinquants, pour les mineures de moins de 16 ans subissant une IVG. Stockage de l’ADN de l’embryon pouvant prouver l’inceste en cas de procédure judiciaire ultérieure.
iii. Détection des enfants maltraités dès la crèche avec des outils ludiques (dessins, jeux de rôles, fiches thématiques…).
iv. Information dans les écoles sur les maltraitances sexuelles et sur les moyens de les signaler lorsqu’un enfant en parle à un autre enfant. On constate que le premier confident de l’enfant agressé est dans 50% des cas un ami ou sa mère.
• Prévention tertiaire (réduire les conséquences)
i. Considérer l’enfant qui ose parler comme un enfant « présumé victime » même si il a commis des actes de délinquances qui sont parfois des appels au secours ou les conséquences de sévices subis (vol, toxicomanie, fugues, violences physiques…).
ii. Protéger immédiatement l’enfant de l’agresseur présumé. Si les deux parents sont impliqués, séparer l’enfant de ceux-ci en le plaçant dans un environnement sécuritaire spécifique à cette problématique (foyer spécialisé) avec du personnel hautement spécialisé et formé aux rouages de l’inceste. (Voir structure d’Agen : Maison du Dr Bru).
iii. Prise en charge pluridisciplinaire avec une prise en charge psychologique systématique gratuite de l’enfant par des victimologues sans limitation de durée.
iv. Application systématique et obligatoire de la procédure Melanie en cas de procédure judiciaire.
v. Réductions de la durée d’instruction et de jugement créant une attente parfois de plusieurs années traumatisante pour l’enfant.
vi. Possibilité pour l’enfant de témoigner lors du procès de son agresseur par télétransmission ou d’être représenté par des experts qui auront recueilli sa parole et la transmettront à l’audience à la place de l’enfant (procédure en place aux Pays Bas).
vii. Formation d’Etat initiale et continue obligatoire de toutes les personnes en contact avec l’enfant présumé victime : travailleurs sociaux, magistrats, policiers, gendarmes, médecins, psychiatres et psychologues, experts auprès des tribunaux, avocats…
Nous avons bien entendu, d’autres propositions à formuler notamment concernant les victimes adultes mais là n’est pas le propos aujourd’hui. Nous saluons votre action et restons à votre disposition pour toute information complémentaire concernant nos propositions.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos respectueux sentiments.
Isabelle AUBRY, Présidente
PS : ce courrier ainsi que votre éventuelle réponse seront publiés sur nos sites Internet dans un souci de transparence vis-à-vis des victimes que nous représentons.