Le maintien d'Elizabeth Guigou à la tête de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles sur mineur créée tout récemment par le secrétaire d'Etat Adrien Taquet pose question.
Dès la nomination de Mme Élisabeth Guigou à la tête de la commission inceste créée par Adrien Taquet, nous étions surpris. Beaucoup de personnalités politiques ou de professionnel(le)s nous paraissaient plus compétente(e)s, plus expérimenté(e)s, plus sensibles à la cause des enfants et plus engagé(e)s dans la lutte contre l’inceste et la pédocriminalité.
Une première réunion avec Mme Guigou nous a confirmé qu’elle semblait quasiment découvrir le sujet, en dépit du fait qu’elle était garde des sceaux lorsque la loi de 1998 a été votée (cette loi instaurait notamment le suivi socio-judiciaire avec obligation de soins pour les pédocriminels).
Ses déclarations surprenantes dans un documentaire Netflix récent sur Dominique Strauss-Kahn posent question. On y retrouve les éléments de langage du déni et de la culture du viol.
La place réservée aux associations dans cette commission posait question aussi. Nous espérons que cette commission réunira des professionnels (médecins, juristes, travailleurs sociaux) et des survivants de l’inceste sur un pied d’égalité, comme la mission de consensus Flament-Calmettes sur la prescription pénale. Les personnes survivantes de l’inceste ne sont pas seulement des sujets d’étude, mais des expert(e)s qui ont des choses à dire ! La compassion ne suffit pas, il est temps de passer à l’action et de renforcer la prévention.
L’affaire « Olivier Duhamel », qui fait suite aux accusations d’inceste sa belle-fille Camille Kouchner et à l’ouverture d’une enquête pénale, fragilise encore plus la position de Mme Guigou. Elle sera probablement convoquée en tant que témoin dans cette affaire. Camille Kouchner raconte notamment dans son livre que son beau-père l’avait photographiée nue et affiché la photo de ses fesses dans la maison de Sanary qui accueillait les amis du couple Duhamel-Pisier, comme Mme Guigou. A-t-elle vu cette photo ? Qu’en a-t-elle pensé ? D’autres indices suspects auraient-ils pu l’alerter à l’époque ?
Étant impliquée comme témoin dans une affaire judiciaire en cours concernant ses amis, pourrait-elle en même temps présider cette commission en toute sérénité et indépendance ? Sa proposition à "Victor" Kouchner de venir témoigner devant la commission est indécente et complètement hors-sol. Quel survivant de l'inceste se sentirait à l'aise pour apporter son témoignage devant une commission dirigée par une amie de longue date de son agresseur ?
Nous appelons Mme Guigou à prendre ses responsabilités et à se demander si son maintien à la tête de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants est possible et souhaitable.
Par ailleurs, nous appelons le gouvernement et les parlementaires à ne pas attendre 2 ans avant d'engager des réformes pour mieux protéger les enfants de l'inceste et de la pédocriminalité. Nous saluons les initiatives parlementaires comme la proposition de projet de loi d'Isabelle Santiago pour mettre fin à la notion de "consentement" de l'enfant, et la proposition de projet de loi de Marine Bernier pour rendre imprescriptibles les crimes sexuels sur mineurs.
Mise à jour 13 janvier 2021: Mme Guigou a annoncé qu'elle renonçait à présider cette commission.