Infos spéciales: Rapport sur le traitement de la récidive des infractions pénal

Actualité Publié le 26.07.2008

Infos spéciales: Rappo 20 propositions des députés pour lutter contre la récidive

Introduction
31 % de récidivistes et 32 % de peines inexécutées (1)... A elles seules, ces deux données résument les difficultés auxquelles est confronté notre appareil répressif tout comme elles expliquent la préoccupation, voire l'exaspération, parfois manifestée par nos concitoyens. En effet, ceux-ci subissent quotidiennement les conséquences de ces dysfonctionnements, s'interrogent sur leurs causes et s'inquiètent du sentiment d'impunité qu'ils nourrissent chez les délinquants. Cette situation est d'autant plus paradoxale que, depuis deux ans et grâce à l'action déterminée menée par le Gouvernement, la délinquance ne cesse de diminuer dans notre pays, à l'exception des faits de violence qui ont crû de 10 % entre 2003 et 2004.rt sur le traitement de la récidive des infractions pénales

Aborder la question de la récidive des infractions pénales, c'est donc manifester la volonté d'engager le second acte de la lutte contre l'insécurité en s'attaquant au « noyau dur » de la délinquance, aux personnes qui, en dépit de sanctions considérablement renforcées, perdurent dans leurs habitudes criminelles.




III. - LES PROPOSITIONS DE LA MISSION : 20 MESURES POUR PLACER LA LUTTE CONTRE LA RÉCIDIVE AU CœUR DE LA POLITIQUE PÉNALE

A. SANCTIONNER PLUS SÉVÈREMENT LES RÉCIDIVISTES

a) En mettant en place des procédures adaptées

1. Prévoir l'incarcération immédiate des récidivistes sexuels ou violents

L'article 708 du code de procédure pénale dispose que l'exécution de la peine a lieu lorsque la condamnation est devenue définitive, c'est-à-dire insusceptible de voies de recours. Toutefois, il est des hypothèses où la décision peut être ramenée à exécution dès son prononcé, par exemple lorsque la juridiction correctionnelle délivre un mandat de dépôt ou d'arrêt à l'encontre du prévenu condamné à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an (article 465 du code de procédure pénale) ou même inférieure si le tribunal est saisi dans le cadre de la comparution immédiate (article 397-4 du même code).

On le voit, ces différentes hypothèses d'exécution provisoire des décisions ne distinguent pas si le prévenu est en état de récidive, en particulier s'il fait montre d'un comportement systématiquement violent. Désireuse de renforcer la répression de la récidive en matière de violence contre les personnes en s'assurant de l'exécution rapide des décisions de justice, la mission souhaite que l'exécution provisoire soit de droit lorsqu'une peine est prononcée à l'encontre d'un prévenu en situation de récidive légale en matière sexuelle, pour des faits de violence volontaire ou pour des faits commis avec la circonstance aggravante de violence, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction.

2. Limiter à deux le nombre des condamnations assorties du sursis avec mise à l'épreuve

Le code de procédure pénale ne prévoit aucune limite quant au nombre de condamnations assorties du sursis avec mise à l'épreuve (sme). Cette situation permet des dérives certaines au profit de multiréitérants qui cumulent les sme sans subir de véritable contrôle en raison de la faiblesse des effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation (spip). Parce que ces condamnations sont perçues comme virtuelles par les délinquants d'habitude, elles contribuent au sentiment d'impunité et décrédibilisent la justice.

C'est pourquoi la mission propose de limiter à deux le nombre de sme pouvant être prononcés par les juridictions par grandes catégories d'infractions. En effet, parce que les délinquants d'habitude commettent leurs méfaits dans certaines « spécialités », par exemple les vols ou les délits routiers, la règle des deux sme ne doit s'appliquer qu'au sein de grandes catégories homogènes de délits. Par souci de simplicité, il est proposé de retenir les catégories d'infractions « assimilées » au sens du droit de la récidive. Rappelons, en effet, que code pénal comprend aujourd'hui trois catégories de crimes et délits « assimilés » : les vols, extorsions, chantages, escroquerie et abus de confiance ; les agressions et atteintes sexuelles et les homicides involontaires ou les atteintes à l'intégrité de la personne commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule

3. Limiter les réductions de peines pour les récidivistes

Les condamnés incarcérés bénéficient désormais d'un « crédit de réduction de peine » calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année puis de deux mois pour les années suivantes (article 721 du code de procédure pénale). A cette réduction de peine ordinaire s'ajoutent les réductions de peines supplémentaires accordées aux condamnés en raison de leurs efforts sérieux de réadaptation sociale, de leur réussite d'un examen scolaire ou de l'indemnisation de la victime (article 721-1 du même code).

Cette situation qui accorde un crédit de peine identique à tous les condamnés, sans distinguer s'il s'agit d'un récidiviste ou non, n'est pas satisfaisante aux yeux de la mission. C'est pourquoi elle propose de limiter le crédit de peine accordé aux condamnés récidivistes à un mois par an au-delà de la première année de détention. Toutefois, la mission ne souhaite pas modifier les règles applicables aux réductions de peines accordées en raison des efforts de réinsertion des condamnés car ceux-ci traduisent une volonté de changement de comportement qui doit être encouragée.

4. Appliquer la récidive à toute réitération de faits commis avec violence

Le code pénal ne comprend que trois catégories de crimes et délits « assimilés » au sens du droit de la récidive. Ainsi, un condamné pour vol avec violence qui commet ultérieurement des violences volontaires seules n'est pas un récidiviste au sens de la loi.

Cette situation n'est pas satisfaisante car elle méconnaît certaines évolutions de la délinquance et, en particulier, le développement du proxénétisme et de la traite des êtres humains par des réseaux organisés d'une part, et l'augmentation des comportements violents d'autre part (+ 10 % de faits constatés par la police et la gendarmerie sur un an).

C'est pourquoi la mission propose :

- d'assimiler la traite des êtres humains et le proxénétisme au sens de la récidive ;

- de considérer que tout délit de violence volontaire ou commis avec violence constitue une même infraction au sens de la récidive, indépendamment de la nature des faits commis. Ce faisant, il s'agit de sanctionner plus sévèrement un comportement dangereux, car violent, et non s'en tenir à la qualification juridique des faits qui distingue s'il s'agit d'une infraction commise contre les personnes ou contre les biens.

5. Autoriser le tribunal correctionnel à relever d'initiative la récidive

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que les juges correctionnels ne peuvent ajouter de nouvelles circonstances aggravantes aux faits dont ils sont saisis par le procureur de la République, par exemple la récidive, sans l'accord exprès du prévenu. Or, compte tenu des délais d'inscription des fiches au Casier judiciaire, il n'est pas rare que la récidive soit connue postérieurement à la saisine du tribunal par le procureur de la République. Dans cette hypothèse, les juges du siège compétents sont donc contraints de recueillir l'accord du prévenu pour pouvoir relever la circonstance aggravante de récidive, ce dernier ayant tout intérêt à s'y opposer compte tenu de l'aggravation des peines encourues.

Cette « prime » au récidiviste bénéficiant des éventuels dysfonctionnements de la Justice et du Casier judiciaire en particulier n'est pas acceptable. C'est pourquoi la mission propose d'autoriser le tribunal correctionnel à relever d'initiative la récidive sans l'accord du prévenu qui bénéficierait, en contrepartie et à sa demande, d'un délai supplémentaire pour préparer sa défense.

6. Appeler, par voie de circulaire du Garde des Sceaux, les procureurs de la République à relever de façon systématique la récidive

Ainsi que l'affirme clairement l'article 30 du code de procédure pénale issu de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, « le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique ».

Dans ce cadre, la mission souhaite que le ministre de la Justice adresse une instruction générale aux parquets les appelant à relever systématiquement la récidive dans leurs réquisitions afin de garantir l'application homogène de la loi sur l'ensemble du territoire et d'apporter une réponse pénale ferme aux récidivistes.

b) En assurant une meilleure information des magistrats

7. Moderniser les modalités de consultation du Casier judiciaire en recourant aux nouvelles technologies de l'information

A l'heure actuelle, les extraits de Casier judiciaire sont communiqués aux magistrats requérant par courrier postal, ou par fax dans le meilleur des cas, et jamais le dimanche où pourtant des permanences sont organisées en juridiction et au parquet en particulier. Cette situation n'est pas satisfaisante car elle entraîne des lourdeurs et des lenteurs de fonctionnement préjudiciables à la réactivité et à l'efficacité de la justice.

Compte tenu des progrès des technologies de la communication et de la cryptologie en particulier, la mission propose de dématérialiser la consultation du Casier judiciaire par intranet et Internet tout en prévoyant une traçabilité des connexions à l'instar du système prévu pour le stic.

8. Adopter un plan d'urgence pour le Casier judiciaire afin de combler le retard dans la saisie et le traitement des jugements

Ainsi que l'a déjà établi le rapport de M. Jean-Luc Warsmann, les délais de saisie des jugements par les greffes d'une part, et le retard pris dans le traitement des fiches destinées au casier judiciaire par les services de l'exécution des peines d'autre part, provoquent un défaut considérable de pertinence et d'actualisation des informations contenues dans le Casier judiciaire. Or, pour être en mesure de relever la récidive, il importe au premier chef que les magistrats soient informés en temps utile de son existence.

C'est la raison pour la quelle la mission souhaite l'adoption d'un plan d'urgence afin de résorber le retard pris dans la transmission des données au Casier judiciaire : à cette fin elle propose le recours temporaire à des personnels sous contrat qualifiés en matière de saisie dans les juridictions cumulant le retards les plus élevés en cette matière.

9. Définir la réitération pour clarifier le débat public

La réitération est une notion judiciaire définie dans le silence de la loi et une réalité empirique policière évaluée à partir des signalements au stic. Cette absence de définition commune est source de malentendus et ne permet pas d'établir un diagnostic partagé sur ce phénomène. Définir la réitération, à droit constant, clarifierait donc utilement le débat public.

10. Mettre en place un outil statistique permettant une mesure précise de la récidive et de la réitération

Compte tenu des difficultés de mesure de la récidive et de la réitération, il importe de développer un outil statistique performant en cette matière.

A cette fin, la mission propose que les procureurs généraux établissent chaque année un rapport remis au garde des sceaux et détaillant le nombre d'affaires pénales dans lesquelles le prévenu est en situation de récidive ou de réitération ainsi que la nature de la mesure ou de la condamnation prononcée à son endroit.

B. PRÉVENIR PLUS EFFICACEMENT LA RÉCIDIVE

a) En faisant de l'application des peines une priorité afin d'éviter les « sorties sèches » de détention

11. Offrir 20 % des postes à l'issue de l'E.N.M. au profit des juges de l'application des peines pendant 5 ans

Grande oubliée de la Justice, l'application des peines n'a bénéficié, en moyenne, que de 6 % des effectifs de chaque promotion des magistrats issus de l'école nationale de la magistrature (E.N.M.) depuis 1992. Or, compte tenu des missions dévolues aux juges de l'application des peines (jap), missions considérablement renforcées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, il est impérieux d'augmenter rapidement leurs effectifs qui ne représentent que 3,5 % du nombre total de magistrats, afin de s'assurer de la bonne application de la loi et du suivi efficace des personnes placées sous main de justice.

A cette fin, la mission souhaite que, au cours des cinq prochaines années, le nombre des jap issus de l'E.N.M. atteigne 20 % de l'effectif de chaque promotion de magistrats. Cette mesure n'est pas coûteuse car elle concerne une promotion donnée de l'E.N.M. et non un supplément d'effectifs.

12. Revaloriser et renforcer les effectifs des services pénitentiaires d'insertion et de probation (spip)

Au 1er janvier 2004, 135 721 mesures en milieu ouvert étaient suivies par les spip qui ont également vocation à prendre en charge l'ensemble des détenus, dont le nombre excède 60 000, et ce avec un effectif de 2 473 agents seulement.

En outre, la mise en œuvre de la loi du 9 mars 2004 devrait entraîner un accroissement de leur charge de travail, notamment en raison de l'introduction du « sas de sortie » qui attribue au directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation le soin de déterminer la mesure d'aménagement de la peine la mieux adaptée à la personnalité du condamné n'ayant plus, selon les cas, que trois mois ou six mois à subir en détention

Enfin, la mise en œuvre d'un suivi des condamnés les plus dangereux proposé par la mission constitue une nouvelle mission pour les spip qui doivent bénéficier d'un renforcement de leurs effectifs et de la revalorisation de leur statut. A cette aune, la mission considère que le recrutement de 120 conseillers d'insertion prévu par la loi de finances initiale pour 2004 doit être poursuivi et très largement amplifié en 2005.

13. Conforter les moyens dédiés aux associations de réinsertion et d'hébergement

Au-delà des seuls moyens consacrés aux spip, ceux-ci ont également recours à de nombreuses associations qui complètent utilement leurs initiatives, notamment en matière d'insertion professionnelle, d'accès au logement ou de placement à l'extérieur. Ainsi, et au seul titre du placement extérieur, près de 300 conventions ont été conclues entre les spip et des associations ou des collectivités locales.

Or, comme a pu le constater la mission, les moyens dévolus aux associations ne sont pas à la hauteur des besoins considérables en ces matières et nombre de directeurs d'établissements pénitentiaires souffrent d'un défaut d'interlocuteurs associatifs à même de prendre en charge les détenus libérés qui se retrouvent dans le dénuement le plus complet, propice à la récidive. Dans ces conditions, une augmentation des dotations budgétaires versées aux associations est nécessaire. L'accroissement des crédits prévus à cet effet en loi de finances pour 2004 (+ 5 millions d'euros) doit donc être poursuivi.

b) En prévoyant un suivi des détenus les plus dangereux

14. Évaluer la dangerosité des détenus et les risques de récidive au cours de la détention

L'évaluation actuelle de la personnalité des détenus privilégie leur dangerosité pour eux-mêmes (risque suicidaire), pour les gardiens surveillants et leurs codétenus (risque d'agression) ou pour l'administration pénitentiaire (risque d'évasion) mais nullement pour la société et les victimes potentielles (risque de récidive).

Or, compte tenu de l'augmentation du nombre des délinquants sexuels incarcérés, ce type de délinquance représentant désormais la première cause d'incarcération, il importe de développer une évaluation de la dangerosité des détenus et de leur risque de récidive.

La mission souhaite donc la mise en place d'instruments spécifiques tendant à mesurer la « dangerosité » des détenus et, en particulier, leur risque de récidive, notamment en matière sexuelle, afin que les juges soient en mesure de prononcer une mesure de contrôle adaptée à leur profil.

Il s'agit de mettre en place une méthodologie pluridisciplinaire associant des expertises psychiatriques, médico-psychologiques et comportementales du condamné afin de détecter son risque de récidive et sa dangerosité sociale à l'instar des pratiques observées au Canada.

15. Engager le débat sur le placement sous surveillance électronique mobile des criminels les plus dangereux ayant purgé leur peine

Dix ans après le rapport du sénateur M. Guy Cabanel se prononçant en faveur du développement du placement sous surveillance électronique, la mission est favorable au lancement d'une seconde étape tendant à engager le débat sur la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique mobile des criminels les plus dangereux ayant purgé leur peine. Cet instrument devrait contribuer à la réinsertion des personnes concernées en facilitant leur mobilité géographique tout en permettant aux services de contrôle de s'assurer, le cas échéant, de la localisation du condamné avec précision et rapidité. A la différence du placement électronique classique, qui est une alternative à l'incarcération tendant à s'assurer de la présence du condamné à son domicile à certaines heures déterminées, la surveillance électronique mobile relève davantage de la mesure de sûreté dont le but est de s'assurer, en cas de besoin, de la localisation géographique du condamné libre par l'intermédiaire de la technique du gps.

Afin d'évaluer pleinement la portée de cette innovation et d'en déterminer sereinement le champ d'application, la mission souhaite qu'un vaste débat national soit engagé sur ce sujet, associant le Parlement et l'ensemble des acteurs concernés, qu'il s'agisse des organismes de défense des droits de l'homme, à l'instar de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (cncdh), des magistrats, des avocats, des policiers ainsi que des associations de victimes.

Bien évidemment, la mise en œuvre d'un tel dispositif devrait être assortie de toutes les garanties nécessaires et strictement contrôlée par le juge.

Ainsi, le placement sous surveillance électronique mobile ne devrait concerner que les condamnés pour crime contre les personnes les plus dangereux et pourrait être prononcé par le tribunal de l'application des peines territorialement compétent, à la demande du juge de l'application des peines ou sur réquisitions du procureur de la République.

La saisine du tribunal de l'application des peines devrait avoir lieu un an avant la levée d'écrou afin de permettre la mise en place de la surveillance électronique mobile dans des conditions matérielles satisfaisantes. Une clause de « rendez-vous » serait prévue, le tribunal compétent devant réexaminer sa décision de placement sous surveillance électronique mobile à intervalle régulier afin d'évaluer l'évolution du condamné.

16. Augmenter le nombre de médecins psychiatres en pourvoyant les postes vacants dans le secteur public

Selon les informations communiquées à la mission, près de 800 postes de psychiatres sont vacants dans le secteur public alors même que plus de 40 % des détenus souffrent de troubles de comportements nécessitant une prise en charge psychiatrique.

La conjonction de ces deux phénomènes n'est pas durablement soutenable et provoque une pénurie de soins en milieu carcéral et en milieu ouvert préjudiciable à la prévention de la récidive. De surcroît, il n'existe pas encore de structures spécifiques dédiées à l'accueil et au traitement de longue durée des délinquants souffrant de troubles psychiatriques graves. C'est pourquoi la mission invite les pouvoirs publics compétents à prendre les mesures d'urgence nécessaires afin, à tout le moins, de pouvoir les postes vacants.

17. Introduire une formation spécifique obligatoire des médecins psychiatres sur la délinquance sexuelle

La délinquance sexuelle représente désormais la première cause d'incarcération en France et c'est pourquoi, le législateur a prévu, avec la loi du 17 juin 1998, la mise en place du suivi socio-judiciaire au titre duquel une injonction de soins peut être prononcée. Cette dernière est mise en œuvre par deux médecins, l'un psychiatre et « coordonnateur », l'autre médecin traitant.

Or, la formation de ces médecins n'est pas adaptée à cette mission puisque aucun enseignement spécifique en matière de délinquance sexuelle ne leur est dispensé au cours de leurs études. Dans ces conditions, et compte tenu de la difficulté et de la pénibilité de cette mission, il n'est guère étonnant de constater l'existence des difficultés dans la mise en œuvre de l'injonction de soins en particulier et du suivi socio-judiciaire en général.

C'est pourquoi la mission propose que la formation initiale et continue des psychiatres et des médecins traitants comprenne obligatoirement un enseignement spécifique sur les délinquants sexuels.

18. Associer les psychologues cliniciens à la mise en œuvre du suivi socio-judiciaire

L'article L. 3711-1 du code de la santé publique, relatif à l'injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire, prévoit que le médecin coordonnateur doit être un psychiatre ou un médecin ayant suivi une formation appropriée et que la personne en charge du traitement de l'intéressé doit également être un médecin. Cette dernière exigence constitue une entrave certaine au développement du suivi socio-judiciaire tant les candidats médecins traitants sont peu nombreux pour exercer cette mission délicate.

C'est pourquoi, la mission propose d'ouvrir aux psychologues cliniciens, titulaires d'un dess de psychologie (bac + 5), la possibilité d'être proposés par le médecin coordonnateur comme responsables du traitement du délinquant sexuel astreint à une injonction de soins.

19. Transférer au juge la compétence pour prononcer l'hospitalisation d'office des prévenus ayant bénéficié d'un non-lieu ou d'une relaxe en raison de l'abolition de leur discernement au moment des faits

Lorsqu'un prévenu est reconnu irresponsable pénalement en raison de l'abolition de son discernement au moment des faits en application du 1er alinéa de l'article 122-1 du code pénal, il est généralement pris en charge par le préfet qui prononce son hospitalisation d'office en application des dispositions de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. Comme a pu le constater la mission, cette hospitalisation est d'une durée moyenne assez brève, de l'ordre de quelque mois, et conduit donc rapidement à la remise en liberté de la personne sans aucune forme de suivi par les autorités judiciaires.

Cette situation est d'autant moins satisfaisante que, pour des faits identiques commis par un prévenu dont le discernement n'a pas été aboli au moment des faits mais seulement « altéré » (2ème alinéa de l'article 122-1 du code pénal), une condamnation peut éventuellement être prononcée et, ce faisant, permettre un suivi judiciaire de la personne. La situation actuelle est donc paradoxale puisqu'elle autorise la mise en place d'un suivi judiciaire pour les condamnés souffrant, ou ayant souffert, des troubles psychiques les moins graves et l'absence totale d'un tel suivi pour les prévenus au comportement le plus imprévisible et donc les plus dangereux.

C'est pourquoi, la mission souhaite que la décision de placement en hôpital psychiatrique des prévenus reconnus pénalement irresponsables relève désormais de l'autorité judiciaire qui sera ainsi en mesure d'assurer leur suivi.

20. Mettre en place un fichier recensant les personnes ayant bénéficié d'un non-lieu ou d'une relaxe en raison de l'abolition de leur discernement au moment des faits

Lorsqu'un prévenu est reconnu pénalement irresponsable en raison de l'abolition de son discernement au moment des faits, il ne figura dans aucun des fichiers de la justice, à l'exception notable du fijais (fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles) crée par la loi du 9 mars 2004 mais qui n'est pas encore entré en vigueur et dont la finalité est circonscrite aux délinquants sexuels. Quant au casier judiciaire, il ne recense que les condamnations comme le prévoit l'article 768 du code de procédure pénale qui, en l'espèce, font précisément défaut.

Or, pour connaître la dangerosité de la personne, établir son éventuelle réitération et prononcer les mesures adaptées, il importe que les autorités judiciaires conservent la mémoire des faits qu'elle a commis. C'est pourquoi, la mission propose la création par la loi d'un fichier national recensant les auteurs d'infractions reconnus irresponsables pénalement en application des dispositions du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal dont les modalités d'application seraient déterminées par un décret en Conseil d'État pris après avis de la cnil.

Note : Lire le rapport http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i1718.asp