#JamaisTropTard: l'appel du magazine Marie-Claire contre la prescription

Actualité Publié le 11.03.2017


Après Psychologies Magazine en novembre dernier, c'est aujourd'hui le magazine Marie-Claire qui lance une campagne d'information et de mobilisation contre les violences sexuelles sur mineurs

Le magazine publie Viols sur mineurs: enquête sur une réalité scandaleuse. Il publie le témoignage de quatre femmes (Agnès B., Sylvie Le Bihan, Flavie Flament et Andréa Bescond) et souligne que « toutes racontent la même chose: l’impossibilité immédiate de parler, de dénoncer, ou même d’être entendue »

Une réalité horrible et sous-estimée

Les témoignages horribles publiés par Marie-Claire ne paraîtront hélas, que trop familiers à ceux et celles qui ont consulté certains des deux mille témoignages recueillis et publiés anonymement par notre association.

L'article de Marie-Claire rappelle toutes les difficultés que rencontrent les survivant(e)s de l'inceste avant de pouvoir porter plaine: pressions et menaces de la famille qui bien souvent protège l'agresseur plutôt que la victime, amnésie traumatique, temps nécessaire pour se reconstruire psychologiquement, et pour finir le délai de prescription pénale qui empêche toute poursuite une fois qu'il est dépassé.

« C’est depuis un an seulement que je n’ai plus honte de ce que j’ai subi. Il m’a fallu vingt années de psychanalyse, d’hypnothérapie, de mémoire cellulaire pour que je comprenne où nichait cette peur qui m’empêchait de parler. » raconte ainsi Vanessa Aiffe-Feschotte, 43 ans. On pourrait ajouter que le déficit de formation d'un grand nombre de professionnels de la santé et que les meilleures techniques de soin pour les victimes d'un traumatisme infantile comme le viol ne sont pas assez connues, et que beaucoup de praticiens ne penseront même pas à l'inceste même lorsque tous les indices bien connus des spécialistes sont bien visibles.

Le scandale de l'impunité judiciaire

Marie-Claire rejoint ce qui est le combat de notre association depuis sa création: la suppression du délai de prescription pénale. Celle-ci a le soutien des sénatrices Muguette Dini et Chantal Jouanno qui l'avaient proposé en 2014. Comment expliquer que le trafic de drogue ou le terrorisme ne soient prescrit qu'au bout de 30 ans alors que le viol d'enfants l'est au bout de 20 ans ? Ne serait-il pas légitime de suivre l'exemple des pays comme le Royaume-Uni, le Canada, la Suisse, certains états américains comme la Californie qui ont totalement aboli la prescription ?

Les arguments présentés par les défenseurs de la prescription sont indigents ou incohérents quand ils ne sont pas tout simplement scandaleux: « Je préfère, en tant que praticien du droit, qu’une victime reste victime plutôt que, par l’effet d’une sorte de rouleau compresseur, plus de trente ans après les faits, elle passe de victime à menteuse et se trouve elle-même poursuivie, tandis que l’auteur des faits pourrait acquérir un statut de victime », a expliqué la députée (PS) Colette Capdevielle à l’Assemblée nationale. Or ce que décrit la députée, c'est exactement la situation actuelle, où le pédo-criminel est totalement protégé par la prescription pénale, tandis que la victime risque une plainte pour diffamation si jamais elle sort du silence. « Je préfère qu’une victime reste victime » comment une représentante du peuple français peut-elle oser dire une telle énormité ? Pourquoi refuser à une personne qui a été violée dans son enfance le droit à un procès équitable, sous le prétexte qu'elle pourrait peut-être perdre ce procès ? Et pourquoi utiliser un euphémisme comme « auteur des faits » pour désigner celui ou celle qui a commet un crime sur un enfant ? 

D'autres arguments ont été avancés comme la déperdition des preuves avec le temps qui passe, ou le surcoût pour notre système judiciaire. Mais la déperdition des preuves est à apprécier au cas par cas, par le juge, et non par le législateur. Même 30 ans après les faits, on peut recueillir des témoignages, des preuves directes et indirectes du traumatisme subi, et parfois les aveux de l'agresseur. Quant au coût financier des procès (et des incarcérations éventuelles), qui s'en soucie lorsqu'il s'agit de voter telle ou telle loi pénale ? Quand on voit ce qu'a coûté le scandale Bernard Tapie au contribuables (pour n'en cite une), cet argument de mauvaise foi ne peut qu'augmenter la colère

Mobilisons-nous !

Face à l'inceste soutient cet appel et invite tous ses adhérent(e)s et sympathisant(e)s à le signer. Alors que la mission Flament-Calmette sur la prescription pénale pour les crimes sexuels sur mineurs rendra bientôt ses conclusions, cet appel qui a recueilli 11.000 signatures en quelque jours seulement constitue un nouvel espoir pour faire entendre la cause des enfants des pouvoirs publics. Pour que plus jamais un enfant ne soit condamné au silence après avoir subi la pire des violences.