Par l'association AJC* association de victimes et de familles de victimes contre la violence morale dans la vie privée
*"Face à un pervers on ne gagne jamais ; la loi est le seul recours"
Peu de gens savent ce qu'est la violence morale, ce que cela représente pour des enfants, pour des adultes qui subissent ce comportement destructeur tous les jours à toute heure, de la part de leur parent, de leur conjoint, d'un membre de leur famille ou d'amis... ... Nous avons intentionnellement privilégié le terme de violence morale, à celui plus usité de harcèlement moral, pour mettre l'accent sur une maltraitance, plus insidieuse, plus perverse et plus dangereuse que les coups parce qu'elle ne laisse aucune trace visible ! Elle est d'autant plus destructrice qu'elle est presque impossible à prouver. La violence morale appelée stalking(1) aux Etats Unis ou mobbing(2) dans certains pays d'Europe est interdite dans de nombreux pays, par des lois très diverses qui ne couvrent parfois que superfciellement le problème. I1 ne tient qu'à nous que la France se prémunisse d'une loi qui sera un modèle pour les autres pays, en évitant les pièges contenus dans certains textes, en tenant compte du plus grand nombre de cas possible, surtout en portant une attention toute particulière sur les problèmes concernant les enfants. La violence morale est un phénomène mondial qui existe depuis toujours, mais dont notre société favorise l'extension et l'impunité, en prônant un modèle d'individualisme et de réussite à tout prix : ne pas hésiter à piétiner les autres et à utiliser toutes manipulations pour être le premier!
- (1)stalking du mot stalk= traque
- (2)mobbing du mot mob = molester
Portrait du bourreau
Le bourreau ou "pervers narcissique" suivant la pathologie dressée par Mme Hirigoyen, peut être un homme ou une femme ; la violence morale n'est pas l'apanage des seuls hommes, bon nombre de femmes sont des tyrans domestiques; les médias donnent trop souvent l'impression que les harceleurs sont tous des hommes et nous devons bannir ce jugement erroné, les hommes victimes ont tout simplement plus de mal à parler de leurs souffrances. Quel que soit son sexe, son âge, sa nationalité, le bourreau a toujours le même comportement, il vampirise sa victime, buvant son énergie vitale. On peut mettre des années avant de se rendre compte du processus de destruction mis en place. Au commencement il peut n'y avoir que des petites brimades, des phrases anodines mais méprisantes, pleines de sous entendus blessants, avilissants, voir violents, c'est la répétition constante de ces actes qui rend l'agression évidente. Souvent un incident vient déclencher la crise qui amène l'agresseur à dévoiler son piège ; en règle générale, c'est la prise de conscience de la victime, et ses sursauts de révolte, qui vont déclencher le processus de mise à mort : car il peut y avoir véritable mise à mort psychique, où l'agresseur n'hésitera pas à employer tous les moyens pour parvenir à ces fins: anéantir sa proie. Le "pervers narcissique" est une personne totalement dépourvue d'empathie, qui n'éprouve aucun respect pour les autres, qu'il considère comme des objets utiles à ses besoins de pouvoir, d'autorité. Il a besoin d'écraser pour exister : et la proie rêvée reste l'enfant fragile et malléable, avec sa confiance illimitée et sa soif d'amour et de reconnaissance!
Le bourreau ne possède pas de personnalité propre, elle est forgée sur des masques dont il change suivant les besoins, passant de séducteur paré de toutes les qualités, à celui de victime faible et innocente, ne gardant son véritable visage de démon que pour sa victime. Et encore peut il jouer avec elle au chat et à la souris, faisant patté de velours pour mieux la tenir, puis sortant ses griffes lorsqu'elle cherche à s'évader... Ce sont souvent des êtres doués d'une intelligence machiavélique, leur permettant d'élaborer des pièges très subtils. Ils culpabilisent à outrance leur proie, ne supportent pas d'avoir tort, sont incapables de discussions ouvertes et constructives; ils bafouent ouvertement leur victime, n'hésitant pas à la dénigrer, à l'insulter autant que possible sans témoins, sinon ils s'y prennent avec subtilité, par allusions, tout aussi destructrices, mais invisibles aux regards non avertis!
Portrait de victime
Contrairement au idées reçues, la victime n'a pas un "tempérament de victime", ce n'est pas elle qui se victimise elle n'est pas masochiste intrinsèquement, c'est son agresseur qui la désigne comme victime.
Elle est choisie plus pour sa vitalité, sa générosité, son don de soi, une propension à jouer les rédempteurs, qui veulent sauver l'autre de ses faiblesses, de son mal : "Mon amour le guérira."
Les victimes sont des personnes trop conf antes, qui voient leur agresseur à leur égal, et qui au contraire de lui ont un trop grand respect de l'autre. Leur faculté à pardonner malgré tout, va permettre à l'agresseur de mettre en place sa manipulation. I1 saura utiliser toutes les failles, blessures d'enfance et faiblesses de sa victime, pour mieux la déstabiliser et assujettir son emprise.
Le processus
On peut décortiquer le processus de manipulation en quatre phases :
- la séduction ou l'emprise.
- l'empilement, qui correspond à la répétition de petits actes d'agression , apparemment anodins pris séparément mais visant la déstabilisation de la victime.
- fausses promesses.
- la destruction qui s'accentue au fur et à mesure de la relation, pour atteindre un paroxysme dés réaction de la victime.
Ces quatre phases peuvent se télescoper dans le temps ; les étapes deux et trois vont souvent ensemble: les fausses promesses faisant croire au rachat, ou à un changement qui n'aura jamais lieu, mais permettent de rajuster l'emprise pour mieux poursuivre la destruction de leur victime. C'est la fréquence et la répétition dans le temps des agressions qui rendent le processus pervers destructeur. Leur démarche les apparente de très près aux dirigeants de sectes, ce sont des dictateurs en puissance, qui imposent leur tyrannie à un cercle restreint de personnes.
Les victimes sont en état de stress permanent dû à la tension occasionnée par l'effort de soumission : les effets seront d'ordre psychique : fatigue intellectuelle, incapacité à réfléchir, à formuler, nervosité, irritabilité, troubles du sommeil, perte de confiance; mais aussi d'ordre physique : maux de tête, maladies de peau, troubles digestifs, des petits problèmes qui peuvent aller jusqu'à des maladies beaucoup plus graves... Lorsque du doute, les victimes passent à la prise de conscience, elles se sentent flouées, trompées, abusées, non respectées, elles perdent l'estime d'elles même et leur dignité ; elles entrent dans la culpabilité, la honte, et la peur! Elles se sentent mal dans leur peau, incomprises, donc isolées, coupables de tout sans savoir pourquoi, elles deviennent fragiles et vulnérables ! Elles ont souvent l'impression de sombrer dans la folie, peuvent sentir leur personnalité éclatée; la victime peut aussi retouner la violence suscitée par son bourreau contre elle même, le suicide comme fuite suprême!
Quelques conseils
I1 n'y a que deux solutions face à un pervers narcissique :
- La première: rester et se soumettre, accepter la domination en ayant conscience d'aller, à plus ou moins brève échéance, vers la destruction. Bien sûr, vous pouvez si vous en avez la force et le courage mettre en place des techniques de contre manipulation telles que préconisées par Mme Nazare-aga : "Faire Ie deuil d'une communication idéale ; établir une communication floue et superficielle consistant à ne pas s'engager"**. Ces techniques permettent de désamorcer la crise et parfois de piéger l'agresseur. I1 ne s'agit pas de devenir manipulateur à son tour ; contre manipuler consiste à s'adapter à chaque instant au manipulateur pour s'en protéger, c'est épuisant, et peut entraîner des troubles psychosomatiques comme réponses à l'agression.
- La deuxième, la plus raisonnable : partir et se libérer ; c'est très difficile, car cela ne peut se faire que dans.la douleur et la culpabilité, sachant que le bourreau n'abandonne jamais sa victime sans réagir. Mais c'est le seul moyen de guérir, de se retrouver, en sortant du piège et en le dénonçant. Lorsque la victime décide de combattre, elle entre en guerre : il lui faut abandonner son idéal de tolérance, admettre que son adversaire présente un trouble du comportement dangereux pour elle et les siens ; il ne faut plus chercher d'explications à tout prix, c'est être amené à se justifier sans en avoir besoin, c'est acculer l'autre à des agressions de plus en plus destructrices.
II faut résister psychologiquement, c'est là que nous pouvons intervenir avec des groupes de soutien et notre écoute.
I1 faut faire intervenir la justice. Votre cas ne s'apparente à aucun autre cas, vous aurez à lutter contre l' incompréhension, y compris celles des magistrats, sachez vous entourer... soyez vigilants et attentifs, il y va de la réussite de votre procès. Vous n'avez rien à attendre de votre adversaire, ( Un individu pervers est constamment pervers, il est fixé dans ce mode de relation à 1'autre et ne se remet en question à aucun moment *.), aucun compromis n'est possible, il vous faut devenir attaquant, agir, parler, sortir de l'isolement. Comme le préconise Mme Hirigoyen, il faudrait obtenir des ordonnances juridiques rigides interdisant tout contact entre les deux parties* ; ce qu'aux USA et au Canada ils appellent "protectives orders " ou " peace bonds ", ce sont des mesures de protection obligeant le harceleur à un code de bonne conduite, il peut même sè voir interdire tout contact avec la victime et sa famille, et être obligé de rester à une certaine distance de sa maison, son lieu de travail ou son école. Pour l'instant nous ne pouvons que suggérer ces mesures à titre de conseil, un jour nous aurons les mêmes possibilités de défense et de reconnaissance du préjudice. En attendant vous devez continuer à vous battre.
P.S. N'hésitez pas à porter plainte si nécessaire, (acte enregistré, dont vous gardez une copie) c'est préférable à la main courante, qui n'a pas valeur de preuve en justice.
Constitution du dossier
Etant donné le vide juridique actuel dans le cas de violence morale, pour pouvoir avoir un recours, il vous faut accumuler les preuves, vous devez donc constituer un dossier qui sera l'outil de base de vos démarches auprès de la police, des avocats, des associations : I1 s'agit de rassembler tous les éléments pouvant être utiles à votre défense. Tous les originaux doivent rester en votre possession, et dans un endroit protégé.
Quelles pièces réunir ?
Il faut établir des récits circonstanciés :
- 1 Sur votre situation personnelle: précisez si vous travaillez ou si vous avez travaillé et que vous avez cessé pour élever votre famille ou pour des raisons médicales liées à votre relation,0u pour tout autre raison indiquant une dépendance donc une main-mise. Donnez des dates précises.
- 2 Sur le harceleur : sa position sociale, et ce que vous avez fait pour l'aider, son influence et sur qui !
- 3 Sur les agissements du hareeleur : Faites un récit détaillé et chronologique du harcèlement : le contexte, les heures,1es lieux,1es paroles et gestes. Détaillez ses menaces et /ou ses promesses, en précisant celles mises à exécution. Expliquez les contraintes que vous subissez en précisant quelles ont été vos différentes réactions et les sentiments que vous avez éprouvés.
- 4 Sur les répercussions du harcèlement : sur votre travail : avertissements, ou sanctions, ou difficultés ; sur votre santé : arrêt de travail, certificats médicaux, traitements médicaux ; tout en étant conscient que cela peut se retourner à tout moment contre vous entre les mains de votre adversaire. Sur vos relations personnelles et sociales.
- 5 Sur vos démarches : auprès du harceleur, de la police, des associations, auprès des chargés de mission départementales et régionales. Datez et précisez les réponses obtenues. Gardez les justificatifs de vos différentes démarches (double de vos écrits, preuve de leur envoi), ainsi que les traces de vos dépenses (affranchissement du courrier, frais de déplacement, photocopies) afin d'évaluer le préjudice financier.
Compiler
- 1 Les témoignages directs : victimes du même harceleur, témoins oculaires ou auditifs de la violence morale subie. Ces témoins peuvent n'avoir entendu qu'une partie des faits.
- 2 Les témoignages indirects : parents, époux, compagnon, amis, collègues, associations peuvent faire état, soit d'informations qu'à un moment vous leur avez confiées, soit des répercussions qu'ils ont pu constater sur votre comportement. Le témoignage doit respecter la forme officielle (cf. encadré) et être accompagné de la photocopie recto-verso de la carte d'identité du témoin.
N.B. très important
- 1 Garder tous les écrits, ou tous les objets que votre harceleur vous donne( du post-it, au cadeaux )
- 2 N'hésitez pas à enregistrer des conversations. les enregistrements peuvent avoir valeur de preuve en matière pénale.
ce document a été conçu d'après les conseils de l'AVFT : "association contre les violences faites aux femmes au travail"
Modèle d'attestation (art. 2O2 code de procécure civile)
Je soussignée_______________ née le__________domiciliée à____________________ exerçant la profession de _________________________ (indiquez si vous êtes parent, associé ou employé de l'une des deux parties.), certifie exacts les faits suivants :__________________________________ je sais que la présente attestation pourra être utilisée en justice, et je sais que je m'expose à des sanctions pénales en cas de fausses déclarations
Des réunions de soutien et d'échange ont lieu tous les mois, date et adresse auprès de l'association
*le harcèlement moral par M.F. Hirigoyen, édition Syros.
**le.s manipulateurs sont parmi nous I. Nazare-Aga, édition de l'homme.