Par Isabelle Aubry, Présidente Face à l'inceste (Extrait du dossier paru dans Dialogues N°1 publié par Face à l'inceste )
Dans la souffrance, après un traumatisme, quel que soit l’âge du patient, le réflexe né du vingtième siècle est le même partout : aller voir un psy. Oui mais quel psy ? Nous sommes tous diférents, nous avons tous une histoire propre et des symptômes qui nous appartiennent. Alors, dans la jungle des psychothérapies, quel est le chemin à emprunter ? Idéalement, si l’on considérait le traumatisme comme une maladie, il faudrait d’abord effectuer un diagnostic précis, peut-être réaliser des tests, écarter les maladies chroniques comme le trouble bipolaire ou les détecter pour les prendre en charge. Or, nous procédons rarement ainsi. Quand ça va mal, on cherche une adresse de psy par tous les moyens, le bouche à oreille, les associations, la presse, internet... avec une idée en tête, suivre une thérapie pour soulager notre souffrance. Oui mais voilà, chaque psy pratique sa propre technique de thérapie.
La thérapie a vocation thérapeutique soigne et peut même guérir les troubles non chroniques. Elle se pratique par des entretiens réguliers, individuels ou en groupe. Le traitement peut durer de plusieurs mois à plusieurs années. Parfois, des compléments peuvent être prescrits par le praticien si il est médecin psychiatre (médicaments : antidépresseurs, anxiolytiques, lithium...). Il est important pour l’avancée du travail thérapeutique qu’une alliance libre s’instaure entre le praticien et le patient. Au final, le but est d’aboutir au mieux être du patient et de prévenir les rechutes. Il existe différentes techniques de psychothérapie dont les mécanismes d’action psychologique ont chacun leurs particularités. Comment choisir la bonne thérapie en l’absence d’un bilan approfondi ? Généralement, on s’appuie sur le type de souffrance que la psychothérapie veut soulager ou faire disparaitre. La plupart des thérapies utilisent la parole, parfois le corps (danse thérapie, massages). Le cadre est posé par le praticien : lieu, durée des séances, fréquence et modalités techniques, prix.
A qui s’adresse la thérapie ?
Il n’y a pas d’âge pour entamer une psychothérapie. La démarche peut être individuelle, familiale ou spécifi quement pour un couple. Toute personne en souffrance psychique, souvent exprimée par des symptômes peut avoir besoin d’une psychotérapie. Ces symptômes sont par exemple : angoisse, tristesse, crise de panique, phobies, obsession, dépression, idées suicidaires, perte de confi ance en soi, isolement, inhibition, difficultés relationnelles, troubles alimentaires, troubles sexuels, troubles de sommeil, addiction, stress post traumatique, hallucinations...
Les différents thérapeutes
Le psychiatre est un médecin spécialisé en psychiatrie. Après 11 ans d’études, il est habilité à délivrer des ordonnances et feuilles de maladie et à mener des psychothérapies. Ses consultations sont rembrousées par la sécurité sociale dans la limite du plafond. Le psychiatre est enregistré auprès de son ordre professionnel.
Le psychologue a suivi cinq années d’études universitaires ou en école spécialisée. Il peut effectuer des tests de diagnostic, conduire une psychothérapie mais ses prestations ne sont pas remboursées si il exerce en libéral. Au sein de l’hôpital ses consultations sont prises en charge par la structure. Il ne peut pas prescrire de médicaments. Il est dans l’obligation de s’inscrire sur le fi chier ADELI (Automatisation DEs LIstes). C’est un système d’information national sur les professionnels relevant du code de la santé publique, du code de l’action sociale et des personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue. Il contient des informations (état civil, situation professionnelle, activités exercées). Un numéro ADELI est attribué à tous les praticiens salariés ou libéraux et leur sert de numéro de référence. Le numéro ADELI fi gure sur la Carte de professionnel de santé (CPS) pour des professionnels relevant du code de la santé publique.
Le psychanalyste peut être psychiatre, médecin, psychologue, ou sans formation conventionnelle. Toutefois, c’est sa formation au sein de son école psychanalytique qui prévaut. Il existe une vingtaine d’écoles qui ne s’entendent guère entre elles quant à la théorie et la pratique. Généralement, le psychanalyste appartient à une école qui se charge de le former. Cette formation consiste principalement à suivre personnellement une analyse. Attention, cette profession comme celle de thérapeute n’est pas réglementée. N’importe qui peut s’improviser psychanalyste. Les séances ne sont pas remboursées.
La profession de psychothérapeute a fait l’objet d’une loi. L’article 52 du titre IV de la loi 2004-806 du 19 août 2004 relative à la politique de santé publique qui a été publiée au JO. A ce jour, le décret d’application n’a pas encore été publié car le conseil d’Etat ne l’approuve pas. A savoir que le titre de psychothérapeute ne couronne pas un parcours de formation particulier. Cette profession accueille toutes sortes de praticiens exerçant diverses techniques. Ce sont 5 à 10 % de médecins, 25 % de psychologues, 20 % de travailleurs sociaux, 15 % les infi rmiers et infi rmiers psychiatriques, 15 % les enseignants ou formateurs d’adultes (source http://www.ff 2p.fr). A ce jour, cette profession n’est pas réglementée. Les consultations ne sont pas remboursées non plus et n’importe qui peut se décréter psychothérapeute.
Les différentes thérapies
Il existe un grand nombre de thérapies différentes plus ou moins connues et plus ou moins reconnues.
La psychanalyse est l’une des plus anciennes. Inventée par Freud, elle est très développée en France et dans les pays d’amérique latine. Ailleurs, elle n’est plus guère pratiquée. Elle vise à faire revenir au niveau conscient les souvenirs refoulés afi n de donner un sens aux confl its inconscients à l’origine des troubles et symptômes. Elle consiste à laisser la parole s’exprimer librement et par association d’idées à accéder au noyau traumatique. L’analyste ne parle pas, ou peu. En face à face ou sur le divan, l’analyse dure plusieurs années à raison de plusieurs séances par semaine, non remboursées (cela fait partie de la cure). Elle est indiquée pour les névroses et les troubles de la personnalité.
La psychothérapie d’inspiration psychanalytique se déroule en entretiens en face à face. Son but est d’atténuer ou de faire disparaitre les symptômes, d’aider la personne à s’adapter, de renforcer ses mécanismes de défense et de clarifi er ses conflits internes. Le thérapeute parle avec le patient, un dialogue s’instaure. Ses principes de base sont comme pour la psychanalyse, basés sur les notions d’inconscient, de transfert et de sexualité infantile accompagnés de la neutralité bienveillante et de l’interprétation du thérapeute. Pratiquée par un psychiatre, elle peut être remboursée. Elle peut être brève pour répondre à un problème réactionnel (3 à 6 mois) ou plus longue (2 à 3 ans) pour aider une personne à restaurer la confi ance en elle et ses capacités personnelles. Cette thérapie est indiquée pour l’anxiété, immaturité, états dépressifs, troubles de la personnalité.
La psychothérapie comportementale et cognitive ou TCC a vocation d’aider à acquérir une meilleure adaptation dans la vie quotidienne et de faire disparaitre rapidement les symptômes. Le principe se fonde sur les théories de l’apprentissage, la neuropsychologie cognitive et la théorie de l’information, appliquées aux pensées et aux comportements des patients. Elles consistent à exposer progressivement le patient aux situations sources d’angoisse, après les avoir affrontées en imagination. Indiquée pour les phobie, attaques de panique, troubles obsessionnels compulsifs, anxiété, stress, sevrage médicamenteux, état dépressif, problèmes sexuels, addictions...elle dure environ 6 mois avec 20 séances de 30 à 45 mn.
La thérapie systémique ou familiale a pour but de dénouer les fonctionnements dysfonctionnels au sein d’une famille sans mettre le système familial en danger tout en autorisant les évolutions individuelles. En fonction de la vie du groupe, de nouveaux équilibres se réalisent. Dans son principe, cette thérapie considère la famille comme un “système” dont les processus d’intéraction et de communication peuvent dysfonctionner. Souvent elle démarre par un membre de la famille qui porte les symptômes. Elle se pratique à raison d’une séance par mois avec un ou deux thérapeutes jusqu’à la résolution du problème. Elle peut se centrer uniquement sur un couple. Dans ce cas on parlera de thérapie de couple.
Les psychothérapies de groupe ont plusieurs variantes. Le psychodrame de Moreno où le patient rejoue devant un public des scènes traumatisantes de son passé pour s’en libérer ou le psychodrame analytique ou le patient va jouer avec les psychanalystes les fantasmes ou souvenirs qu’il évoque pour comprendre ses conflits inconscients. Cette formule existe aussi en groupe avec d’autres patients. Le conflit d’un des participants est joué et ses répercussions sur le groupe sont analysées. Les groupes de parole permettent l’expression des sentiments et émotions ainsi que l’identification aux autres participants. Source : Les psychothérapies (Psycom75).
D’autres thérapies moins connues émergent en France comme l’EMDR ou Intégration Neuro-Emotionnelle par les Mouvements Oculaires en traduction française. Indiquée pour les personnes traumatisées, cette technique vient des Etats-Unis.
L’art thérapie existe depuis 1950 à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Plusieurs ateliers comme la danse thérapie, la musicothérapie, le moulage, théâtre, peinture...
sont proposés aux patients en fonction de leur trouble.
La psychotraumatologie enfant ou adulte propose des techniques de soin adaptées aux personnes souffrant d’un traumatisme ou du syndrome de stress post-traumatique. Cette technique est particulièrement adaptée aux victimes d’inceste. Il existe aussi des thérapies centrées sur le corps comme la psychomotricité ou la bioénergie.
Quelle efficacité ?
Le 26 février 2004, l’Inserm a publié un rapport sur l’évaluation des psychothérapies : « Psychothérapie- Trois approches évaluées – Expertise collective » (Editions de l’Inserm Paris 2004), rapport demandé par les services du Ministère, à savoir la Direction Générale de la Santé (DGS) et deux associations de patients : UNAFAM et FNAP Psy. Il présente la synthèse des travaux du groupe d’experts nommés par l’Inserm et repose sur l’étude critique de plus de mille études scientifi ques internationales et françaises sur l’évaluation des psychothérapies. Le Ministère de la Santé et les associations de patients souhaitaient une évaluation de l’efficacité des trois formes principales de psychothérapie :
- - les thérapies psychanalytiques à court terme,
- - les thérapies comportementales et cognitives (TCC)
- - les thérapies familiales
L’étude de l’Inserm a conclu à une efficacité nettement supérieure des TCC par rapport à la psychanalyse et aux thérapies familiales, pour presque tous les troubles envisagés. Des trois approches, la moins efficace est la psychanalyse. Ses résultats pour les troubles mentaux sérieux sont du niveau de celui du placebo. L’efficacité des thérapies familiales et systémiques se situe à un niveau intermédiaire, entre les TCC et la psychanalyse. La synthèse de ce rapport axé sur l’évaluation de 14 maladies se trouve sur le site d’AIVI. Chacun peut trouver dans chaque thérapie une aide qui lui convient à un instant donné.
Congrès Face à l'inceste dans la presse
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