Finances: Questions/réponses sur l'indemnisation des victimes de la criminalité en France

Dossier Publié le 03.11.2009

Indemnisation par l'auteur de l'infraction sous forme de dommages-intérêts et Indemnisation par l'Etat ou par un organisme public

1. Obtention de l'indemnisation par l'auteur de l'infraction sous forme de dommages-intérêts

1.1. Dans quelles conditions puis-je introduire une demande visant à obtenir des dommages-intérêts dans le procès contre l’auteur de l’infraction (la procédure pénale) ?

En application de l’article 2 du code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

Il suffit donc de justifier de l’existence d’un préjudice causé par l’infraction pour pouvoir demander des dommages et intérêts sans plafonnement des montants demandés (article 420-1 du code de procédure pénale).

1.2. A quelle étape du procès dois-je le faire ?

La demande de dommages et intérêts peut être effectuée dès le stade de l’enquête et des poursuites. Les articles 53-1 du code de procédure pénale prévoient que les autorités de police judiciaire doivent informer, par tous moyens, les victimes de leurs droits et notamment de leur droit à obtenir réparation des préjudices subis. Mais cette demande est encore possible au moment de l’instruction et même lors de l’audience de jugement.

1.3. Comment dois-je introduire cette demande et auprès de qui ?

Avec l’accord du Procureur de la République, la demande de dommages et intérêts peut être formulée par la victime, au cours de l’enquête de police, auprès d’un officier ou d’un agent de police judiciaire, qui en dresse procès-verbal. En outre, il peut s’agir d’une simple télécopie ou d’une lettre recommandée avec accusé de réception, par le moyen d'une communication électronique, parvenue au tribunal 24 heures au moins avant la date de l’audience. Mais la victime peut encore se constituer partie civile en se déplaçant personnellement à l’audience.

1.4. Comment devrais-je présenter ma demande (indiquer un montant global et/ou préciser les préjudices spécifiques )?

La demande peut être chiffrée par poste de préjudice si elle porte sur des dommages corporels, matériels et moraux, soit de manière globale s’il s’agit d’un préjudice moral. Elle doit cependant être accompagnée de toute pièce justificative.

1.5. Puis-je obtenir l'assistance juridique avant et/ou pendant la procédure ?

La loi du 9 septembre 2002 prévoit l’attribution de l’aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des infractions les plus graves. Pour les autres, cette demande est assujettie à une condition de ressources. Cette assistance vaut dès le début de la procédure puisque la police judiciaire doit informer la victime, dès le stade de l’enquête et des poursuites, de son droit d’être assistée par un avocat, éventuellement désigné par le bâtonnier.

1.6. Quelles preuves serai-je invité à présenter à l'appui de ma réclamation ?

La victime doit produire les justificatifs de sa demande : certificat médical, arrêt de travail et pertes de revenus, factures, devis…

En cas de blessure, le tribunal peut ordonner une expertise afin d’en évaluer l’importance soit d’office, soit à la demande de la victime. Dans l’attente du résultat de l’expertise, la victime peut obtenir le versement d’une provision (avance sur indemnité).

1.7. Si le tribunal m’accorde des dommages-intérêts, y a-t-il une assistance spéciale à ma disposition en tant que victime de crime pour l’exécution du jugement contre l’auteur de l’infraction ?

Les associations d’aide aux victimes assurent le plus souvent un suivi des victimes après le prononcé de la sanction et sont susceptibles d’orienter la victime dans ses démarches.

Par ailleurs, si l’auteur est condamné à une peine incluant l’obligation d’indemniser la victime, un délégué à la probation prendra contact avec la victime afin de voir les modalités de remboursement.

2. Obtention de l'indemnisation par l'Etat ou par un organisme public

2.1. Y a-t-il une possibilité d'obtenir une indemnisation par l’Etat ou par un organisme public ?

La loi du 6 juillet 1990 a créé un régime autonome d’indemnisation des victimes fondé sur la solidarité nationale. Elle pose le principe de la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes aux personnes. Le requérant doit saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions près le Tribunal judiciaire le plus proche de son domicile ou du lieu de l’infraction et les sommes allouées lui sont versées par le Fonds de Garantie des victimes d’actes Terroristes et d’autres Infractions, qui est partie à la procédure et peut exercer une action récursoire contre l’auteur des faits.

Le dommage dont l’indemnisation est demandée doit résulter d’un fait, volontaire ou non, présentant le caractère matériel d’une infraction. Toutefois, les actes de terrorisme, les accidents de la circulation, de chasse ou les actes de destruction d’animaux nuisibles ne relèvent pas de la loi du 6 juillet 1990 mais d’autres systèmes d’indemnisation.

2.2. Est-ce que la possibilité est limitée aux victimes qui ont souffert certains types de crimes ?

La réparation intégrale des préjudices subis est limitée aux victimes ayant subi des atteintes graves à la personne et des violences sexuelles ; les victimes d’atteintes légères à la personne et de certaines atteintes aux biens peuvent se voir octroyer une aide de solidarité dont le montant est plafonné.

2.3. Est-ce que la possibilité est limitée aux victimes qui ont subi certains types de dommages ?

Deux types de dommages peuvent donner lieu à indemnisation devant la C.I.V.I :

  • - les atteintes graves à la personne sont prévues par l’article 706-3 du Code de procédure pénale. Le fait, présentant le caractère matériel d’une infraction, doit avoir entraîné la mort, une incapacité permanente, une incapacité totale de travail supérieure ou égale à un mois ou être constitutif d’une infraction sexuelle.

  • - les atteintes légères à la personne et les atteintes aux biens relèvent de l’article 706-14 du Code de procédure pénale. Ainsi, les victimes de vol, d’escroquerie, d’abus de confiance, d’extorsion de fonds ou de destruction, dégradation ou détérioration d’un bien, ainsi que les victimes d’une atteinte à la personne dont il est résulté une incapacité totale de travail inférieure à un mois peuvent être indemnisées sous certaines conditions : elles doivent cumulativement justifier de l’impossibilité d’obtenir une indemnisation effective et suffisante de leur préjudice par une autre voie (assurance…), d’une situation matérielle ou psychologique grave résultant de ce fait, et de ressources mensuelles inférieures à un plafond s’élevant à 1407,5€ (victime sans aucune personne à charge). 

2.4. Si la victime est décédée, est-ce que les proches parents ou les personnes à charges peuvent obtenir une indemnisation ?

Le droit à indemnisation est ouvert à la victime directe de l’infraction et à ses ayants droit.

2.5. Est-ce que la possibilité d'obtenir une indemnisation est limitée aux personnes d'une certaine nationalité ou aux personnes résidant dans un certain pays ?

La victime doit en effet satisfaire à certaines conditions de nationalité. Peuvent ainsi prétendre à une indemnisation :

  • - les victimes de nationalité française que les faits aient été commis en France ou à l’étranger

  • - les victimes ressortissantes d’un Etat membre de la Communauté Européenne ou d’un Etat ayant signé avec la France un accord de réciprocité (ressortissants des Etats parties à la convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes) lorsque les faits ont été commis sur le territoire français

  • - les victimes étrangères non ressortissantes d’un Etat membre de la Communauté Européenne en séjour régulier en France au jour des faits ou de la demande, sous réserve de traités ou accords internationaux, pour des faits commis sur le territoire français.

2.6. Puis-je demander une indemnisation en France si le crime était commis dans un autre pays ? Si oui, dans quelles conditions ?

Comme il a été indiqué à la question 2.5, les victimes de nationalité française peuvent prétendre à une indemnisation dans le cadre des Commissions d’Indemnisation des Victimes d’Infractions même si les faits ont été commis à l’étranger et dans les mêmes conditions que s’ils avaient été commis en France.

2.7. Est-il nécessaire d’avoir signalé l’infraction à la police ?

La demande d’indemnisation devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions doit être accompagnée du récépissé du dépôt de plainte et de toute pièce de la procédure pénale dont dispose le demandeur.

2.8. Est-il nécessaire d'attendre les résultats de l’enquête de police ou des procédures pénales avant de pouvoir introduire une demande ?

Non, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions a notamment été créée pour éviter à la victime l’attente des résultats du procès pénal.

2.9. Si l’auteur de l’infraction a été identifié, est-il nécessaire d’essayer d’abord d’obtenir des dommages-intérêts de la part de l’auteur de l’infraction?

Non, les actions sont indépendantes et la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions n’est pas liée par le montant des dommages et intérêts qui aurait été précédemment attribué par une juridiction.

2.10. Si l’auteur de l’infraction n'a pas été identifié ou utilement poursuivi, y a-t-il quand même une possibilité de recevoir une indemnisation ? Si oui, quelles preuves dois-je fournir à l'appui de ma demande ?

Même en l’absence de condamnation pénale de l’auteur des faits, la procédure d’indemnisation devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions reste possible. Le simple fait d’avoir subi un préjudice du fait d’une infraction dans le cadre des articles 706-3 ou 706-14 du code de procédure pénale suffit au déclenchement de cette procédure.

2.11. Y a-t-il un délai pour introduire la demande d’indemnisation ?

La demande d’indemnisation doit, à peine de forclusion, être présentée dans le délai de trois ans à compter de la date de l’infraction ou dans l’année suivant la dernière décision de justice rendue lorsque des poursuites pénales ont été exercées.

Toutefois, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions peut relever le requérant de la forclusion lorsqu’il n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans le délai requis ou lorsqu’il a subi une aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime.

2.12. Pour quels préjudices puis-je être indemnisé ?

Au terme de l’article 706-3 du code de procédure pénale, tous les chefs de préjudices résultant d’une atteinte à la personne peuvent être indemnisés qu’ils soient d’ordre patrimonial ou extra patrimonial. Il en va notamment ainsi du préjudice économique né de la diminution des revenus professionnels à la suite d’une agression, du préjudice résultant de l’angoisse et des souffrances endurées par des parents dont l’enfant a été enlevé et violé, du préjudice résultant de l’incapacité permanente partielle et de l’incapacité totale de travail subies par les ayants droit d’une victime décédée à la suite d’une infraction ou encore du préjudice économique du mineur dont la mère décédée des suites d’une infraction assurait l’entretien et l’éducation.

Par contre, si le préjudice économique né de la diminution des revenus professionnels depuis l’infraction peut être indemnisé, la réparation du préjudice purement matériel n’entre pas dans les prévisions de l’article 706-3 du code de procédure pénale. Sont donc rejetées, par exemple, les demandes d’indemnisation du préjudice vestimentaire ou de celui du à la perte ou dégradation de bijoux.

2.13. Comment l’indemnisation sera-t-elle calculée ?

Pour déterminer les sommes qui doivent être allouées à la victime, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions doit d’abord calculer le préjudice global du demandeur selon les règles du droit commun de la responsabilité. Ainsi, l’indemnisation peut être réduite ou refusée en cas de faute de la victime présentant un lien de causalité direct et certain avec le dommage. Puis la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions doit déduire les prestations versées par les caisses de sécurité sociale.

2.14. Y a-t-il un montant minimal et/ou maximal qui peut être attribué ?

Non, le principe est l’indemnisation intégrale des préjudices sous réserve du plafond mentionné aux questions 2.2. et 2.3.

2.15. L’indemnisation que j'ai reçue, ou que je peux recevoir, pour les mêmes préjudices mais provenant d'autres sources (telles que l'assurance) sera-t-elle déduite de l’indemnisation de l'Etat ?

Comme il a été indiqué à la question 2.13, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions déduit du montant estimé du préjudice global du demandeur les prestations versées par les organismes sociaux et les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir au titre du même préjudice (assurance…).

2.16. Y a-t-il d'autres critères qui peuvent influencer ma possibilité de recevoir une indemnisation ou la manière dont le montant d’indemnisation est calculé, telle que mon comportement pendant l’événement ayant causé le dommage ?

Comme il a été indiqué à la question 2.13, l’indemnisation peut être réduite ou refusée en cas de faute de la victime présentant un lien de causalité avec le dommage.

2.17. Puis-je obtenir une avance sur indemnisation ? Si oui, sous quelles conditions ?

Le demandeur peut solliciter l’octroi d’une provision. Dans ce cas, le Président statue dans le délai d’un mois à compter de la demande.

2.18. Où puis-je obtenir les formulaires nécessaires et les informations complémentaires sur la procédure à suivre pour introduire la demande ? Y a-t-il une ligne téléphonique spéciale ou un site web que je peux utiliser ?

Les associations d’aide aux victimes conventionnées par le Ministère de la Justice dont la liste peut être consultée sur le site internet du Ministère de la Justice, les permanences d’avocats spécialisés dans l’aide aux victimes, les Commissions d’Indemnisations des Victimes d’Infractions près les Tribunaux de Grande instance sont à même de diffuser les informations en cette matière.

Les victimes peuvent également contacter le Numéro National d’aide aux victimes de l’INAVEM (réseau regroupant plusieurs associations d’aide aux victimes) : 0 810 09 86 09.

2.19. Puis-je obtenir l’aide judiciaire pour introduire la demande ?

La loi du 9 septembre 2002 prévoit l’attribution de l’aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des atteintes les plus graves. Dans les autres cas, l’aide juridictionnelle est soumise à une double condition de ressources et de recevabilité de l’action.

2.20. Où est-ce que je dois envoyer la demande ?

La demande d’indemnisation doit être effectuée auprès de la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions près le Tribunal judiciaire le plus proche du domicile du requérant ou du lieu de l’infraction.

2.21. Y a-t-il des associations d’aide aux victimes qui peuvent offrir une assistance supplémentaire ?

Les associations d’aide aux victimes sont regroupées pour certaines d’entre elles au sein du réseau INAVEM (numéro national d’aide aux victimes : 0 810 09 86 09). Une carte géographique permettant de repérer les associations les plus proches du domicile du requérant peut être consultée sur le site internet du Ministère de la Justice.

Autres informations

  • Y a-t-il d'autres options pour obtenir une indemnisation de la part de l’auteur de l’infraction (« compensation orders ») ?

    S’adresser à un huissier de justice qui mettra en œuvre les voies d’exécution forcée (saisie sur salaire ou sur compte) en demandant parfois la collaboration du Procureur de la République (localisation géographique du débiteur, accès au fichier FICOBA permettant d’identifier les comptes bancaires détenus par le débiteur…).

Source : Europa