Les conséquences de la violence faite aux enfants

Dossier Publié le 03.11.2009

Centre national d'information sur la violence dans la famille 
Par Jeff Latimer pour l’Unité de la prévention de la violence familiale, Santé Canada (extraits)

Définition de la violence envers les enfants


Il est difficile de donner une définition universelle de l’enfance maltraitée et négligée. Ce qui est perçu comme de l’abus par certains est considéré comme normal et acceptable par d’autres. La plupart des spécialistes de la protection de l’enfance, toutefois, s’entendent sur une définition commune de la violence envers les enfants. Il s’agit de mauvais traitements infligés à un enfant ou de négligence des besoins liés au développement de ce dernier par un parent, un tuteur ou une personne qui en prend soin, entraînant ainsi ou pouvant entraîner des blessures ou des effets néfastes sur les plans affectif ou psychologique. Pour simplifier les choses, l’expression violence envers les enfants sera utilisée dans cette brochure pour désigner toutes les formes de violence et de négligence envers les enfants.


La violence physique désigne le fait de frapper ou de battre un enfant, notamment de l’intoxiquer, le brûler, lui infliger des coups, lui donner des coups de pied, le mordre, le secouer, le lancer à terre, l’étrangler, ou exercer toute force ou forme de contrainte contre lui. On invoque souvent la discipline pour justifier la violence physique. Les recherches indiquent cependant que la discipline physique n’est pas une façon efficace d’exercer une influence favorable sur le comportement de l’enfant3. De plus, l’emploi de la force physique comme méthode de discipline peut dégénérer en coups beaucoup plus violents4.

La violence sexuelle désigne une situation où un adolescent ou un adulte se sert d’un enfant pour se satisfaire sexuellement. L’enfant est exposé à un contact, à une activité ou à un comportement à caractère sexuel sous forme, par exemple, d’invitation à des attouchements, de rapports sexuels ou d’autres formes d’exploitation, telles la pornographie ou la prostitution infantile. Il arrive que la violence sexuelle s’exerce entre les enfants. La différence d’âge et de pouvoir, entre la victime et l’agresseur, est le facteur déterminant lorsqu’on tente d’établir s’il y a agression sexuelle.

La négligence peut se définir comme un manquement au devoir de satisfaire aux besoins physiques et psychologiques fondamentaux d’un enfant. Il est souvent difficile de définir et de détecter la négligence. On pourrait citer comme exemples de négligence le fait de ne pas nourrir, vêtir ou loger convenablement un enfant; d’ignorer systématiquement ses besoins et ses problèmes, ou de ne pas lui offrir une surveillance adaptée à son niveau de développement. La négligence peut avoir, sur les enfants, plus d’effets dévastateurs que d’autres formes de mauvais traitement, parce qu’elle n’est pas détectée, dans bien des cas, et qu’elle fait partie du mode d’éducation des enfants5.

La violence psychologique désigne généralement des actions ou des omissions qui, selon les normes en vigueur dans une collectivité et du point de vue des spécialistes, pourraient avoir des effets psychologiques néfastes. Comme la négligence, la violence psychologique est difficile à définir et à détecter. Il ne s’agit pas d’un phénomène isolé, mais d’une forme de violence répétée et soutenue. Le rejet, l’humiliation, l’intimidation, l’isolement, la corruption, l’exploitation et le retrait de l’affection sont assimilés à des formes de violence psychologique.

L’exposition à la violence familiale survient quand l’enfant, directement ou indirectement, est témoin de la violence en milieu familial. L’enfant peut être physiquement présent et observer la violence, ou se trouver dans une autre pièce d’où il peut entendre les échanges violents. Ou encore, il peut, sans avoir observé ou entendu quoi que ce soit, constater les traces laissées par la violence, comme les meubles endommagés ou les contusions présentées par la victime. La majorité des enfants qui sont témoins de violence familiale assistent à l’agression commise contre l’un de leurs parents, le plus souvent, leur mère. Il arrive aussi que la victime soit un frère ou une soeur, ou un autre membre de la famille.

Les conséquences de la violence faite aux enfants


Les gens ont tendance à considérer que la violence envers les enfants est moins grave lorsque ses effets semblent temporaires et disparaissent au cours du développement de l’enfant. Or, Browne et Finklehor (1986) s’élèvent fermement contre cette perception.

Lorsqu’un traumatisme, par exemple un viol, survient à l’âge adulte, on ne l’évalue pas en fonction des conséquences qu’il aura ou non pendant la vieillesse. On reconnaît qu’il s’agit d’un événement douloureux et inquiétant, que ses effets se fassent sentir pendant un an ou dix ans. De même, un traumatisme subi pendant l’enfance ne doit pas être sous-estimé parce que ses effets à long terme ne peuvent être démontrés[...]les mauvais traitements doivent être considérés comme un problème grave pour l’enfant, ne serait-ce que parce qu’ils engendrent dans l’immédiat une douleur, de la confusion et de la perturbation qui peuvent persister (caractères gras ajoutés; p. 22).

La violence envers un enfant n’est cependant pas un épisode critique momentané dans la vie de l’enfant. Même si l’enfant est retiré d’un milieu familial violent ou prend lui-même l’initiative de quitter la maison, les effets de la violence subie pendant l’enfance demeureront toute sa vie durant. La violence envers un enfant peut avoir des répercussions sur tous les aspects de sa vie, notamment sur les suivants :
- psychologique- physique- comportemental- scolaire- sexuel- interpersonnel- perception de soi- vie spirituelle- violence subséquente
 
Pour simplifier les choses, les conséquences de la violence physique, sexuelle et psychologique, de la négligence et de l’exposition à la violence familiale seront regroupées dans une seule catégorie.

 
Conséquences psychologiques


La violence subie pendant l’enfance peut bouleverser à jamais l’équilibre psychologique de la victime. L’enfant qui s’est vu infliger des mauvais traitements présente les problèmes suivants :

- des cauchemars intenses et répétitifs20

- de l’anxiété21- un niveau exceptionnel de colère et d’agressivité22


- un sentiment de culpabilité et de honte


- chez les victimes d’agression sexuelle, ce sentiment peut être très aigu, surtout si elles ont éprouvé un certain plaisir à un moment quelconque23- des phobies soudaines, comme la crainte de l’obscurité ou de l’eau24


- des troubles psychosomatiques, comme des maux d’estomac, des maux de tête, de l’hypocondrie, de l’incontinence fécale, de l’incontinence urinaire et des clignements d’yeux excessifs25


- une attitude craintive, en général, et plus particulièrement face aux membres du même sexe que l’agresseur26

- des symptômes dépressifs, des épisodes prolongés de tristesse, un repli sur soi27- un sentiment d’isolement social et une impression de stigmatisation28.

 
Par suite d’une exposition prolongée aux mauvais traitements, l’enfant peut présenter d’autres troubles psychologiques :

- une augmentation sensible des troubles psychiatriques29
- de la dissociation, des pensées envahissantes, des idées suicidaires et des phobies plus aiguës30
- des niveaux accrus d’anxiété, de peur, de dépression, de solitude, de colère, d’hostilité et de culpabilité31
- une perturbation de la pensée, par exemple des perceptions chroniques de danger et de la confusion, un raisonnement illogique, des perceptions tordues de la réalité, des idées fausses sur le monde et de la difficulté à distinguer le réel de l’imaginaire32
- une diminution de la capacité de saisir les rôles complexes33
- de la difficulté à réfléchir à des problèmes sociaux ou à les résoudre34.

 
Même si l’on s’intéresse de plus en plus aux effets de la violence envers les enfants, rares sont les études qui ont examiné ses conséquences psychologiques à long terme dans l’ensemble de la population. On sait cependant que les adolescents et les adultes ayant des antécédents de mauvais traitements sont sur-représentés parmi les détenus et qu’ils présentent généralement plus de problèmes psychiatriques à l’âge adulte, comme le stress post-traumatique et la dépression grave35. En outre, des troubles psychiatriques précis, tels que la personnalité multiple et l’état limite de trouble de la personnalité, ont été associés à la violence vécue pendant l’enfance.

 
Conséquences physiques

Outre les blessures physiques évidentes, comme les fractures, les contusions et les cicatrices, les mauvais traitements entraînent plusieurs problèmes physiques chez les enfants, notamment :

- les enfants qui ont souffert de négligence grave et chronique sont généralement plus petits et pèsent moins que les enfants non maltraités, ce qui, comme on l’a prouvé, a une incidence durable sur la santé37
- les enfants victimes de violence physique (ou qui sont secoués, lorsqu’il s’agit de très jeunes enfants) souffrent parfois de lésions neurologiques graves et permanentes, qui ont une incidence sur leur développement ultérieur38
- des problèmes de poids, qui se présentent souvent sous forme de troubles alimentaires39
- des troubles du sommeil graves et des étourdissements à l’état de veille40
- d’autres symptômes liés au stress, comme des problèmes gastro-intestinaux, des migraines, des problèmes respiratoires, de l’hypertension, des douleurs continues, des douleurs et des éruptions cutanées qui défient tout diagnostic ou traitement41
- un mauvais état de santé général42.

Conséquences sur le comportement


Il est connu que les enfants maltraités présentent les problèmes de comportement suivants :

- des retards du développement43
- le cramponnement, la timidité extrême et la peur des étrangers44
- des problèmes de socialisation avec les camarades – comportement belliqueux ou socialement indésirable, comme une tendance à rudoyer, à taquiner ou à ne pas partager45
- la mésadaptation scolaire et un comportement dérangeant en classe46.

 
Les chercheurs s’accordent de plus en plus pour dire que la violence envers les enfants est associée à une foule de problèmes de comportement qui se manifestent à l’adolescence :

- la grossesse à l’adolescence47
- les comportements autodestructeurs comme l’automutilation ou les brûlures volontaires48
- l’absentéisme scolaire et les fugues49
- la délinquance et la prostitution50
- la consommation de drogues ou d’alcool et la toxicomanie à un jeune âge51
- les troubles alimentaires comme l’anorexie, la boulimie ou l’obésité – surtout chez les filles52
- le suicide et les tentatives de suicide53.

 
 
Les recherches donnent à penser que bon nombre de ces problèmes persistent à l’âge adulte et deviennent des modes de comportement profondément ancrés chez la personne. On croit que ces comportements servent de stratégies d’adaptation aux enfants et aux jeunes qui doivent faire face au traumatisme de la violence et de la négligence. Bien que ces comportements finissent par devenir autodestructeurs, ils sont dans bien des cas très difficiles à abandonner. D’autres difficultés de comportement peuvent subsister à l’âge adulte :

- une agressivité et une violence accrues54
- l’itinérance55
- la criminalité – les crimes de nature sexuelle sont souvent associés à la violence sexuelle, alors que les crimes violents sont plus souvent rattachés à la violence physique56
- la toxicomanie ou la dépendance chronique à l’égard des substances57. 

Conséquences sur les études


L’une des conséquences les plus dévastatrices de la violence envers les enfants est sans doute son incidence sur le rendement scolaire. Les recherches montrent, de façon répétée, que les enfants maltraités ont un fonctionnement intellectuel réduit et réussissent très mal dans leurs études. Or, un mauvais rendement scolaire peut avoir de graves conséquences à long terme. L’échec scolaire a été associé à des comportements antisociaux et au décrochage scolaire, lesquels ont pour effet d’accroître les risques suivants à long terme : baisse de la productivité, dépendance économique et niveau de satisfaction généralement plus faible dans la vie, à l’âge adulte58. Les enfants maltraités peuvent présenter les caractéristiques suivantes :

- des résultats scolaires plus faibles de manière générale, ainsi qu’en langue, en lecture et en mathématiques59
- le redoublement, les mesures disciplinaires et de nombreuses suspensions60
- un rythme de travail et d’apprentissage inférieur à la moyenne (selon les enseignants)61
- une capacité moins grande de se fixer des objectifs scolaires et professionnels à long terme comparativement aux enfants non maltraités62.

 
Il est compréhensible que les enfants maltraités réussissent mal à l’école. D’une part, ils doivent composer avec les difficultés évidentes associées à un milieu familial violent, d’autre part, les parents négligents et violents sont moins susceptibles d’offrir à l’enfant un milieu stimulant sur le plan intellectuel, de lui faire de la lecture, de superviser ses devoirs et de s’intéresser de façon générale à sa vie scolaire.

Conséquences sur la vie sexuelle


En règle générale, la violence subie pendant l’enfance a une incidence néfaste sur la perception qu’a l’enfant de la sexualité, réduit sa capacité de fixer des limites appropriées et a souvent pour effet de lui inspirer une attitude craintive ou négative à l’égard de la sexualité. Si ce sont surtout les agressions sexuelles qui ont des conséquences sur la vie sexuelle, d’autres formes de mauvais traitements peuvent également avoir sur ce plan des effets destructeurs. Ainsi, il arrive qu’un enfant négligé recherche très tôt une intimité sexuelle pour combler un besoin d’intimité parentale non satisfait. D’où un risque de grossesse à l’adolescence ou de maladies transmises sexuellement. Voici une liste des principales conséquences qu’auraient les mauvais traitements sur la sexualité, d’après la documentation :

- la masturbation manifeste ou excessive, une curiosité sexuelle exagérée et une fréquente exposition des organes génitaux63
- la simulation d’actes sexuels avec les frères et soeurs et les amis, des comportements sexuels inappropriés, comme la tendance à toucher les seins ou les organes génitaux64
- des connaissances sexuelles prématurées, la « sexualisation » des baisers donnés aux amis et aux parents65.

 
À l’adolescence et à l’âge adulte, les enfants maltraités continuent de manifester des comportements sexuellement mésadaptés.

- les troubles orgasmiques et les relations sexuelles douloureuses66
- la promiscuité67
- l’insatisfaction et les attitudes négatives à l’égard de la sexualité68.

 
Ces problèmes découlent dans bien des cas de l’introduction d’une composante sexuelle dans les rapports parents-enfants, qui a eu une incidence sur la sexualité et l’intimité de l’enfant. En substance, l’enfant qui a subi des agressions sexuelles peut, par la suite, avoir de la difficulté à distinguer une relation sexuelle d’une relation non sexuelle et, par conséquent, introduire une élément sexuel dans toutes ses relations.

Conséquences sur les relations interpersonnelles

La violence infligée aux enfants peut les empêcher d’avoir des relations satisfaisantes et adéquates avec autrui, même une fois qu’ils ont atteint l’âge adulte. Les enfants victimes de mauvais traitements ou de négligence sont toujours perçus, par leurs pairs, comme ayant un comportement socialement indésirable69. Les enfants aux prises avec de multiples problèmes psychologiques et comportementaux ont souvent du mal à entretenir de saines relations avec les autres. La victimisation altère les aptitudes sociales et limite la capacité d’empathie, deux facteurs essentiels à l’établissement de relations satisfaisantes avec les autres. On a relevé chez les enfants maltraités les problèmes interpersonnels suivants :

- une insécurité dans les rapports avec les parents et les dispensateurs de soins70
- la perte d’amis intimes71
- une difficulté à faire confiance aux autres72
- des problèmes relationnels (p. ex., des relations hypersexualisées ou hyperconflictuelles)73
- une insatisfaction chronique dans les relations avec les adultes et une peur de l’intimité74.

Conséquences sur la perception de soi

Les mauvais traitements infligés aux enfants par leurs parents ont indéniablement une incidence sur l’estime de soi des jeunes victimes. L’enfant auquel on ne s’intéresse pas, ou qui fait l’objet d’agressions violentes, sera enclin à se dévaloriser. La violence est, en effet, associée à une image de soi déformée ou extrêmement négative qui s’acquiert dès l’enfance et persiste toute la vie. Les enfants maltraités ont généralement l’impression d’être méchants, dépourvus de qualités ou peu attachants, ce qui se traduit parfois par les problèmes suivants :

- niveaux extrêmement faibles d’estime de soi75
- sentiment de désarroi76
- image corporelle biaisée conduisant souvent à des troubles de l’alimentation77
- sentiment écrasant de culpabilité ou d’auto-accusation pour les mauvais traitements subis78
- difficulté à maintenir une identité cohérente79
- dégoût de soi, autodépréciation, haine de soi80.

Conséquences sur la vie spirituelle

Les enfants victimes de violence et de négligence affirment souvent avoir perdu la foi, non seulement la foi religieuse en un être divin, mais aussi la foi en soi-même, en autrui et dans le monde qui les entoure. On observe souvent chez eux ce que certains auteurs ont appelé une âme brisée ou un mal de l’âme81. De surcroît, les adultes qui ont été maltraités pendant leur enfance montrent moins d’intérêt pour la religion organisée et y participent donc moins volontiers. Les sévices, l’abus sexuel, la violence psychologique systématiques ou la négligence prolongée peuvent détruire chez l’enfant tout appétit de vivre. Bien que l’on en tienne rarement compte dans la documentation, cette destruction de l’âme pourrait s’avérer une conséquence à long terme extrêmement importante de la violence faite aux enfants.

Violence subséquente

Les victimes de mauvais traitements dans l’enfance deviennent souvent des victimes durant l’adolescence et la vie adulte, ou deviennent elles-mêmes violentes à l’égard de leurs propres enfants et dans leurs relations intimes. D’après les études sur la transmission intergénérationnelle de la violence à l’égard des enfants, le tiers des victimes reproduiraient avec leurs propres enfants le même modèle d’éducation extrêmement inadéquat, négligent ou abusif; un autre tiers ne le reproduirait pas; et le dernier tiers des sujets resteraient plus ou moins vulnérables aux effets de la violence subie pendant leur enfance, selon les facteurs de stress sociaux présents dans leur vie82. On relève parfois, chez les adultes et les adolescents qui déclarent avoir été victimes de violence durant leur enfance, les caractéristiques suivantes :

- ils sont eux-mêmes violents à l’égard de leurs propres enfants83
- ils ont été victimes d’une agression violente par une personne extérieure à la famille durant leur adolescence84


- ils sont violents dans leurs fréquentations à l’adolescence, ou avec leur conjoint une fois adultes85
- ils deviennent victimes d’un partenaire violent (le plus souvent de sexe masculin) ou font l’objet de nouvelles agressions sexuelles86.

Conséquences générales

Jusqu’à présent, on n’a discuté que des conséquences de la violence dans leur ensemble, mais il est possible d’associer certaines conséquences à des formes de violence particulières (figure 3). On peut aussi affirmer que ces conséquences sont, en général, plus intériorisées chez les femmes (idées suicidaires, troubles de l’alimentation, faible estime de soi et troubles psychologiques), et plus extériorisées chez les hommes (comportement agressif exacerbé, délinquance et violence conjugale).  

Facteurs influant sur les conséquences de la violence

D’après certains auteurs, la gravité des conséquences de la violence sur le vécu de l’enfant pourrait être liée en partie aux facteurs suivants :

- la durée des mauvais traitements
- la gravité de la violence
- la relation de l’agresseur avec la victime.

 
Ainsi, de mauvais traitements graves infligés sur une longue période par un parent ont, en général, des effets plus nocifs que de mauvais traitements moins graves infligés par un étranger sur une période moins longue, bien que cela ne soit pas toujours le cas. Des chercheurs ont en effet observé des taux élevés de problèmes affectifs et comportementaux chez des enfants victimes de gestes violents que l’on qualifiait de « pas assez graves » pour justifier l’intervention des autorités de protection de l’enfance87. Si la violence peut être dans ces cas moins sévère que dans d’autres, elle est par contre souvent subie sur une longue période. Du fait de sa nature chronique et omniprésente, cette forme de violence peut avoir sur le développement de l’enfant une incidence beaucoup plus prononcée qu’une violence dont les effets sont immédiatement visibles. Les familles où la violence faite aux enfants est moins grave n’auraient donc pas moins besoin d’intervention que les autres. 
 
Contexte familial et social
On affirme souvent aussi que les conséquences de la violence sont davantage liées au contexte familial et social dans lequel grandit l’enfant qu’à l’agression comme telle. Les recherches montrent, par exemple, qu’une forte proportion des enfants maltraités vivent dans des familles pauvres. La pauvreté jouerait donc un rôle plus important que les mauvais traitements dans l’apparition de problèmes chez les enfants victimes de violence. Toutefois, même en tenant compte de variables comme l’âge de la mère, la situation socio-économique et le type de famille, il n’en subsiste pas moins une relation significative entre les mauvais traitements et de lourdes conséquences comme l’agressivité, l’inadaptation scolaire, les tentatives de suicide, l’abus de substances et la délinquance88.

Résilience

Les conséquences possibles de la violence faite aux enfants sont souvent considérables. Il est étonnant qu’un si grand nombre d’enfants arrivent à « s’en tirer » et bien fonctionner dans la vie malgré un passé marqué par la violence et la négligence chroniques. Cette résilience infantile, qui permet à certains enfants de foyers perturbés ou violents de surmonter l’adversité et de développer des aptitudes et des stratégies d’adaptation efficaces, est une notion souvent abordée dans la documentation89. L’introduction de ce concept ne vise certes pas à minimiser la souffrance de ces enfants ni à justifier les critiques adressées à ceux qui ne sont pas aussi résilients, mais toutefois, elle peut avoir ce genre de conséquences fâcheuses. De plus, comme le soulignent Browne et Finklehor (1986), le fait d’analyser la violence faite à l’enfant en fonction de ses répercussions futures peut aussi conduire à ne pas faire cas de la douleur et du traumatisme immédiats que vit l’enfant sur le coup. Et, bien que l’enfant puisse sembler résilient, il est impossible de connaître son plein potentiel. Il peut donner l’impression de bien fonctionner dans la vie, mais on ne peut déceler les pertes dues à la violence. Souvent, les effets cachés de la violence – la sourde souffrance affective, les terribles cauchemars ou la peur soudaine de l’obscurité qui envahit tout l’être.