Que contient réellement la loi sur les Violences Sexuelles et Sexistes ? Nous avons fait le bilan.
Où en est la loi ?
Annoncée en octobre 2017 (lire notre article: Prescription, consentement: vers une nouvelle loi ?), la loi Belloubet / Schiappa a été présentée en Conseil des Ministres le 21 mars 2018. Nous avons alors dénoncé son insuffisance dans un communiqué Consentement des enfants: une loi pour RIEN ?.
Nous avons rencontré les députés à deux reprises, le 15 février et le 12 avril 2018 (lire aussi: Groupe de travail à l'assemblé nationale et Lettre ouverte aux députés de la Délégation au Droit des Femmes)
La loi a été débattue à l'Assemblée Nationale les 15 et 16 mai (voir Manifestation devant l'Assemblée Nationale, L'inceste doit être un crime ! (communiqué) et Lettre ouverte à Mme Schiappa (Loi sur les Violences Sexistes et Sexuelles)).
Elle est ensuite passée au Sénat le 5 et 6 juillet 2018. Le 24 juillet, une Commission Mixte Paritaire a réconcilié le texte du Sénat et celui de l'Assemblée. A ce stade, seul le gouvernement peut encore proposer des amendements (c'est à dire des modifications de la loi) avant le vote solennel par les deux assemblées et la promulgation de la loi. Le texte de la CMP est donc quasi-définitif et sert de base à notre article. Nous tiendrons cette page à jour lorsque la loi aura été finalement promulguée.
Prescription: de réels progrès.
La mesure phare de l'article 1 est l'allongement de 20 ans à 30 ans du délai de prescription pour les violences sexuelles commises sur mineurs.
Ce délai commence à la majorité de la victime.
Concrètement, les personnes victimes d'inceste ou de pédocriminalité et nées après 1980 pourront porter plainte jusqu'à 48 ans.
C'est un réel progrès qui entérine les conclusions de la mission Flament-Calmettes (Prescription: la mission de consensus Flament-Calmettes rend ses conclusions)
Un autre progrès concerne l'article 434-3 du code pénal qui punit la non-dénonciation de crime sur mineurs, et surtout le fait de « continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé, ». Concrètement si un enfant est victime d'inceste de 10 à 16 ans, si des parents sont au courant et ne dénoncent pas l'inceste à la police ou au procureur, alors elle pourra porter plainte contre les complices au titre de l'article 434. La nouvelle rédaction réduit les possibilités pour les complices passifs d'échapper aux poursuites judiciaires en faisant jouer la prescription pénale sur le délit de non-dénonciation.
Consentement: un scandale persistant
Le Président de la République avait lui-même annoncé qu'il était favorable à un seuil d'âge à 15 ans "à titre personnel".
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Inceste: des progrès insuffisants
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Autres dispositions
Une des mesures que nous réclamons depuis longtemps est d'obliger les médecins à faire des signalements à la justice lorsqu'un de leurs patients leur révèle avoir subi des violences sexuelles. Adoptée par les sénateurs, elle a été finalement supprimée par la CMP.
Harcèlement de rue et sur Internet
Les articles 3 et 4 concernent la lutte contre le harcèlement sexuel en ligne et le harcèlement de rue. De l'avis même des députés et sénateurs qui l'ont voté, la contravention pour "outrage sexiste" créée par l'article 4 devrait être difficile à appliquer en pratique. Il s'agit donc de mesures d'affichage ou si l'on préfère de pédagogie destinées à entériner dans la loi le fait que la tolérance de la société pour certains comportements est en forte diminution.
Nous ne commenterons pas en détail ces mesures plus symboliques qu'autre chose.
Manque de volonté politique
Notons tout de même une chose: si la volonté politique pour lutter contre les violences sexuelles dans l'espace public ou encore au travail semble réelle, la volonté de lutter réellement contre l'inceste et les violences sexuelles commises dans l'espace familial est beaucoup moins nette. La seule députée qui s'était engagée avec nous en co-signant notre pétition Inceste : aucun consentement ! Aucune prescription ! (pétition) n'a pas trouvé suffisamment de soutiens parmi ses collègues pour faire passer des amendements.
Quant au gouvernement, nous avons rencontré Nicole Belloubet (justice), Agnès Buzyn (santé) et Marlène Schiapa (égalité hommes-femmes) à plusieurs reprises, mais elles sont restées sourdes à nos demandes d'un double seuil d'âge pour protéger réellement nos enfants: 15 ans pour la pédocriminalité et 18 ans pour l'inceste.
Action unitaire des associations
Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer une loi insuffisante qui ne protège pas les enfants et considère que leur capacité à dire oui ou non à un acte sexuel est la même que celle d'un adulte. C'est pourquoi nous avons créé, avec une cinquantaine d'autres associations, le Collectif pour une Véritable Protection des Enfants. Ce Collectif a pour but de faire des propositions concrètes afin d'améliorer la loi et de se mettre en règle avec les conventions internationale de Lanzarote et d'Istanbul.
(lire aussi Communiqué : Violences sexuelles : danger pour les enfants !)
Le combat continue ! Tant que la France aura une législation et une pratique judiciaire favorables aux agresseurs, nous ne connaîtrons pas de repos.
Merci à toutes et à tous pour votre soutien et votre engagement à nos côtés.