Auditionnée le 5 décembre 2014 par la commission des affaires sociales du sénat, Face à l'inceste a présenté à la sénatrice Michelle Meunier, ses propositions concernant la proposition de loi n°799 relative à la protection de l'enfant.
La rédaction globale ainsi que les orientations de cette proposition de loi semblent très positives, car elles placent enfin l’enfant au cœur des mesures du dispositif. Ce seront aux adultes d’articuler leurs actions autour de l’enfant, et non plus à l’enfant de s’adapter aux problématiques des adultes. D’autre part, et si nous avons bien compris les différents articles concernés, nous ne pouvons qu’être favorables à la volonté d’harmonisation territoriale, ainsi qu’aux mesures visant la mise en place de plus de contrôle, d’encadrement et de formation des différents acteurs intervenant tout au long du parcours d’un enfant victime de maltraitance, ainsi que la mise en place d’un réel suivi de ces victimes.
Nous mettrons l’accent sur l’article 17, qui prévoit de systématiser la désignation d’un administrateur ad hoc indépendant du service de l’ASE. Cela nous pourrait un point très important afin de garantir la protection des intérêts du mineur victime surtout quand ces intérêts s’opposent à ceux titulaires de l’autorité parentale. Il faut savoir qu’en matière d’inceste, la protection de l’enfant par son père ou sa mère, sont des exceptions. Selon un sondage réalisé par Face à l'inceste auprès de victimes d’inceste maintenant majeures, 83% de victimes ont déclaré ne pas avoir été protégé par leurs parents (sur 131 répondants). Si la protection parentale est l’exception en matière d’inceste, il est donc primordial d’introduire un tiers afin de protéger et représenter l’enfant. Il est également nécessaire de former les administrateurs qui seront amenés à être désignés.
Concernant les articles 20 et 21 de la proposition de loi. L’article 20 propose le retrait automatique de l’autorité parentale pour le parent condamné pour des crimes ou délits contre son enfant, et à l’encontre du parent qui s’est rendu coupable d’un crime sur la personne de l’autre parent. Nous sommes entièrement d’accord avec cet article, car en effet, aujourd’hui, ce retrait de l’autorité parentale n’est pas systématique, et doit être explicitement demandé par les avocats défendant les enfants victimes. Il nous paraît évident que ce retrait doit être automatique. Et nous irions même plus loin en demandant le retrait de l’autorité parentale pour toute la fratrie lorsqu’il s’agit d’inceste notamment, car tous les enfants d’une fratrie ont besoin de protection face à un parent incestueux.
De plus nous pensons qu’il faudrait étendre la mesure de retrait de l’autorité parentale à l’encontre du parent qui s’est rendu coupable d’un crime et d’un délit sur la personne de l’autre parent, et pas uniquement en cas de crime. Et ce afin que les enfants qui ont été témoins de la violence conjugale entre leurs parents, ne soient pas obligés de retourner vivre avec un parent agresseur. Parce qu’un parent qui est violent à l’encontre de l’autre parent ne peut en aucun cas être un bon père ou un bonne mère. Dans notre sondage réalisé il y a quelques semaines, nous avons constaté que 22% des victimes d’inceste interrogées ont eu une mère victime de violences conjugales.
En ce qui concerne l’article 21, nous sommes totalement en accord avec celui-ci.
Concernant l’article 22, nous sommes favorables à ce que le mot inceste soit nommé dans le code pénal et que les membres de la famille soient définis dans ce cadre. Mais à nos yeux, cela ne suffit par à reconnaître l’existence de cette infraction de façon spécifique. Nous pensons que l’insertion de l’inceste dans le code pénal doit répondre à plusieurs problématiques.
Premièrement : Le statut de l’agresseur par rapport à la victime doit être un élément constitutif du crime et non une aggravation. L’inceste est un crime « de lien » qui implique l’auteur et toute la famille. L’inceste est constitutif du crime et non une simple aggravation. La famille, doit être explicitement définie et circonscrite aux liens par le sang, l’adoption, et l’autorité parentale. Le lien d’autorité est implicite dans la famille. La recherche d’une autorité de droit ou de fait n’a pas lieu d’être car elle implique des investigations inutiles voire contraires aux droits des victimes.
Deuxièmement : La définition de l’infraction ne doit plus se hiérarchiser selon qu’il y a pénétration ou non de l’enfant. La gravité de l’infraction est d’abord psychique et non physique. L’inceste implique une répétition d’infractions multiples (de l’agression sexuelle au viol) sur plusieurs années en moyennes. Lorsque l’on questionne les victimes leur souffrance ne vient jamais du fait qu’il y ait eu pénétration ou non, mais du fait de la trahison et du crime de liens.
Troisièmement : Choisir si l’inceste est un crime ou un délit ? L’inceste a des conséquences très graves sur la victime, la famille et la société. Il peut provoquer la mort de la victime des décennies après les faits. La correctionnalisation des viols sur mineurs est la règle alors qu’elle est illégale. Notre société minimise le crime au détriment des victimes.
Quatrièmement : Il faut supprimer la qualification de l’infraction par le non consentement de l’enfant. La qualification de l’infraction par le non consentement de l’enfant avec les notions de menace, violence, contrainte ou surprise, ne peut se poser quand il s’agit d’inceste, car l’enfant est sous emprise. Le consentement de l’enfant ne peut pas être présumé (concernant l’atteinte sexuelle). On ne doit pas se poser la question du consentement en ce qui concerne les enfants de 0 à 18 ans. Un enfant n’est pas libre de donner son consentement contrairement à un adulte.
Cinquièmement : Notre proposition, rédigée par Yves Charpenel, avocat général à la Cour de Cassation de Paris.
Code pénal : Dans la section 3 : Des agressions sexuelles.
Insérer : De l’inceste
Est inceste, tout actes de nature sexuelle commis sur un mineur par le père, la mère ou toute personne ayant autorité parentale, leurs ascendants et leurs descendants, leurs frères et leurs sœurs.
Le mineur ne peut consentir à l’inceste.
Pour résumé, notre problématique en ce qui concerne l’article 22 tel qu’il est présenté dans cette proposition de loi, est qu’il reste sur les mêmes crimes et délits de viols et les agressions sexuelles et donc reste sur une hiérarchie des infractions, et continue donc à rechercher si il y a consentement de l’enfant. C’est pourquoi au lieu de garder la définition du viol et de l’agression sexuelle nous proposons l’expression de « tout acte de nature sexuelle » (expression utilisée dans l’écriture du délit de harcèlement sexuel actuel). Et nous proposons d’écrire en positif qu’une victime ne peut consentir à l’inceste afin de faire changer les mentalités de la société.
Aujourd’hui on traite l’inceste comme un viol aggravé, c’est un peu comme si on jugeait un acte terroriste comme un braquage de banque, cela n’a rien à voir, et je citerai le Professeur VIAUX qui a dit « l’inceste n’est pas un crime ordinaire, c’est un crime contre l’humanisation. »