Qu’est-ce que les rencontres victimes détenus ?
Les rencontres victimes détenus font partie d’un ensemble de mesures appartenant à la justice réparatrice ou justice restaurative. Selon le Dr. Robert Cormier de la Sécurité publique Canada, la justice réparatrice est une approche de justice axée sur la réparation des torts causés par le crime en tenant le délinquant responsable de ses actes, en donnant aux parties directement touchées par un crime – victime(s), délinquant et collectivité – l'occasion de déterminer leurs besoins respectifs et d'y répondre à la suite de la perpétration d'un crime, et de chercher ensemble une solution qui permette la guérison, la réparation et la réinsertion, et qui prévienne tout tort ultérieur.
Comment cela se déroule-t-il concrètement ?
Tous les protagonistes sont volontaires pour participer aux six rencontres de trois heures chacune organisées dans la prison de Poissy en Yvelines. Les détenus ne tireront aucun avantage au cours ou après leur incarcération pour avoir participé au programme. Ils doivent être volontaires bien sûr mais aussi désireux de participer, et avoir entamé une prise de conscience de leur crime. Ils sont choisis par rapport aux victimes participantes. Si les victimes ont subit l’inceste, des agresseurs incestueux seront recrutés. Les détenus ne sont pas les agresseurs des victimes participantes, ils ne les connaissent pas. Les victimes elles, reçoivent une préparation à la session : entretiens, visite des locaux… Chacun peut quitter le projet quand il veut. Les rencontres sont animées par deux personnes formées à cet effet et deux autres personnes de la société civile y assistent.
Quel est l’objectif de ce concept ?
L’objectif des rencontres, présenté lors des XXIIIe Assises nationales de l’INAVEM en juin 2008, « est de permettre à tous les participants de prendre conscience de leurs blessures, de bénéficier d’un cadre pour les exprimer et de trouver ensemble la voie de l’apaisement et de la responsabilisation.
> Offrir à la victime un espace de parole et d’échange propice à une véritable restauration
Dans le cadre du programme de Rencontres Détenus Victimes, la victime participante est invitée à dépasser différents obstacles pouvant contrarier sa restauration. Le premier obstacle à cette restauration tient aux idées parfois préconçues que l’opinion publique peut avoir des détenus et de l’univers carcéral. Dans le cadre du programme, la victime va pouvoir découvrir l’histoire personnelle de quelques auteurs, appréhender les éléments ayant conduit au passage à l’acte et enfin prendre la mesure de la souffrance du détenu. Le pardon n’est à aucun moment l’objectif recherché par la RDV mais c’est par la rencontre que la victime va pouvoir humaniser à nouveau l’auteur et par la même se libérer de ses propres peurs.
Le deuxième obstacle rencontré par la victime s’attache au sentiment de honte ou de culpabilité né de la commission de l’infraction. La communauté va ici jouer un rôle essentiel en invitant la victime a exprimer sa souffrance dans un environnement neutre et bienveillant et en présence d’autres personnes en souffrance. Dans le cadre des échanges, la victime va pouvoir exprimer un certain nombre de sentiments de l’ordre de la colère ou encore de la honte, poser les questions qui la hante et discuter les réponses apportées par l’ensemble du groupe.
> Responsabiliser le détenu quant aux conséquences de l’infraction
Au sein de l’univers carcéral, le détenu est amené à travailler avec un conseiller d’insertion et de probation à la préparation de sa sortie de prison. Pour autant, la réflexion engagée Services Pénitentiaire d’Insertion et de Probation des Yvelines
Maison Centrale de Poissy ne se tourne pas vers le passage à l’acte et les conséquences de l’infraction mais exclusivement vers l’avenir de la personne. Après quelques années d’incarcération, certains détenus s’interrogent pourtant sur la situation de la victime sans qu’aucun espace ne leur permette de s’engager dans ce cheminement.
Par la participation aux Rencontres Détenus Victimes, les personnes détenues vont trouver un espace privilégié pour prendre la mesure des conséquences de l’infraction et de la souffrance des victimes tout en réfléchissant aux événements qui ont conduit au passage à l’acte. A terme, prise de conscience et responsabilisation pourront émerger pour concourir à une réinsertion sociale réussie ».
Comment les encadrants sont ils formés ?
L’INAVEM, fédération regroupant 140 associations d’aide aux victimes, organisatrice des rencontres, a développé un module de formation de cinq jours sur la justice réparatrice et la mise en place des rencontres victimes détenus. Cinq jours, est-ce suffisant pour appréhender des relations humaines si complexes avec des personnes dangereuses et des victimes fragilisées ? Car si ce concept a pour but d’aider les victimes à se reconstruire, il s’adresse alors à des personnes fragiles qui doivent être protégées. La revictimisation que pourrait provoquer la rencontre avec un agresseur peut elle être anticipée, gérée ?
Qui fait la promotion de ce concept ?
La société au travers du Ministère de la Justice est le premier promoteur des rencontres victimes détenus. Son objectif annoncé, réduire la récidive. Toutefois, il n’est pas franchement prouvé que cela marche.
Les victimes non reconnues par la justice peuvent-elles participer ?
Les victimes qui n’ont pas porté plainte et qui n’ont pas de jugement, donc, non reconnues comme telles par la justice, ne peuvent pas participer.
La justice réparatrice est-elle évaluée ?
Lors de la conférence de consensus organisée par le Ministère de la Justice en 2013 sur la récidive, la justice réparatrice a été évoquée. Les intervenants ont noté le manque de données concernant l’évaluation de ce concept.
Pour en savoir plus
Programme de Justice Collaborative au Canada
France Inter, La justice Réparatrice, émission « Le téléphone sonne »
Ministère de la Justice, Conférence de consensus 2013