20 ans de silence

Témoignage Publié le 21.03.2025

Bonjour, j'ai enfin pris le courage de prendre la parole sur ce qui a pu m'arriver il y a maintenant 20 ans.

Tout a commencé en 2004, j'avais 6 ans, mes parents s'étaient proposés à garder à la maison ma cousine et mon cousin (qu'on va nommer J.) suite aux divorce de leurs parents, (leur père était violent). Une après-midi, je jouais avec mon cousin, qui n'avait que 5 ans. Nous étions seuls dans ma salle de jeux, il m'a proposé de jouer au médecin, et de me déshabiller, il me faisait qu'un simple câlin. Ma sœur nous a surpris mais je lui ai demandé de ne rien dire. Elle m'a dit "d'accord". Pendant les vacances scolaires, quand je le voyais, il voulait sans cesse me voir déshabillée, il me le demandait à plusieurs reprises, voir mon corps, me regarder, et me suivait jusqu'aux WC. Il m'a une fois mise dans un coin d'un mur pour juste tripoter.

2 ans plus tard en 2006, tout a changé, ce n'était pas juste lui, mais aussi nos autres cousins, surtout 2 cousines (J. & J. ) (côté maternel). On ne jouait plus à la poupée, c'était impérativement ce genre de jeux, où il fallait se mettre nus, danser, se tripoter, se faire des câlins. Une fois ma cousine (J.) du même âge a demandé à ce cousin-là et un autre (qui était le petit frère de J.) de nous montrer leurs parties intimes, de se toucher, et de danser nus devant elle ; elle faisait semblant de filmer avec une caméra en jouet. Moi j'étais à l'écart… je pense avoir eu le déclic que ce n'était pas normal.

Sauf que ça ne s'est pas arrêté, à chaque vacance quand on ce voyait c'était ça, à un point où J. me demandait de se me mettre sur elle, ou inversement. On devait "se frotter mutuellement". Un jour elle m'a embrassé sur la bouche avec la langue, c'était en 2007. On n'avait 9 ans et demi, presque 10. Ma cousine J. était moins sur le contrôle, mais plus "on fait des danses érotiques", et nous parlait souvent de sexe, à quel point qu'elle avait hâte... J'avais aucune connaissance de cela. Durant mon année scolaire 2007-2008, mes amies ont remarqué que je parlais souvent de choses intimes, que ce n'était pas normal... Je me suis enfermée sur moi-même, et petit à petit j'ai compris que c'était vraiment pas normal ce que je vivais. Cette année-là a été très difficile, je parlais peu, je restais souvent toute seule, mes parents ont failli se séparer, et même quand j'étais partie chez mes grands-parents, ce jeu continuait.

Ces jeux ont pris fin début 2010, à mes 12 ans, quand il y eu une énorme dispute familiale. C'était le plus beau jour de ma vie, j'étais enfin loin d'eux, j'ai pu retrouver mes réseaux sociaux de 2008 à 2015 où j'écris toute ma haine contre ma famille. Je l'ai mise tout à l'écart, à tel point que ne rien dire pendant toute ses années m'a créé de l'anxiété, dépressions et idées suicidaires, j'ai dû me scolariser au CNED vers la fin de 3éme. Je n'ai jamais pu avoir de relation sentimentale ou sexuelle de ma vie. Cela m'a détruite, et rendu si fade, vide et dépressive, je me bas chaque jour contre ce genre de crime, depuis des années, mais j'ai jamais pu réussir à trouver mes mots, jusqu'au jour où j'ai trouvé les réponses que j'attendais.

Entre 2010 et 2025, je me suis cloîtrée chez moi, j'ai fait le maximum à les revoir et faire comme si de rien, mais ce silence me tue, j'ai déjà eu une dispute au téléphone avec ma tante (la mère de J.), lui disant que son fils n'est pas un ange, elle m'a dit mot pour mot "Oh c'est rien, moi aussi j'ai vécu cela, j'ai vu un psy, c'est normal, on se découvre"... J'ai trouvé ses propos anormaux. Non, ce n'est pas normal. Pendant des années je me suis sentie sale, même si je n'avais pas joué un rôle dans tout cela, mais j'avais des amies, je jouais avec tous les garçons de mon village, de ma classe, j'allais chez tout le monde - et à aucun moment de ma vie ces personnes-là m'ont proposé de ce genre de jeux, jamais. Et je ne remercierai jamais assez ces personnes, car ça ma permis de faire la différence entre jeux entre gamins, abus, et un garçon qui t'aime bien et qui est tactile.

J'ai pris 20 kilos, à tel point je ne voulais pas plaire, le sexe me dégoûtait, entendre les gens en parler me dégoûtait, cette même tante m'a une fois dit "tu vois quand on n'a un copain et qu'on pratique, on perd du poids". Je suis quelqu'un de croyante, même si on ne m'a pas élevée dans la religion, c'est moi-même qui a fait en sorte, je me suis promise de ne rien faire avant que Dieu/L'Univers me montre avec qui je devrais le faire. Maintenant qu'il m'a tout montré, j'ai tout qui refait surface, je dois parler, pour moi, pour lui et aussi pour mes futurs enfants, pour que le schéma cesse.

J'ai déjà eu une discussion avec ma cousine (J.), elle ne s'en rappelle pas, mais elle m'a avoué que J. a eu des comportements comme cela même quand j'étais pas là, elle se mettait nue sans cesse devant eux, et faisait des photos pas très adéquates où tout le monde peut voir. Pour nous, notre cousin (J.) a vécu de l'inceste par son père violent, mais personne ne parle. Ma cousine (J.) a eu un grand-père qui a fait subir de l'inceste à sa mère, je lui ai même demandé si elle n'avait pas vécu cela, elle me dit que non, par contre elle en veut à ses parents de les avoir laissé passer des vacances avec lui alors qu'ils savaient très bien qu'il était incestueux. Ma mère a elle-même vécu de l'inceste, par un frère et un cousin à 10 ans. Mais personne ne reconnaît cela comme de l'inceste. Mais même si j'ai réussi à leur parler, je ne les veux plus dans ma vie. Mes parents, ma sœur, sont au courant maintenant de cela. Maintenant je vais mieux, mais j'ai toujours ce besoin de parler. Je ne suis plus sous anxiolytiques, je suis en paix et je souhaite en parler pour briser le silence. Nous ne sommes pas seuls, nous devons toujours nous battre contre l'inceste. Merci infiniment d'avoir créer cette plateforme. <3